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UN CONTE DE NOÊL … « CONVENTIONNEL » 

En vertu de l’article 48§2 TUE, le Conseil européen est à présent officiellement saisi de la demande du Parlement européen de convoquer une Convention de révision des Traités


Cette demande est accompagnée d’une proposition détaillée et en forme juridique des modifications souhaitées par le PE à de nombreux articles des Traités.


Une explication du contexte institutionnel et politique de cet exercice est fournie par un excellent article publié par l’Union des Fédéralistes Européens. Il y est notamment demandé au Président du Conseil européen de réunir la majorité simple des États membres (14 sur 27) nécessaire pour convoquer la Convention


Cet article est ici.


Dans une précédente note des « Amis du Traité de Lisbonne », nous avions également essayé de résumer la nécessité, les enjeux, les chances d’aboutissement et les handicaps à surmonter de ce projet de réforme


En nous plaçant dans l’hypothèse volontariste d’une décision majoritaire positive du Conseil européen, nous voudrions insister à présent sur tous les arguments qui militent pour confier une telle tâche de nature constitutionnelle à une Convention. 



D’abord les précédents ...  

  • la première Convention fut chargée en 2000 de rédiger une Charte des Droits fondamentaux : ce travail a été accompli en un temps record et le texte qu’elle a proposé a été repris quasi intégralement par les Institutions. La Charte fait aujourd’hui partie intégrale des Traités et constitue un élément central du « bloc constitutionnel » européen. 

  • la deuxième Convention reçut en 2002 la mission de procéder à une révision ciblée des Traités. Elle rédigea en fait, en quelques mois, un tout nouveau Traité (baptisé « Constitution européenne » ) qui fut très largement repris dans le Traité de Lisbonne. 


C’est à la suite de ce double succès que la formule de Convention a été reprise et officialisée dans le texte même du Traité (art. 48) comme méthode préparatoire à de futures révisions des traités.



… ensuite les atouts

  •  un exercice démocratique et inclusif exemplaire : unique en son genre, une Convention réunit l’ensemble des composantes représentatives européennes et nationales. Elle regroupe en unité de temps et de lieu des délégués des Gouvernements, des Parlements nationaux, du Parlement européen et de la Commission. Elle peut associer à ses travaux des observateurs autres Institutions (CJE, CES, CRE, CC) ainsi que des organisations de la société civile. Ce qui permet d’échapper aux confrontations stériles qui caractérisent souvent les débats au sein du Conseil européen ou du Conseil de Ministres. 

  • une enceinte coopérative : de fait, les deux précédents mentionnés ont montré que se crée assez spontanément au sein d’une Convention un climat et un état d’esprit particuliers. La confrontation des intérêts et des positions s’y effectue de façon organisée, apaisée et constructive. De multiples contacts inter-groupes et personnels peuvent s’y dérouler sereinement, permettant d’identifier et de clarifier les divers points de vue. Le croisement des affinités nationales et politiques s’y effectue spontanément permettant de décloisonner les échanges. In fine, un consensus (distinct de la notion réductrice d’ « unanimité ») est ainsi susceptible de se dégager.

  • une fonction pré-législative efficace : une Convention n’a pas de pouvoir décisionnel. Ses propositions finales sont officiellement transmises à une Conférence des Représentants des Gouvernements nationaux (CIG) - seule habilitée à arrêter d’un commun accord les modifications des Traités. Mais l’expérience a montré qu’une telle enceinte est parfaitement capable - avec l’appui d’experts juristes et des services juridiques des Institutions -  d’élaborer une proposition en bonne et due forme législative. C’est d’ailleurs aussi la qualité de cette proposition qui est susceptible d’influencer la décision finale de la CIG. Rien n’empêche par ailleurs que soit également examinée par une Convention - outre le texte émanant du Parlement européen - des propositions parallèles de la Commission ou d’un Gouvernement.

  • un évènement en soi, transparent et médiatique : une Convention est par définition une enceinte ouverte dont les délibérations sont très largement publiques et accessibles aux organisations de la société civile. Bien médiatisée, elle est susceptible de retenir l’attention des milieux politiques nationaux, des « stake holders » de toute nature, de la presse et d’un large public. En elle-même - et indépendamment de la technicité des débats une Convention - est une occasion unique de réflexion commune sur de plus larges sujets.    



Le grand rendez-vous de 2024

On ne reprendra pas ici tous les éléments qui militent en faveur d’une réforme d’ampleur et urgente de l’Union (désordres internes, défis mondiaux, perspectives d’élargissement, etc …). On dira seulement que, confrontée à des circonstances exceptionnelles, l’Union ne peut que bénéficier d’un exercice lui aussi exceptionnel tel qu’une Convention. C’est sans doute le meilleur outil permettant - à la suite de la Conférence citoyenne de 2020 - de tenter de dégager une vision partagée de l’avenir de l’Union.


L’année 2024 sera celle du grand rendez vous quinquennal de la recomposition du Parlement européen et de la Commission. Une Convention organisée dans la foulée et dans la légitimité de cette recomposition permettrait tant aux Institutions qu’aux Gouvernements de se rassembler pour faire le point et, si possible, resserrer les rangs. Pour qu’une convocation intervienne en temps utile - cad fin 2024 ou début 2025 - la décision de principe du Conseil européen devrait être prise sans tarder cad dans le courant du premier semestre 2024.



"Ils ne savaient pas.."

Certains commentaires ironiques ont comparé le projet de réformes très ambitieux du Parlement à un « arbre de Noël » (expression d’origine allemande) … Soit. Pourquoi ne pas poursuivre sur cette ligne en imaginant un conte de Noël : celui de l’ouverture prochaine d’une Convention ?


Les plus anciens se souviendront du « miracle à Milan » lorsque le Conseil européen, suite à l’adoption du projet Spinelli, a décidé - par un vote majoritaire - d’entreprendre une révision des Traités. Dans ce même esprit, pourquoi ne pas envisager un « miracle à Bruxelles » dans la nouvelle année ? 


Ce précédent mériterait d’être rappelé aux plus jeunes membres du Conseil afin d’éviter qu’il soit dit, trop tard : « Ils ne savaient pas que c'était possible, alors ils n'ont rien fait. » 



***


Bonne année pour la Communauté/Union européenne qui entre dans sa 73 ème année. 


Bonne année surtout à tous les « Amis du Traité de Lisbonne » qui pourront peut-être se muer en « Amis de la Convention » - reprenant ainsi le titre originel de cette rubrique en … 2001 (1)



Jean-Guy Giraud - 31/12/2023


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