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VERS UNE “SANCTUARISATION" DE LA DÉPENSE COMMUNAUTAIRE ?



Bien qu’ayant fixé jusque dans les moindres détails le contenu du prochain cadre Financier Pluriannuel 2021/2027 ainsi que du Plan de Relance "Next Generation EU” - le Conseil Européen a renvoyé à la Commission la question de “la protection des intérêts financiers de l’UE”.


Selon ses conclusions du 20 Juillet 2020 : 

  • “ 22. The Union's financial interests shall be protected in accordance with the general principles embedded in the Union Treaties, in particular the values of Article 2 TEU. The European Council underlines the importance of the protection of the Union's financial interests. The European Council underlines the importance of the respect of the rule of law.

  • 23. Based on this background, a regime of conditionality to protect the budget and Next Generation EU will be introduced. In this context, the Commission will propose measures in case of breaches for adoption by the Council by qualified majority. The European Council will revert rapidly to the matter."


Mais il a aussi inséré le paragraphe suivant :

  • 24 . The Commission is invited to present further measures to protect the EU budget and Next Generation EU against fraud and irregularities. This will include measures to ensure the collection and comparability of information on the final beneficiaries of EU funding for the purposes of control and audit to be included in the relevant basic acts. Combatting fraud requires a strong involvement of the European Court of Auditors, OLAF, Eurojust, Europol and, where relevant, EPPO, as well as of the Member States' competent authorities."

On voit donc avec un certain soulagement que le Conseil européen lui-même se préoccupe enfin du bon usage des deniers communautaires … par les Gouvernements que ce même Conseil représente.  Ceci dit, cet engagement comporte d’importantes limitations :

  • les compétences des organes de l’Union en matière de contrôle de la régularité de l’utilisation des crédits européens par les administrations nationales demeurent très limitées: ce contrôle fait partie du domaine réservé des Etats (de même que la fiscalité) et l’UE ne peut intervenir qu’indirectement ou a posteriori,

  • en effet, dans le §24 ci-dessus, le Conseil demande à la Commission de proposer des mesures de lutte contre la fraude et les irrégularités - mais il ne s’agit que de contrôle a posteriori par des organes communautaires dont la composition même, les pouvoirs d’investigation et les moyens matériels limitent fortement les pouvoirs de détection et d’investigation (1) à l’exception partielle de la Cour des comptes,

  • l’instauration prochaine d’un "régime de conditionnalité” visée au §23 concerne la proposition de la Commission (2). Mais on en connait d’ores et déjà les limites : 1. elle concerne la capacité des Etats eux-mêmes (et non pas de l’UE) à contrôler leur usage des crédits communautaires 2. elle ne vise que l’hypothèse d’une incapacité générale d’un Etat à effectuer ce contrôle du fait d’une faillite avérée de l’”état de droit” dans cet Etat 3. seuls les autres Etats (en l’occurrence le Conseil) seront habilités à constater cette incapacité (3),


Au total, un long chemin reste à parcourir pour parvenir, dans l’UE, à un contrôle de type fédéral des dépenses engagées par celle-ci. La zone grise entre les niveaux européen et national demeure très vaste ce qui facilite - sinon incite à - toutes sortes de négligences et d’irrégularités (4). Certes, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, la diversité des “cultures financières” entre les divers Etats membres ne facilite pas les choses. Elle peut même conduire certains Etats “frugaux” à s’opposer à la croissance des dépenses européennes au motif de leur éventuel gaspillage ou détournement par d’autres Etats. Mais à défaut de pouvoir rapidement et efficacement réduire cette diversité, ne serait-il pas opportun d’envisager une sorte de “sanctuarisation” spécifique la dépense communautaire telle qu’exécutée au niveau national ? C’est généralement le cas dans des systèmes fédéraux tels que, par exemple, celui des Etats-Unis où l' "Internal Revenue Service" (IRS) dispose - au moins sur les recettes fédérales - d’un redoutable pouvoir d’investigation et de sanction à l’échelle nationale.  Sur un tel sujet - auquel l’opinion est à juste titre très sensible - une initiative du Parlement européen au nom de l’ensemble des contribuables serait la bienvenue même si les dispositions actuelles des traités devraient sans doute être adaptées en conséquence. Ici encore, la Conférence sur l’Avenir de l’Union (décidément très sollicitée …) pourrait être le cadre d’un tel débat. Débat qui pourrait d’ailleurs s’appuyer sur au moins deux dispositions actuelles du Traité de Lisbonne :

  • l’article 5§2 TUE sur le principe de subsidiarité (3)

  • l’article 325 TFUE sur la “lutte contre la fraude” (4)

Ainsi que sur l’acquis des multiples mesures partielles déjà prises dans ce domaine (5).  Vaste chantier et tâche aussi ingrate qu’ardue, en vérité !  Mais essentielle et opportune pour restaurer la confiance et l’estime de l’opinion vis à vis de l’UE - aussi bien que son crédit (dans les deux sens du terme) auprès des milieux financiers internationaux qu’elle s’apprête à solliciter à grande échelle pour la première fois dans son histoire.  Jean-Guy Giraud  04 - 08 2020   __________________________


(1) l’interminable saga de la création d’un embryon de "Procureur européen" témoigne de cette réticence des Etats à laisser un organe communautaire pénétrer les arcanes du contrôle national des dépenses. (2) voir : https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52018PC0324 (3) au surplus, l’inclusion du respect des “valeurs” dans les critères de l’”état de droit” est susceptible de créer confusion et polémique (déjà fortement engagée par la Pologne) - et donc un retard voire un blocage de ce mécanisme. (4) voir notamment: https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/des-intérêts-financiers-de-l-ue-bien-mal-protégés https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/ue-les-milliards-qui-échappent-au-contrôle-de-la-finance (5) voir https://www.europarl.europa.eu/factsheets/fr/sheet/32/lutte-contre-la-fraude-et-protection-des-interets-financiers-de-l-union-europeen

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