"In the European Union, over the last few days, the Central Bank and the Commission have taken significant and positive financial and economic decisions, with the support of the European Parliament. The Council of the national heads of government has not done so yet. We expect them to act in the upcoming days.”
(M. Sergio Mattarella le 27 Mars 2020 - https://www.quirinale.it/elementi/48604)
Cette déclaration du Président de la République d’Italie - reconnu pour la sagesse et la modération de ses (rares) interventions publiques - illustre bien le contraste entre le rôle joué par les deux types d’Institutions européennes :
celui des Institutions de type “fédéral” (dans un ordre dégressif de “fédéralisme") : la Cour de Justice, la Commission, la Banque Centrale, le Parlement,
celui des Institutions de type “confédéral” : le Conseil européen et, dans une moindre mesure, le Conseil de Ministres.
Les premières ont surtout une mission de nature collective : assurer le respect du droit de l’Union, promouvoir l’intérêt général de l’Union, conduire la politique monétaire de l’Union, représenter les citoyens de l’Union.
Les secondes ont plutôt pour objectif de représenter et défendre les intérêts particuliers des États membres qu’ils représentent.
Cette dichotomie - bien connue des observateurs - est à nouveau apparue à l’occasion de la crise du COVD-19 lorsque se sont une fois de plus étalées au grand jour les divisions au sein du Conseil européen - c’est à dire entre les représentants au plus haut niveau des différents États membres.
En dépit de la gravité des enjeux, on a en effet vu (quasiment en direct) chaque “Chef” plus soucieux de représenter les intérêts propres de “son” État (ou considérés comme tels) que de rechercher des solutions communes à tous (en l’occurrence les seules adaptées à la nature de la crise). Le fait que certaines mesures d’urgence doivent - pour des raisons techniques - être prises et différenciées aux niveau national, régional ou local n’atténue en rien la responsabilité du Conseil.
Mais on a vu aussi à quel point les positions des différents Chefs étaient influencées par des considérations spécifiques de politique intérieure ou même d’ordre diplomatique telles que la fragilité des coalitions gouvernementales, la proximité d’échéances électorales, des considérations idéologiques (populisme, nationalisme), les liens avec des puissances étrangères... Au surplus la volatilité existentielle de la composition du Conseil
ne se prête guère à des décisions cohérentes et continues (1). Enfin, clé de voûte du système, la règle de l’unanimité est une source - ou une menace - constantes de paralysie ou d’indécision (2).
(On sait d’ailleurs que c’est précisément dans le but de contrebalancer la montée en puissance des Institutions “fédérales" (notamment la Commission et le Parlement) que le Conseil européen a été créé en 1974 sur proposition du Président français V. Giscard d’Estaing. D’abord instance informelle, le Conseil européen a vu son rôle considérablement accru puis officialisé par l’Acte unique et les traités de Maastricht et de Lisbonne.)
Ceci dit et les faits étant têtus, l’expérience a montré que - au delà des postures publiques de ses membres individuels - le Conseil européen parvient le plus souvent à s’accorder sur des positions certes sub-optimales mais permettant de débloquer une situation par trop dangereuse pour l’Union dans son ensemble.
Il en sera sans doute de même pour les mesures relatives à la lutte contre le COVID-19 et peut-être même pour la mise à niveau générale et ultérieure de la politique sanitaire de l’Union. La pression exercée par les organes “fédéraux” de l’UE (notamment le Parlement et la Commission) finira par faire taire - ou plier - les postures nationales des Chefs.
Mais un temps précieux aura été perdu et l’”affectio societatis” de l’opinion européenne en aura été gravement affectée.
Montrer que, dans la crise du COVID-19, ce n’est pas le système européen qui est en cause mais les dérives des pratiques intergouvernementales des Chefs, sera une tâche ardue mais qui doit être menée sans relâche.
La contre-offensive est en route.
Jean-Guy Giraud 01 - 04 - 2020
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