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LIBÉRER FRONTEX ?



A la suite d’incidents et d’accusations de certaines ONG vis à vis des activités de Frontex en matière d’accueil de migrants, le PE a rencontré le Directeur exécutif de l’agence et la Commissaire en charge pour faire le point (04/03/21) .


C’est le Groupe de travail parlementaire spécialement créé pour traiter de Frontex (EP Frontex Scrutiny Working Group) qui a entendu les deux responsables.(1)

Une structure complexe

L’ audition aura sans doute porté principalement sur les incidents concernés et sur la question du traitement humanitaire des migrants et des obligations générales de l’Agence en matière de respect des droits fondamentaux.

Il aurait été souhaitable que, à cette occasion, soit abordée la question plus large du partage des tâches, des compétences et des responsabilités entre les trois parties prenantes dans le fonctionnement de Frontex : l’Agence elle-même (sous l’autorité de son Directeur “exécutif”), la Commission et les Etats membres (ou leurs représentants).


Une gestion de type intergouvernemental

Une lecture même rapide des quelque … 130 pages du Règlement de base de l’Agence (2) fait apparaitre non seulement l’extrême complexité administrative de son organisation et de sa gestion - mais aussi l’imbrication des responsabilités des diverses parties prenantes.

Cette lecture explique tout d’abord les difficultés et les lenteurs du processus décisionnel - mais fait surtout apparaitre une chose : les véritables maîtres de l’Agence ne sont ni le Directeur ni la Commission mais … les Etats membres dont les (27 …) représentants au sein du Conseil d’administration doivent entériner (par vote majoritaire) la plupart des décisions opérationnelles - lesquelles sont encadrées sur le terrain par les agents nationaux de l’Etat concerné. Etat dont l’autorisation préalable est requise pour toute intervention.


D’autre part, en cas de litige, de blocage décisionnel ou de situation particulière, le Conseil lui-même doit être saisi pour statuer sur la question par vote majoritaire.


Les représentants des Etats restent aux commandes

De fait, le Règlement de base précise bien que “les Etats membres restent responsables au premier chef de la gestion de leurs frontières extérieures" - l’Agence elle même n’exerçant qu’une "fonction d’appui” et d’ “assistance” - sous l’autorité du Conseil d’administration qui donne ses directives au Directeur exécutif.


La description (détaillée) de chacune des fonctions de l’Agence est précédée répétitivement des termes “sans préjudice des responsabilités nationales”.


Sans doute conscient des risques de blocage d’un tel dispositif laissé largement à la discrétion des autorités nationales (ou de leurs représentants) mais aussi des services concernés (garde-frontières nationaux) - le législateur fait appel à la “bonne foi” (sic) et à la "coopération loyale” de ceux-ci. Dans le domaine particulier concerné (cf. migrations) et au vu des positions tranchées de plusieurs gouvernements, l’efficacité de cet appel apparait aléatoire.

Finalement, le Directeur exerce surtout des fonctions de gestion administrative, de commandement de ses propres agents statutaires (devant atteindre le nombre de 10.000 à l’horizon 2027) et de coordination technique des opérations.


Quant à la Commission, son rôle est plus ambigu encore dans la mesure où elle n’exerce aucune autorité directe sur l’Agence - ainsi que l’a d’ailleurs reconnu la Commissaire compétente à l’occasion des récents incidents. Elle est tout de même chargée de superviser l’action du Directeur notamment dans sa gestion du personnel et des crédits propres à l’Agence (gestion qui n’est pas facilitée par les règles administratives internes de l’Institution).


Un dispositif lourd dans un contexte difficile

Il faut ajouter à ce dispositif lourd et complexe l’extrême exigence qui pèse sur l’Agence en matière de “plein respect des droits fondamentaux" des personnes (principalement des migrants) dont elle doit gérer les flux - exigence rappelée à de nombreuses reprises dans le règlement.


Et tout ceci dans un contexte international politique et humanitaire particulièrement troublé, face auquel les réactions des différents Etats membres sont souvent divergentes sinon opposées - et, pour certaines, carrément non-coopératives et humainement discutables.


Des agences plus autonomes ?

La question que pourrait se poser le Parlement dans son enquête sur le fonctionnement de Frontex pourrait donc utilement porter sur les moyens d’améliorer, simplifier, libérer ses structures et modes décisionnels. A cette occasion se poserait une interrogation de fond : l’UE ne devrait-elle pas donner plus d’autonomie à l’Agence vis à vis des autorités nationales et en même temps confier à la Commission la responsabilité politique sur son action ?


Question qui concerne d’ailleurs aussi pour une bonne partie des quelque … 40 agences - aux statuts variés - créées durant ces dix dernières années ainsi que pour celles dont la mise sur pied est envisagée. Vaste sujet qui met en jeu l’évolution générale de la gouvernance d’ensemble de l’UE à laquelle celle-ci va devoir se résoudre à réfléchir sérieusement (3).



Jean-Guy Giraud 05 - 03 2021

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