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UE /TVA : LE GRAND BRAQUAGE



Une enquête journalistique menée par une équipe spécialisée” de plusieurs journaux européens ("Grand Theft Europe”) vient de mettre en évidence le phénomène spectaculaire de fuite/fraude fiscale en matière de TVA au sein de l’UE (1).

Ce phénomène est bien connu et documenté depuis plusieurs années par la Commission et par la Cour des Comptes européennes - mais il n’a pu jusqu’ici être maitrisé ni par les États membres ni par les Institutions.

Il est même en constante augmentation et atteindrait aujourd’hui un montant de l’ordre de 160 milliards de pertes de recettes - soit l’équivalent du budget annuel global de l’UE et de 1% du PIB cumulé des 28.

Pour les 2/3, ces pertes seraient dues à l’effet combiné des défaillances des administrations fiscales nationales et à leur insuffisante collaboration.

Pour 1/3, elles seraient causées par des activités maffieuses organisées et parfois liées à des réseaux terroristes .

En 2016, sur les 160 milliards d’Euros de recettes perdues, 110 milliards l’ont été dans les 5 plus grands États membres (2):

- Italie: 36 milliards (soit 26% du total des revenus nationaux TVA exigibles) (3)

- Allemagne: 23 milliards (9%)

- Royaume Uni: 22 milliards (12%)

- France: 21 milliards (11%)

- Pologne: 8 milliards (21%)

La Commission, la Cour des Comptes, Olaf et Interpol ont constamment demandé aux États de remettre à niveau leurs services fiscaux et statistiques - ainsi que leurs appareils douaniers, répressifs et judiciaires - pour endiguer cette perte de recettes affectant gravement leurs capacités budgétaires. Elle a également insisté pour que ceux-ci coopèrent plus activement dans le partage et la transmission des données ainsi que dans le traitement des fraudes détectées.

La Commission a présenté en 2017 un plan d’action combiné et complet (programme “Fiscalis) (4) pour remédier à l’ensemble de ces lacunes. En mars 2019, le Conseil est parvenu à “un accord politique provisoire” sur ce plan. Mais les États se sont réservés de le ré-examiner dans le cadre des négociations à venir sur le prochain budget pluri-annuel de l’UE (2021/2027).

Tant le programme Fiscalis que le budget pluri-annuel doivent être approuvées par un vote unanime de tous les États membres - ce qui explique, au moins pour partie, la paralysie du dossier.

Mais, en pratique, l’incapacité matérielle de nombreux États membres à se doter de moyens efficaces de suivi et de contrôle des opérations de TVA (notamment transfrontières) limite sérieusement les chances de succès de “Fiscalis”.

Autant dire que, hormis quelques progrès limités, l’ensemble de l’affaire reste bloquée, au moins jusqu’en 2021 et sans garantie d’aboutissement. Et l’on peut s’attendre à de nouvelles pertes de recettes de plus de 300 milliards en 2019 et 2020.

Il est heureux que - grâce à ce type d’enquêtes journalistiques de plus en plus en vogue - l’ampleur du problème des pertes de recettes TVA ait été portée à l’attention du public et .. des contribuables. Si la Commission et le Parlement européen les avaient fréquemment évoquées, l’opinion n’en était pour sa part pas vraiment consciente.

Rappelons encore une fois que ce “scandale” est largement dû au refus de la grande majorité des États de remplacer - dans le domaine fiscal - la règle de l’unanimité par celle de la majorité ainsi que la Commission (soutenue par le Parlement) le propose avec insistance (4).

Si, grâce au VMQ, les propositions de réforme de la Commission pouvaient être adoptées, les États se trouveraient dans l’obligation juridique de les mettre en oeuvre et bien des blocages ou insuffisances actuelles pourraient être atténués voire supprimés assez rapidement pour le plus grand bénéfice des Etats eux mêmes et de leurs contribuables.

Ajoutons in fine que la question de la TVA n’est que l’un des éléments de l’évasion et de la fraude fiscales au sein de l’UE. Comme l’a montré la grande enquête du Parlement effectuée en 2017 à la suite de l’affaire des "Panama Papers”, de nombreux autres mécanismes d’évitement fiscal (souvent montés par les gouvernements eux-mêmes) contribuent à la perte de ressources budgétaires. Cette perte doit être compensée par la hausse des impôts dont le rendement est plus sécurisé et qui pèsent plus directement sur les contribuables.

Un beau sujet pour le débat démocratique européen en cours !

Jean-Guy Giraud 08 - 05 - 2019

(3) ces 36 milliards de pertes sont à comparer avec le montant du déficit budgétaire italien de 2019 estimé à environ 50 milliards.

(5) Le Traité prévoit expressément un tel passage (“passerelle”) au VMQ dans son art. 48§7 TUE.


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