top of page
Rechercher

VERS UNE SANCTUARISATION DE LA DÉPENSE COMMUNAUTAIRE ? - suite 1



Jour après jour, la presse rapporte des cas précis d’usage irrégulier des crédits européens dans certains Etats membres. 

Année après année, la Cour des Comptes européenne fait état de ces irrégularités et fournit des rapports documentés sur des cas patents. 


Régulièrement, des ONG spécialisées dénoncent des systèmes ou filières visant à détourner les fonds publics européens. 

Tout ceci donne à l’opinion le sentiment - parfois exagéré - d’une certaine gabegie en tout cas d’un réel gaspillage. Sentiment exacerbé par des phénomènes avérés de corruption au profit de personnages politiques ou d’intérêts  économiques privés.


L’impuissance de “Bruxelles” à prévenir, déceler, dénoncer et encore moins sanctionner ces irrégularités et l’impunité conséquente de leurs auteurs créent un climat d’exaspération et de perte de confiance dans le système.


Nous avons ici traité de cette question à plusieurs reprises :


Il est donc inutile de revenir sur un diagnostic sans appel - par ailleurs fort bien documenté dans de multiples analyses officielles, académiques et journalistiques. 


Vers une Inspection des Finances de la Commission

C’est dans ce contexte que, évoquant le fort accroissement du budget européen lié au plan de relance de 750 milliards, , la question d’une “sanctuarisation” de la dépense communautaire par l’instauration d’un contrôle de type fédéral avait été abordée (Voir ci-dessus). Ou, pour le dire plus simplement, un contrôle des fonds de l’UE par l’UE elle-même.


À cet égard, c’est le rôle que pourrait jouer la Commission qui serait concerné. 

Celle-ci étant officiellement et juridiquement chargée - et responsable de - l’exécution du budget, ne pourrait-elle pas jouer un rôle plus actifen matière de contrôle de régularité de l’utilisation des fonds mis à la disposition des Etats ? 


Il y a quelque paradoxe à constater d'une part la rigueur (parfois tatillonne) avec laquelle elle surveille la gestion des fonds placés sous sa responsabilité directe - et d’autre part l’absence quasi-totale de surveillance de l’utilisation des crédits du budget “confiés" à la gestion des Etats.  


Indépendamment de l’aspect politique et institutionnel de la question - et se plaçant d’un point de vue purement fonctionnel - ne pourrait-on imaginer que la Commission se dote d’un appareil administratif capable de suivre en temps réel la régularité de l’exécution du budget par et dans les Etats membres ? 


Ne pourrait-elle, par exemple, se doter d’un corps spécifique d’inspecteurs/contrôleurs des finances qui serait adossé, au niveau central, à la Direction générale du budget sous l’autorité du Commissaire compétent - mais dont la travail quotidien serait effectué en continu et sur le terrain par des fonctionnaires détachés, spécifiquement chargés du contrôle de régularité ? Fonctionnaires placés auprès des Représentations de la Commission dans chacune des capitales des Etats membres et mandatés pour examiner et rapporter sur l’utilisation en cours des principales lignes de crédits concernés - en liaison avec les DG ordonnatrices. 


Ces inspecteurs n’auraient évidemment aucune autorité directe sur les services nationaux concernés - si ce n’est de pouvoir exiger des informations, explications et justifications en tant que de besoin. 


La collecte organisée, systématique - puis exploitée au niveau central - de ces données permettrait tout d’abord à la Commission de se faire une idée plus précise des problèmes et de leur ampleur. Ainsi renseignée, elle serait mieux en mesure d’engager un dialogue direct avec les pouvoirs publics nationaux lorsque cela s’avèrerait nécessaire. L’existence même de ce contrôle rapproché et de ce dialogue pourrait avoir un effet positif et même dissuasif sur les gestionnaires nationaux des crédits européens. 


Un codicille au mécanisme de protection des intérêts financiers de l'UE

On peut d’ailleurs estimer qu’en l'état actuel de ses compétences, la Commission est au moins en mesure - en cas d’irrégularité grave et patente révélée par exemple par la presse -  de sursoir au versement de crédits communautaires. 


De même qu’il est probable que le mode de contrôle approfondi esquissé ci-dessus ait déjà été envisagé - voire partiellement mis en oeuvre - par la Commission. Mais il semble que des obstacles de caractère politique - liés au concept de souveraineté nationale - empêchent un développement plus énergique, plus organisé, plus systématique et donc plus efficace de ce type de contrôle.  

Il se trouve que, précisément dans le cadre du Plan de relance, un mécanisme dit de protection des intérêts financiers de l’UE est soumis au Conseil et au Parlement. On sait toutefois que ce mécanisme vise à dénoncer une situation globale de dislocation de l’état de droit dans un Etat membre très en aval d’actes ponctuels d’irrégularités. Peut-être serait-ce l’occasion d’établir aussi une procédure plus modeste mais de caractère préventif telle qu’envisagée ci-dessus ? Cela ne nécessiterait d’ailleurs pas de base réglementaire spécifique mais seulement une disposition - un codicille de caractère général - invitant les Etats à ouvrir les dossiers et comptes de l’utilisation des crédits communautaires aux contrôleurs/inspecteurs mandatés de la Commission.  


Le Conseil européen a lui-même (entr’)ouvert la voie dans ses conclusions du 21 Juillet 2020:


“ 23. La Commission est invitée à présenter de nouvelles mesures afin de protéger le budget de l'UE et Next Generation EU contre les fraudes et les irrégularités, et notamment des mesures visant à assurer la collecte et la comparabilité des informations relatives aux bénéficiaires finaux de fonds de l'UE à des fins de contrôle et d'audit, à prévoir dans les actes de base concernés. La lutte contre la fraude nécessite une forte participation de la Cour des comptes européenne, de l'OLAF, d'Eurojust, d'Europol et, le cas échéant, du Parquet européen, ainsi que des autorités compétentes des Etats membres"


Parlement et Commission pourraient donc s’entendre pour étoffer et matérialiser cette louable déclaration d’intention faite au nom des Etats membres.



Jean-Guy Giraud  11 - 08 - 2020

bottom of page