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LA RÉFORME DE L’UE SERA-T-ELLE BLOQUÉE PAR UN GROUPE D’ÉTATS MEMBRES ?



Le 9 Mai 2022 - au moment même où étaient présentées à Strasbourg les propositions de la Conférence sur le futur de l’Europe et où le Président Macron délivrait son "serment de Strasbourg" - treize Etats membres de l’UE prenaient l’initiative d'une déclaration commune relative au suivi à apporter aux travaux de la Conférence.


Tout en accueillant positivement la méthode de la consultation citoyenne ainsi que les orientations proposées, ces Etats ont surtout voulu marquer leur différence - voire leur opposition - au « lancement prématuré d’une procédure de révision des traités » . Leurs objections sont ainsi formulées :

  • « The ideas presented by citizens (…) should not be instrumentalised to serve special institutional interests » (cad ceux du PE)

  • « Treaty change has never been a purpose of the Conference »

  • « We do not support unconsidered and premature attempts to launch a process towards Treaty change»

  • « We do not need to rush into institutional reforms in order to produce results»

Cette initiative, assez inhabituelle dans la forme comme dans le fond, appelle plusieurs remarques :

  1. manifestement concertée à l’avance (notamment au vu des engagements pris par le PE), elle est publiée le jour même de la cérémonie solennelle de clôture de la Conférence,

  2. elle prend la forme d’un « non-paper » dont le statut politique ou juridique apparait incertain : jusqu’à quel point engage-t-elle les gouvernements et parlements des pays concernés ?

  3. le nombre des pays signataires (13) est impressionnant - mais la composition de leur liste est révélatrice : Bulgaria, Croatia, the Czech Republic, Denmark, Estonia, Finland, Latvia, Lithuania, Malta, Poland, Romania, Slovenia, and Sweden. Soit : neuf des anciens Etats communistes pour la plupart issus du grand élargissement de 2004/2006 (seule la Hongrie est absente …), les trois Etats scandinaves, Malte (mais pas Chypre).

  4. le seul argument utilisé est assez classique : le risque de détourner vers des réformes institutionnelles une part de l’énergie que l’UE devrait consacrer aux objectifs fixés par les citoyens et aux défis géopolitiques actuels. Et, d’autre part, la constatation que l’UE fonctionne bien dans son état actuel (cf. son traitement des crises du COVID et de l’Ukraine),

  5. les réformes institutionnelles concernées ne sont pas précisées mais on devine qu’il s’agit principalement de la limitation du vote à l’unanimité, du droit d’initiative partagée du PE, de la création de listes européennes pour son élection, du système du Spitzenkandidat pour le choix du Président de la Commission et du renforcement des compétences de l’UE dans certains domaines.

  6. la Conférence elle-même - dont "les treize" disent approuver les propositions - s’est clairement prononcée en faveur de ces réformes institutionnelles ...

De fait, le processus de révision a déjà été lancé par le PE au titre de l’article 48 TUE (1) . La prochaine étape sera celle de la rédaction par le PE d’un « projet (formel) tendant à la révision des traités », probablement avant l’été. Ce projet sera ensuite transmis au Conseil européen (via le Conseil). Et c’est à la majorité simple (soit au moins 14 Etats sur 27) que celui-ci pourra - ou non - convoquer une Convention chargée de l’examiner (2). Il est d’autre part probable que la Commission - consultée par le Conseil européen - se montrera favorable au projet du PE (avec peut-être certaines réserves sur le droit d’initiative du PE et le système du Spitzenkandidat).


Ainsi, près de 20 après le lancement de la révision aboutissant au Traité de Lisbonne, l’UE ouvre une nouvelle étape de son histoire. Quels que soient les objections d’opportunité soulevés par « les treize », il semble difficile de nier que l’Europe doive s’adapter à un nouveau contexte, interne et international. Ce besoin de réforme a été clairement exprimé par les citoyens au sein de la Conférence, par leurs représentants au sein du PE et par la Commission gardienne des traités et de l’intérêt général de l’Union.


L’affaire sera certes délicate mais, en pratique, chacune des réformes concernées peut se prêter à des arbitrages et des compromis. Pour ces raisons, le refus de principe manifesté par un peu hâtivement et brusquement par « les treize » ne saurait étouffer dans l’oeuf une réforme aussi déterminante pour « le futur de l’Europe ».



Jean-Guy Giraud 12 - 05 - 2022

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(2) Pour sa part, le Président Macron s’est déjà déclaré - le 9 Mai à Strasbourg - favorable à la convocation d’une Convention. Voir: https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/discours-du-president-macron-strasbourg-9-mai-2022

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