Tel est le titre - très explicite - du nouvel ouvrage de Madame Sylvie Goulard - ancienne membre du Parlement européen (1).
Dans son introduction, Mme Goulard constate que - face aux défis externes qu’elle doit affronter - l’Union poursuit une sorte de fuite en avant vers son élargissement, sans se préoccuper de sa propre consolidation préalable ou, au moins, concomitante.
Elle relève que la proposition souvent avancée d’un parcours « parallèle » des deux processus (renforcement/élargissement) risque de poser problème : en effet, comment opposer en fin de parcours des exigences nouvelles à des pays éprouvés par de longues négociations et une longue attente ?
Le constant renvoi au long terme de « réformes » (et non plus d’ « approfondissement ») s’apparente à « une fuite en avant aux airs de déjà vu ».
Dans ces conditions d’impréparation » estime l’autrice « l’ Europe XXL est une illusion ».
Elle s’étonne que les chefs d’État et de Gouvernement des 27 fassent « comme si l’aboutissement des réformes internes ne dépendait pas d’eux, de leur engagement, en un mot de leur leadership ».
En réduisant leur choix à une alternative (l’élargissement ou le chaos) - sans s’assurer au préalable de la solidité de l’ensemble - les dirigeants européens risquent d’avoir l’élargissement et le chaos.
D’autre part, Mme Goulard prévient que, dans les Balkans, plus de trente ans après de la dislocation de la Yougoslavie, des revendications nationalistes persistent susceptibles de déstabiliser un ensemble encore fragile.
En présumant de ses forces et en s’enflant démesurément afin de devenir un boeuf géopolitique, la grenouille européenne prend tout simplement le risque d’imploser.
En réalité, les « maîtres » de facto du futur de l’Europe - cad les dirigeants successifs et provisoires du Conseil européen - cherchent seulement à gagner du temps (en fait, en perdre).
Toujours réticents à des transferts - ou plutôt à des mises en commun - de prérogatives nationales pourtant indispensables à la survie du groupe, ils tergiversent et parfois bloquent le processus d’approfondissement. Tout en étant parfaitement conscients de l’impossibilité de faire entrer une dizaine de nouveaux États dans le cadre actuel des Traités, ils ne peuvent se résoudre à en créer les conditions nécessaires.
L’année 2024 permettra peut-être de faire bouger les lignes. Un nouveau Parlement et une nouvelle Commission reprendront le flambeau et pourraient - s’ils le souhaitaient - faire avancer les choses. La probable aggravation de l’environnement géo-politique de l’Union (Russie, États-unis, Chine, …) pourrait mettre encore plus en évidence le bien fondé des deux objectifs de réforme interne et d’élargissement et leur caractère indissociable.
Jean-Guy Giraud. 24 - 03 2024
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(1) Disponible ici
Voir aussi :
modalités de révision
Convention
renforcement puis élargissement
précipiter l’élargissement ?
pétrification constitutionnelle
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