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LE PRÉSIDENT, LE CONSEIL EUROPÉEN ET JEAN MONNET



En date du 27 Juillet 2020, un nouveau Secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes a été nommé en la personne de M. Clément Beaune, précédemment “conseiller Europe” du Président Macron. 


Cette nomination illustre bien la volonté du Président de conserver un contrôle direct et total sur “la politique européenne de la France” - de facto pilotée depuis l’Elysée et relayée par deux organes de nature administrative : le SGAE (1) à Paris et la RP à Bruxelles. Contrairement à la plupart des autres domaines d’action, aucun appareil ministériel (pas même celui du Quai d’Orsay) ne vient donc s’interposer entre la Présidence de la République et la gestion des affaires européennes (2). 


La nomination d’un (très) proche du Président à la tête d’un Secrétariat d’Etat réduit à un simple cabinet ministériel confirme cet état de fait - quels que soient par ailleurs les qualifications et l’engagement européens indiscutables du nouveau titulaire (3).


Cette présidentialisation et personnalisation du pouvoir en matière européenne est un phénomène franco-français qui ne concerne a priori que les autorités nationales concernées (4). 


Mais est-elle sans incidence sur les relations entre la France et les Institutions européennes - et, par conséquence sur le fonctionnement de ces dernières ? 


Du fait même de sa position (et de ses convictions personnelles), le Président aura tendance à favoriser le pouvoir de l’Institution dont il fait lui-même partie : le Conseil européen


Comme pour la gestion des affaires nationales, il sera enclin à évoquer à ce niveau supérieur non seulement les principales questions politiques (les “grandes orientations”) de l’actualité européenne mais aussi à s’immiscer jusque dans le détail des décisions - comme ce fut le cas pour l’adoption du Paquet Budget/Plan de relance le 20 Juillet 2020. Ce faisant, le rôle et la responsabilité des “autres” Institutions (Parlement européen et Commission) s’en trouvent amoindris et l’équilibre inter-institutionnel voulu par le Traité fragilisé (5).  


Certes, le Président français n’est pas le seul responsable de cette accaparement du pouvoir communautaire par le Conseil européen. D’autres Chefs de Gouvernements s’y laissent volontiers entrainer. Mais, du fait de sa position constitutionnelle unique parmi celles de ses homologues des 27 - il est certainement l’acteur le plus influent dans ce domaine. Par opposition, la Chancelière allemande s’est toujours montrée plus attentive aux prérogatives des “autres” Institutions - ainsi d’ailleurs qu’à celles de son propre parlement.


Rappelons enfin que cette pré-éminence du pouvoir personnel - individuel et groupé - n’est pas sans danger. Elle est fortement tributaire de la personnalité et de la situation politique des titulaires à un moment donné. De fait, un examen précis de celles de chacun des membres du Conseil européen à la date du 20 Juillet 2020 serait édifiant. 


Dans le cas du Président français, les circonstances ont voulu que celui-ci soit à la fois le plus compétent et le plus engagé parmi de ses prédécesseurs. Mais il aurait pu en être tout autrement si sa rivale du 2ème tour électoral de 2017 l’avait finalement emporté …


Jean Monnet avait coutume de dire que “seules les Institutions sont sages” car elles gardent la mémoire et l’élan de la construction européenne. Mais, aujourd’hui, il n’inclurait probablement pas le Conseil européens parmi ces Institutions. 


Jean-Guy Giraud  27 - 07 - 2020  

__________________________ (1)  "Le Secrétariat général des affaires européennes est chargé, sous l’autorité du Premier ministre, de la coordination interministérielle pour les affaires européennes, conformément aux orientations définies par le président de la République. (2) voir : https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/2019/04/01/paris-une-nouvelle-ministre-sous-tutelle-de-leurope https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/mais-qui-est-mme-de-montchalin (3) on sait d’autre part qu’elle fut l’implication personnelle du Président dans les choix initiaux (plutôt malheureux) des candidates aux postes de Commissaire française et de présidente de la délégation des députés français au PE (Mmes Goulard et Loiseau) ainsi d’ailleurs que des candidats de la liste du LREM.  (4) bien que la mise hors circuit du Parlement et de l’appareil diplomatique posent problème. (5) https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/le-conseil-europeen-face-au-corona-virus

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