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LA HONGRIE, L'UE ET LE DROIT



Le “bras de fer” actuel entre l’UE et la Hongrie de Viktor Orban prend des proportions d’autant plus préoccupantes qu’un amalgame de divers problèmes complique sérieusement la situation.

En résumé, l’UE entretient des doutes sérieux sur la capacité de l’Etat hongrois à garantir l’utilisation régulière des fonds européens - qu’ils proviennent du budget ordinaire ou du plan de relance.

D’autre part, la Hongrie fait l’objet de critiques de plus en plus vives de la part des Institutions (particulièrement du Parlement européen) et des medias au sujet du traitement de certaines minorités sexuelles (1).

Bien qu’il s’agisse de deux questions factuellement séparées, la pression politique et médiatique aboutit à les lier très étroitement.


La Commission se trouve, de par les règles en vigueur, dans la position inconfortable de déclencher - ou non - les procédures distinctes prévues pour remédier à ces deux situations.

Sur le plan juridique, il apparait que :

  1. la légalité du règlement sur la "conditionnalité pour la protection du budget”, en vigueur depuis le 1 janvier 2021, fait l’objet de doutes sérieux qui ne pourront être levés - ou confirmés - que par la CJE qui en a été saisie (notamment par le gouvernement hongrois)(2). Dès lors, il est compréhensible que la Commission hésite à proposer le déclenchement du mécanisme prévu par ce règlement. D’autant plus que sa proposition devra être - ou non - confirmée par le Conseil statuant selon la règle dite de “majorité inversée” (une absence d’opposition majoritaire valant approbation). Règle dont la légalité pourrait être, en la circonstance, l'un des maillons faibles du texte. (3)

  2. à défaut d’application de ce règlement au cas hongrois, il est très difficile pour la Commission de bloquer - ou même de ralentir indûment - le versement des fonds (du budget comme du plan de relance).Tout au plus peut-elle assortir ce versement de conditions - non suspensives - relatives à l’amélioration du contrôle de la bonne utilisation des fonds européens par l’administration hongroise.

  3. la Commission pourrait cependant signifier au gouvernement hongrois son intention de contrôler (“monitoring”) étroitement le circuit et les différentes étapes de l’utilisation des fonds européens en se réservant la possibilité de suspendre des versements en cas de soupçons graves d’irrégularités affectant certaines opérations précises. Cette procédure, tout à fait conforme au règlement financier, est en fait relativement peu utilisée - faute pour la Commission de disposer de mécanismes opérationnels de surveillance ex ante des circuits nationaux de financement (4).

  4. il ne semble pas possible, juridiquement, d’établir un lien entre cette question budgétaire et celle de la discrimination alléguée des minorités concernées. Si la Commission estimait que la législation hongroise était contraire à certaines règles communautaires précises dans ce second domaine, elle devrait initier de son propre chef une procédure d’infraction spécifique dont la nature (et les délais) devront suivre leur propre cours. Et l’on sait que les bases juridiques du Traité en la matière sont plutôt limitées.

Au total, une situation bien incertaine sur le plan politique comme juridique.


Au cas où le gouvernement hongrois refuserait toute concession sur les deux volets du dossier, il pourrait en résulter une grave crise politique - d’autant plus que d’autres gouvernements, concernés par l’un ou l’autre de ces dossiers, pourraient venir soutenir la position hongroise. Dans l’immédiat, la meilleure solution consisterait à s’en remettre - sous le contrôle de la Cour de justice - à l’application des règles prévues par le traité tout en évitant, de part et d’autre, d’inutiles provocations qui ne feraient qu’envenimer le conflit.


Il est donc souhaitable d’une part que la perspective de prochaines élections législatives en Hongrie n’incite pas les dirigeants en place à tenter un coup de force - et d’autre part que les autres gouvernements et les Institutions (notamment le PE, très en pointe sur le sujet de la protection des droits humains) s’en tiennent sans surenchère à la règle de base en démocratie : “rien que le droit mais tout le droit”.



Jean-Guy Giraud 08 - 07 - 2021


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