top of page
Rechercher

LE “COUP D’ÉTAT PERMANENT" DU CONSEIL EUROPÉEN



L’ interventionnisme croissant du Conseil européen dans un spectre sans cesse plus large de l’activité de l’Union a souvent été souligné ici.

L’affaire du "Sofa Gate” (1) - qui a attiré l’attention des media sur l’activisme personnel de l’actuel Président, M. Charles Michel - n'est que l'illustration la plus récente d’un phénomène ayant notamment pour effet de marginaliser le rôle de la Commission.



La preuve du hold up

Mais l’exemple le plus frappant de ce “hold up” institutionnel a été fourni à l’occasion de la négociation du Cadre Financier Pluriannuel pour 2021/2027 (2).


Une récente analyse du Service de Recherche du Parlement européen (3) retrace avec précision comment le Conseil européen a largement outrepassé son rôle - au détriment de ceux de la Commission et du Parlement - et empiété notamment sur le domaine législatif proprement dit contrairement à la règle fixée par le Traité.


Nous ne reprendrons ici que les principales conclusions de cette analyse :

  • "In 2014, the European Parliament had been highly critical of the process leading to the deal on the 2014-2020 MFF, and in particular, of the degree of involvement of the European Council, which in its view had over-stepped the role assigned to it by the Treaties,

  • “In 2021, the European Council has remained as involved as ever and that its role has become even more central in the negotiations. The European Council got involved very early in trying to influence the policy priorities of the next MFF, as well as the negotiation schedule,

  • "EU Heads of State or Government not only gave detailed conclusions on the MFF regulation, but also on other related legislative issues, such as the rule of law regulation, which ought to have been dealt with between the European Parliament and Council exclusively.

  • “The 2021-2027 MFF negotiations not only reconfirmed the European Council's influence on the legislative aspects of the MFF; they also strengthened the European Council's role as arbiter in the legislative process (i.e. by stepping in and moving issues from the Council level to the European Council level)

  • “Consequently, the 2021-2027 negotiations represent a case study of European Council intervention in various parts of the policy cycle : agenda-setting and legislative decision- making,as well as assessing implementation, often exceeding the role envisaged in theTreaties”.


Quelles réactions des victimes ?

Le diagnostic de “souverainisme auto-proclamé” (4) du Conseil européen étant clairement posé, il revient aux responsables politiques d’en mesurer et d’en apprécier les conséquences.


Les membres eux-mêmes du Conseil européen, qui ont favorisé ou accompagné ce phénomène, sont-ils tous certains que leurs intérêts propres sont mieux défendus à ce niveau ? Sont-ils satisfaits de devoir se pencher laborieusement sur les détails budgétaires et législatifs de tous les dossiers qu’ils évoquent ? Acceptent-ils de gaité de coeur que le résultat de leurs travaux soit suspendu à l’éventuel veto de l’un d’entre eux, fut-il le moins concerné ou le moins impliqué? Ne craignent-ils pas que de dé-légitimer leur autorité et leur image collectives à force d’agir ainsi ?


La Commission, qui n’a jamais publiquement protesté contre cette involution institutionnelle, n’estime-t-elle pas que son indépendance et donc l’efficacité de son action s’en trouvent affectées ? Peut-elle s’accommoder d’une telle altération de l’équilibre des pouvoirs tel que prévu par le Traité ? En clair, va-t-elle se résoudre, sans réagir, à voir les gouvernements prendre le pas sur les Institutions alors même que ceux-ci s’avèrent souvent incapables de prendre les décisions correspondant à l’intérêt commun et supérieur de l’Union ?


Le Parlement, qui semble avoir enfin pris la dimension du problème, va-t-il s’y attaquer plus frontalement ? Ne craint-il pas que sa marginalisation par le Conseil Européen ne compromette le rôle politique et législatif qu’il a su développer avec obstination et succès au cours de ses mandatures successives ? Surtout, peut-il accepter que s’installe dans l’UE un processus décisionnel doublement anti-démocratique - les membres du Conseil européen ne constituant pas un “parlement” et la règle de l’unanimité étant par nature a-démocratique.


On dira que ces questions n’intéressent guère les citoyens … Voire. Il suffirait de diffuser une video commentée d’une séance du Conseil européen (5) pour qu’ils comprennent que l’Europe ”ne peut pas fonctionner comme ça”. Que - en fait - aucun organe délibératif ne le pourrait, qu’il s’agisse d’un Conseil municipal ou d’une Assemblée nationale.


Leur principal et légitime souci est que l’UE puisse prendre efficacement les décisions nécessaires ("to deliver”) à son niveau, que ces décisions soient prises avec la participation des personnes qu’ils ont élues pour cela et que le gouvernement européen au quotidien soit assuré par un organe indépendant et compétent. En somme, selon les règles prévues par le Traité …



Jean-Guy Giraud 10 - 04 2021

_______________________________



bottom of page