top of page
Rechercher

BUDGET ET ÉTAT DE DROIT : LE CONSEIL EUROPEEN S'EN REMET A LA COUR DE JUSTICE



Le Conseil européen des 10 et 11 Décembre 2020 vient d’adopter ses conclusions sur la double question du Budget/Plan de relance et du mécanisme de conditionnalité lié à l’état de droit (1).


Après plus de 6 mois de controverses très médiatisées provoquées par les réticences (en fait les vetos) de deux Etats membres (Hongrie/Pologne) vis à vis de ce mécanisme, l’accord unanime (provisoire) ainsi obtenu consiste en fait à … le problème à une tierce partie - en l’occurence la Cour de Justice de l’UE.


Un compromis tortueux

En résumé, cet accord peut-être ainsi explicité :

  • le Conseil Européen “débloque" le Budget pluri-annuel et le Plan de relance qui pourront donc entrer en vigueur dès que le Conseil de Ministres les aura formellement adoptés (à l’unanimité) et que le Parlement aura confirmé son approbation - probablement d’ici le 1 Janvier 2021,

  • le Conseil européen “débloque” également le règlement relatif au mécanisme de conditionnalité qui pourra donc être formellement adopté et par le Conseil (à la majorité qualifiée) et par le Parlement selon la procédure législative normale - ici encore avant le 1 Janvier 2021,

  • toutefois, ce règlement devra être complété par des "modalités d’application” (“guidelines”) que la Commission est chargée d’élaborer,(2)

  • dans le cas (probable) où ce règlement ferait l’objet - dans les deux mois - d’un recours en annulation devant la CJE sur la base de l’article 263 TFUE (notamment par les deux Etats concernés), la rédaction et l’adoption de ces modalités d’application par la Commission seront suspendues jusqu’à l’arrêt de la Cour afin de pouvoir en tenir compte,

  • en conséquence, la Commission devra de facto s’abstenir d’enclencher toute action contre un Etat membre aussi longtemps que ces modalités n’auront pas été définies cad pas avant que la Cour n’ait statué sur la légalité du mécanisme (soit un délai d’un ou deux ans selon la procédure que choisira la Cour).


Une affaire parquée à la CJE

Tout ceci confirme la prévision d’un observateur :


"I would expect that the political dispute will change into a legal one and be parked at the European Court of Justice—which will decide in one or two years, when the situation in Europe and in both countries could be different”.


En d’autres termes, la “patate chaude” est renvoyée à la Cour et les deux “usual suspects” échappent à toute mise en accusation éventuelle d’ici l’arrêt de la Cour lequel devra encore être suivi de l’adoption des modalités d’application. Ajoutons que - au vu de la fragilité apparente du règlement de conditionnalité sur le plan juridique - l’affaire apparait assez “mal engagée” (3) et son issue très incertaine.


Un avertissement, une démonstration et une leçon à tirer

L’élément positif de cette affaire demeure un avertissement solennel à l’endroit des “rogue states” (Etats voyous ?) qui devraient/pourraient se monter à l’avenir plus respectueux - ou au moins plus attentifs - vis à vis des normes minimales de l”état de droit” et, par extension, des autres valeurs de base de l’UE (démocratie, droits fondamentaux, …). Et si le mécanisme de conditionnalité entre finalement en vigueur, il viendrait utilement compléter celui prévu par l’article 7 TUE actuellement encalaminé du fait de ses propres limitations.


L’aspect négatif que retiendra surtout l’opinion, c’est la démonstration spectaculaire de la capacité d’un ou deux gouvernements en place - et parmi les moins “vertueux” - de bloquer ou de poser leurs conditions aux 25 autres en prenant en otage des décisions vitales pour l’ensemble de l’Union.


Il faudra tirer des leçons de cet épisode peu glorieux dont le ressort fondamental fut et demeure l’insoutenable règle du vote à l'unanimité tant au sein du Conseil européen que du Conseil de Ministres. Pour paraphraser une réflexion de James Madison dans les Federalist Papers : “Where some governments are no angels, none should be given the faculty to incapacitate the whole"


Jean-Guy Giraud 11 - 12 2020

__________________________

(2) d’autre part, les conclusions du Conseil précisent dores et déjà toutes sortes de garanties (qui sont autant de limites) quant à l’application du mécanisme de conditionnalité

bottom of page