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LES AGENCES EUROPÉENNES : VERS UNE GOUVERNANCE PRÉ-FÉDÉRALE ?



Alors que l’attention de la presse et des milieux politiques s’attache principalement à l’activité des Institutions de l’UE, celle des Agences de l’Union demeure largement ignorée du public.


Pourtant ces Agences effectuent un travail considérable dans la coopération, la coordination, le rapprochement des législations - voire la gestion directe - relatifs à de nombreux domaines très diversifiés (1) liés à l’action de l’Union.


Ce rôle - tel que défini dans une déclaration des Institutions en 2012 (2) - est triple :

  1. contribuer à la mise en oeuvre des grandes politiques de l’Union (permettant ainsi aux Institutions - en particulier la Commission - de se concentrer sur leur “policy-making tasks”),

  2. assister le processus de décision politique en regroupant les expertises techniques/spécialisées disponibles dans l’ensemble de l’UE,

  3. encourager la coopération entre les États membres et l’UE dans les secteurs les plus importants. 

Selon un récent rapport de la Cour des comptes (3) - qui fournit une précieuse documentation sur l’ensemble des agences - il existe aujourd’hui … 41 agences de l’UE dont la plupart dites “décentralisées” cad réparties sur l’ensemble du territoire de l’UE (voir tableau récapitulatif en page 3 du rapport).


A titre d’exemple, une récente étude du Parlement européen (4) présente la “European Union Agency for Railways” - basée à Valenciennes et chargée de mettre en oeuvre la “Single European Railway Area”.


Au delà de la technicité des travaux effectués par ces Agences, deux remarques plus générales peuvent être faites :

  • du fait de leur multiplication et leur spécialisation croissantes - au fil de l’apparition de besoins ou de problèmes nouveaux - les Agences préfigurent l’émergence d’ "une administration européenne” de terrain (5), d’une sorte de "bras armé" du corps politique (les Institutions) de l’UE, d'un niveau intermédiaire entre “Bruxelles” et les opérateurs économiques, scientifiques, administratifs, ... nationaux.

  • étant dirigées à la fois par des représentants des États ou organes nationaux et par ceux des Institutions (le plus souvent la Commission), les Agences ont un caractère "semi-intergouvernemental” spécifique. Bien que parfois cause d’une certaine lourdeur, cette nature particulière facilite en pratique la coordination, la coopération, la compréhension entre les acteurs concernés. Ainsi, les responsables politiques de l’UE sont mieux informés des réalités du terrain et leurs décisions mieux acceptées et mises en oeuvre.

On a ainsi pu parler d’un phénomène d' “agencification” de la gouvernance européenne - résultant plus d’initiatives pragmatiques successives en réponse à des besoins concrets que d’un concept pré-conçu et pré-établi. Il est trop tôt pour faire le bilan de cette évolution et en particulier pour évaluer la qualité de l’articulation entre les trois niveaux décisionnels : Institutions - Agences - organes nationaux.


On peut seulement constater qu’elles correspondent, de facto, à un schéma organisationnel de type fédéral (que l’on retrouve, par exemple aux États-Unis). Une telle évolution est sans doute dans la nature du projet européen et doit être encouragée - tout en restant attentif à préserver la cohérence et l’opérabilité d’un tel système en construction.



Jean-Guy Giraud 29 - 10 - 2019

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(1) par exemple : sécurité aérienne, régulation énergétique, pêche, médicaments, drogues, frontières extérieures, formation professionnelle, conditions de vie et de travail, propriété intellectuelle, coopération judiciaire, police, droits fondamentaux, etc ...

(5) ces 41 agences disséminées dans pratiquement tous les États membres emploient 11.000 personnes et disposent d’un budget global de l’ordre de 3 milliards d’euros. 

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