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PROTECTION DU BUDGET DE L'UNION: FEU VERT DE L'AVOCAT GÉNÉRAL DE LA CJE



Dans un délai relativement bref - en vertu de la "procédure accélérée” demandée par le Parlement européen - la Cour de justice européenne vient de franchir le premier stade de l’examen du recours de la Pologne et de la Hongrie contre le règlement de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union.


L'avocat général compétent vient en effet de rendre publiques ses conclusions en soulignant le "caractère constitutionnel” d’une affaire mettant en jeu "la protection du budget de l’Union contre les violations des principes de l’Etat de droit commises par les États membres en matière d’exécution budgétaire”.


C’est d’ailleurs pour souligner "l’importance exceptionnelle” de cette affaire que la Cour à décidé de la renvoyer devant l’assemblée pleinière.

Ces conclusions sont claires et sans réserve : le règlement en question est bien conforme au droit de l’Union.


L’ avocat général n’a donc pas retenu les objections soulevées par les requérants - ni les réserves exprimées par … le service juridique du Conseil lui-même (1).


Même si ces conclusions ne préjugent pas de la décision de la Cour (qui devrait être prise assez rapidement), elles laissent présager un arrêt qui pourrait les confirmer.



Les principaux points soulevés

L’analyse du règlement concerné ainsi que les détails de l’affaire et de l’argumentation de l’avocat général peuvent être consultés ici (2). Nous ne relevons ici que certains aspects de ce texte relatifs à la capacité de l’Union (principalement de la Commission) à protéger l’utilisation du budget européen par les États membres :

  • il existe déjà dans le règlement financier (art. 96 et 97) des dispositions qui autorisent la Commission à suspendre de son propre chef des paiements lorsqu’il existe une irrégularité ou une insuffisance grave. De même, elle peut pour les mêmes raisons procéder a posteriori à une correction financière en réduisant les montants alloués (3),

  • dans leur esprit, les divers mécanismes de conditionnalité déjà existants dans différentes politiques communes ont pour but d’établir un lien entre solidarité et responsabilité : L’Union transfère des ressources de son budget aux États membres à condition qu’elles soient dépensées de manière responsable, ce qui suppose d’agir dans le respect des valeurs de l’Union

  • le règlement financier général de l’UE (adopté sur la base de l’article 322 TFUE) constitue une base juridique adéquate et suffisante pour développer de tels mécanismes et il est envisagé d’inclure ultérieurement le règlement concerné dans ce cadre,

  • contrairement à la proposition initiale de la Commission et à la position défendue par le Parlement, il s‘agit d’une conditionnalité exclusivement financière cad strictement liée à l’exécution du budget : la violation éventuelle de l’Etat de droit doit avoir des conséquences directes sur cette exécution ce qui exclut des violations de caractère général ou spécifique sans lien avec le budget,

  • d’ailleurs le règlement lui même explicite les principaux cas d’application du mécanisme relatifs notamment au bon fonctionnement des autorités nationales qui exécutent le budget, effectuent le contrôle et des audits financiers, sont chargées des enquêtes et des poursuites, assurent la prévention et la sanction de la fraude (fiscalité, corruption, …) et doivent coopérer avec l’OLAF et le Parquet européen,

  • et ce règlement précise aussi les mesures de protection du budget que peut prendre la Commission : suspension et réduction des paiements, correction financières et transfert des fonds, …,

  • dans tous les cas, ces mesures ne doivent pas affecter les intérêts des destinataires légaux et finaux des financements.


Sur l’article 7 TUE et le rôle du Conseil européen

D’autre part, l’avocat général réfute l’argument selon lequel ce type de sanctions ne pourrait être enclenché que dans le cadre plus général de l’article 7 TUE relatif aux "violations graves et persistantes des valeurs de l’Union". Il s’agit ici d’un mécanisme autonome, spécifique, limité et donc sans lien avec la procédure de l’article 7.


Enfin, sur le plan institutionnel, l’avocat général réfute l’argument selon lequel le Conseil européen serait illégalement intervenu dans l’adoption du règlement et conserverait le pouvoir de s’opposer in fine à son application. Tout en confirmant que le traité ne lui donne pas un tel pouvoir de caractère législatif, il considère que ces interventions éventuelles sont de caractère politique et non juridique.


Au total, ces conclusions laissent espérer un aboutissement positif de cette affaire. Rappelons que c’est à l'insistance de certains gouvernements (qualifiés de “frugaux”) que le Conseil européen en a pris l’initiative (politique) à l’occasion de l’adoption du Plan de relance et que le Parlement s’est fortement impliqué tout au long de la procédure.


La Commission doit encore adopter les modalités d’application du règlement - lequel est théoriquement en vigueur depuis … le 16 décembre 2020.


Si sa légalité devait être confirmée par la Cour, l’Union se sera ainsi enfin dotée d’un moyen vraiment efficace de contrôler le bon usage du budget européen par les Etats membres. En même temps, ce règlement incitera fortement ces Etats à se doter des moyens - et à effectuer les réformes - nécessaires pour contrôler cet usage. Ce faisant, ils seront sans doute amenés à améliorer en parallèle le contrôle des dépenses de leurs propres budgets




Jean-Guy Giraud 05 - 12 - 2021

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