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VERS UN TRAITÉ DE DÉFENSE DE L'UNION EUROPÉENNE ?

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« L’Europe doit définir, une fois pour toutes, sa sécurité et sa défense comme un bien public ». 

PEDRO SANCHEZ 



Résumé : le choc russo-américain expose la vulnérabilité sécuritaire de l’Europe. Le ré-armement des États membres soutenu par l’UE est le préalable nécessaire mais insuffisant pour une défense crédible c’est à dire commune. Au delà des instruments communautaires existants, des initiatives intergouvernementales et d’un « pilier européen » de l'OTAN, la création d’une véritable Union de la Défense pourrait être envisagée et prendre la forme d’un nouveau "Traité de Défense de l’Union Européenne". 



« Appelle à la mise en place d’une Union de la Défense comprenant des unités militaires et une capacité permanente de déploiement rapide, sous le commandement opérationnel de l’Union » 


Cette proposition officielle de mise en place d’une « Union de la Défense » fait partie de la résolution du Parlement européen adressée au Conseil le ... 22 novembre 2022 en vertu de l’article 48 TUE visant à une révision des Traités.


Proposition lllusoire ou prémonitoire ? Ou les deux à la fois ?


Rappelons tout d’abord qu’une « Union de la Défense » est, en fait, un projet ancien, avorté lors du rejet de la CED (1952 ) mais resté gravé dans les traités successifs de l’UEO (1954), de la CEE (1957) de Maastricht (1992) et de Lisbonne (2007) sous une forme quasi-identique et singulièrement répétitive :

 

« La politique de sécurité et de défense commune inclut la définition progressive d'une politique de défense commune de l'Union. Elle conduira à une défense commune, dès lors que le Conseil européen, statuant à l'unanimité, en aura décidé ainsi. » (article 42§2 TUE)


On peut certes se féliciter de la perduration obstinée de cet objectif pendant plus d’un demi siècle - mais on doit surtout s’interroger sur les raisons pour lesquelles les États membres de la CEE puis de l’UE n’ont jamais sérieusement envisagé sa mise en oeuvre. Et se demander si, dans les circonstances actuelles, il ne devrait pas être à nouveau remis à l’étude sous une forme ou une autre. 

 


Le bouleversement de la situation sécuritaire de l’Europe révèle sa vulnérabilité et la nécessité de prendre en charge sa propre défense

L’invasion russe en Ukraine et l’arrivée au pouvoir de l’Administration Trump provoquent en effet un bouleversement de la situation sécuritaire de l’Europe. Comme l’expriment abondamment et unanimement les déclarations officielles et les nombreux commentaires et analyses, l’impérialisme russe et le désengagement américain mettent à nu sa vulnérabilité stratégique. 


Rien ne permet de prévoir - du moins à moyen terme - que cette situation puisse s’inverser ni même se stabiliser. L’offensive russe s’intensifie en Ukraine et les craintes d’ouverture d’un autre front sont à présent évoquées. Le basculement géopolitique des États-Unis - annoncé depuis une dizaine d’années - est en train de s’effectuer sous nos yeux à marche forcée et la crédibilité du bouclier de l’OTAN s’en trouve remise en cause.  


En résumé, l’effet combiné « de mâchoire » ou de « seringue » de la poussée agressive de la Russie poutinienne vers l’Europe d’une part et du désengagement de l’Amérique trumpienne de l’Europe d’autre part conduit les gouvernements et les Instituions européennes à s’interroger sur leur capacité réelle de défense collective - c’est à dire à ré-ouvrir l’ancien débat de l’édification d’une « défense commune » véritablement solidaire, structurée, institutionnalisée et opérationnelle. Débat que l’on croyait dépassé aussi longtemps que durait l’engagement américain et se maintenait le retrait russe suite à la dissolution du bloc soviétique.


Très concrètement, la question peut être ainsi posée : comment l’Europe pourrait-elle réagir à une offensive russe contre un des ses États membres (Pays baltes, Finlande ou Pologne) dans l’hypothèse où les États-Unis refuseraient d’intervenir soit directement soit dans le cadre de l’OTAN ?


On voit donc bien qu’aujourd’hui la prise en mains par l’Europe elle même de sa propre défense est devenue une évidente et urgente nécessité. Dès lors, la question n’est plus « quand ? » mais « comment ? ».


Même en faisant ici abstraction de la question spécifique de la défense nucléaire qui dépasse le cadre de la présente note, il est possible de recenser les différents cadres et étages existants censés donner à l’Europe une certaine capacité sécuritaire qui risque toutefois de s’avérer insuffisante en cas de conflit majeur. Et, dans la mesure où cette insuffisance est avérée, doit-on envisager la création d'un cadre supérieur qui - tout en englobant et renforçant les moyens actuels - constituerait la voûte de la « défense commune » européenne


Schématiquement, l’architecture européenne actuelle de sécurité repose sur trois piliers : les mécanismes propres à l’UE, les accords intergouvernementaux, la participation à l’OTAN. Chacun d’eux a son utilité et son rôle à jouer et peut être amélioré et renforcé. Mais un stade supérieur devrait être franchi.



Les mécanismes propres à l’UE et leurs limites

Ces mécanismes sont basés pour l’essentiel sur les nouvelles dispositions du Traité de Lisbonne relatives à la Politique de Sécurité et de Défense Commune (PSDC) qui figurent aux articles 42 à 46 TUE (1) . Relativement brèves et parfois spécifiques (cf. les « missions » d’intervention confiées à certains États membres), elles ont surtout servi à légitimer en aval la création de multiples instances et le lancement de nombreuses opérations ponctuelles à caractère « civil, militaire ou civilo-militaires » (2). Elles ont aussi permis à l’UE de mettre à disposition de larges dotations budgétaires à travers différents fonds (Fonds Européen de Défense, Facilité pour la Paix, Plan ReArm Europe, …) venant s’ajouter aux financements nationaux. Si le foisonnement de ce dispositif peut procurer une certaine souplesse d’action, il ne semble toutefois pas suffisant pour doter l’Union des outils politiques, stratégiques et opérationnels unifiés, caractéristiques d’une alliance et d’une organisation de défense authentiques comme, par exemple, celle de l’OTAN.


Pour se limiter à l’aspect institutionnel de la question, on peut brièvement rappeler quelques fondamentaux de la PSDC.


Rappelons tout d’abord que la pièce maitresse de la sécurité/défense européenne demeure l’engagement sans équivoque figurant dans le Traité à l’art. 42§2 : la politique de défense commune « conduira à une défense commune dès lors que le Conseil européen, statuant à l’unanimité, en aura décidé ainsi». La version anglaise est plus explicite encore : «This will lead to a common defence, when the European Council, acting unanimously, so decides ». Le principe - en fait l’engagement - est clairement et fortement posé et la voie tracée : le Conseil européen demeure placé devant cette responsabilité.  


Le Traité prévoit également (depuis Lisbonne) une clause dite de « défense mutuelle »(art. 42§7) (2). Bien que souvent évoquée et assimilée à la clause de l’article V de l’OTAN, il faut bien noter que la clause européenne est dépourvue de toute définition ou précision sur l’ampleur et la nature de cet engagement. Au contraire, deux limitations expresses en limitent la portée. Basée sur l’article 51 de la Charte des Nations Unies, elle vise spécifiquement « le droit de légitime défense » avec toutes les qualifications qui circonscrivent cette notion. Surtout, sa mise en oeuvre est conditionnée aux « obligations découlant du traité de l’Atlantique Nord pour certains États membres qui considèrent que leur défense commune est réalisée dans le cadre de l’OTAN »(art. 42§2 TUE). De fait, la portée réelle de cette clause n’a jamais été testée - à l’exception de son évocation par le France suite aux attentats de novembre 2015. Ni cet unique précédent ni le contexte de cette clause ne permettent de clarifier le rôle qu’elle pourrait jouer en cas de conflit majeur en Europe. 


Plus concrètement, les 5 articles du Traité relatifs à la PESD (art. 42 à 46 TUE) constituent la base des nombreuses initiatives spécifiques prises par l’Union dans le domaine militaire qu’il s’agisse de la création de plusieurs instances ad hoc (par exemple l’Agence Européenne de Défense, l'État major de l’UE, etc …) ou de la réalisation de nombreuses « missions » de diverses natures (humanitaire, prévention et gestion de conflits, etc …) (3) . Mais, ici encore, on demeure assez loin du concept beaucoup plus large de « défense commune ». Et ce d’autant plus que la règle de l’unanimité s’applique aux principales de ces mesures.


L’une d’entre elles - la Coopération Structurée Permanente (art. 42§6 et art. 46 TUE) - a souvent été évoquée comme une base plus solide pour un engagement de plus grande portée des seuls États membres « capables et déterminés à mener des « missions plus exigeantes ». Toutefois, à l’expérience, la CSP s’est surtout avérée (très) utile pour la coordination des capacités militaires des États sans toutefois parvenir - à ce stade - à constituer une sorte de « noyau dur » des États déterminés à constituer un embryon de défense commune. De fait, la quasi totalité des États (26/27) ont décidé de participer à cette coopération. Certains analystes persistent cependant à considérer que le mécanisme même de « coopération » («  structurée permanente » voire « renforcée ») pourrait servir de base communautaire au concept de « coalitions des États volontaires »  repris ci-dessous. Il est permis d’en douter.  


En réalité, on voit que le rôle majeur de l’Union s’est porté sur le renforcement de la capacité militaire (au sens large du terme) des États membres et, dans une certaine mesure, sur leur coordination. Renforcement qui constitue par ailleurs l’indispensable préalable à la crédibilité de toute entreprise de défense commune mais qui n’en constitue que la première étape, insuffisante par elle même.. 


Il faut sans doute se résoudre à une évidence : la Communauté puis l’Union européennes n’ont pas été créées pour servir de base à une défense commune. Le rajout - laborieux - de quelques cinq articles au Traité ne peut en lui même modifier cet obstacle politique majeur de caractère constitutionnel. Il faut donc également envisager au moins deux autres pistes pouvant d’ailleurs s’avérer complémentaires de la première. 



Les accords intergouvernementaux

Le deuxième pilier de l’architecture européenne de sécurité est constitué par des accords bilatéraux ou multilatéraux entre États membres (incluant parfois des États tiers tels que le Royaume Uni).


Certains États membres ont constitué - hors du cadre de l’UE - un très dense réseau d’accords « de coopération » avec leurs principaux partenaires dans lesquels figurent des déclarations de solidarité réciproque de nature diplomatique mais aussi sécuritaire. Ces accords servent de base à des projets et activités communs par exemple en matière d’investissements industriels ou d’exercices à caractère militaire. La France pour exemple s’est montrée particulièrement active dans ce domaine en concluant ces dernières années une série d’accords séparés mais de nature comparable avec l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et la Pologne.


De même des groupements d’États se sont créés dans le même but entre les principaux États membres pour développer leur coopération dans un cadre régional, par exemple les groupes dits de Weimar ou de Versailles.


Si la portée de ces accords est principalement politique, ils ont aussi pour effet de développer un sentiment de solidarité renforcée y compris en matière sécuritaire.


Tout ceci a créé un entrelacs et une configuration complexes de multiples liens de toute nature dans la plus pure tradition diplomatique. Les effets de cette rémanence d’un système de type westphalien servent sans doute à conforter des solidarités et des coopérations croisées mais ce système demeure très éloigné du concept de défense commune auquel il ne saurait se substituer.


Plus récemment s’est développé - dans le contexte de l’agression russe en Ukraine et sous l’impulsion de la France - une nouvelle version intergouvernementale du concept de coopération renforcée, connue sous le nom de  le de « coalition des États volontaires » ( « coalition of the willing » ) composée des États membres de l’UE les mieux dotés sur le plan sécuritaire ainsi que des partenaires de pays tiers dont le Royaume Uni. Potentiellement, cette coalition pourrait entreprendre des opérations de caractère proprement militaire comme le positionnement de troupes sur le territoire ukrainien afin de garantir la sécurité de ce territoire à l’issue d’un éventuel accord de paix ou de cessez le feu. En dépit de son caractère incertain et circonstanciel, ce concept est parfois présenté comme le possible fondement ou au moins la première amorce de création d’une future défense européenne. Encore faudra-il qu’il fasse d’abord ses preuves sur le terrain ukrainien et qu’il soit ensuite formalisé et inséré dans un cadre institutionnel adéquat. Il n’est pas certain, pour de nombreuses raisons politiques et pratiques, que ce type de coalition soit le point de départ adéquat d’une défense commune européenne.


Plus largement encore, il faut mentionner la création d’une nouvelle instance diplomatique pan-européenne dénommée « Communauté Politique Européenne » (CFP) lancée à nouveau à l’initiative de la France. Dépourvue de structures ou de règles précises de fonctionnement, la CFP est présentée comme un simple forum destiné à « favoriser le dialogue politique et la coopération afin de répondre aux questions d'intérêt commun, de manière à renforcer la sécurité, la stabilité et la prospérité du continent européen » . Bien que dépourvue d’objectif de caractère proprement défensif, cette instance - qui regroupe notamment tous les États membres de l’UE et candidats à l’adhésion mais exclut la Russie - s’est constituée elle aussi dans le contexte de la guerre en Ukraine. On peut imaginer que les questions relatives à la défense de l’Europe y soient évoquées informellement entre les différents chefs d’Etat et de gouvernement.  



Le « pilier européen »  de l’OTAN

Il faut enfin évoquer ce qui est peut-être la plus concrète piste de matérialisation d’une future défense européenne : la constitution d’un pôle ou d’un pilier proprement européens au sein de l’OTAN. Le sujet a fait l’objet, depuis de nombreuses années de moultes et savantes analyses et et de projets plus ou moins avancés. Il est redevenu d’une brûlante actualité suite à l’agressivité déclarée de la Russie poutinienne et au désengagement annoncé de l’allié américain trumpien. 


En (très)résumé, il s’agirait de constituer à l’intérieur de la structure otanienne une sorte de bloc européen plus ou moins autonome sur le plan politique mais bénéficiant de toute la structure très élaborée de cette organisation qu’il s’agisse de planification, de renseignement, de transport, de commandement, de gestion des armements, de mobilisation d’unités, etc ... 


À première vue, cette hypothèse coche beaucoup de cases dont la principale serait de faire bénéficier d’entrée de jeu ce pilier européen d’un système pré-établi et sur mesure qui a déjà fait ses preuves sur plusieurs théâtres d’opération. D’autre part, l’OTAN est déjà une organisation « européenne » dans la mesure où seuls deux États se situent en dehors du continent : les États Unis et le Canada. La plupart des États membres de l’UE y siègent (23 membres plus 4 Etats candidats) soit un total de 27 sur 32 pays otaniens. Son théâtre d’opération désigné est l’Europe et son principal adversaire potentiel est la Russie.


De fait, en cas de départ des États Unis, l’OTAN pourrait devenir assez naturellement le bras militaire (autonome) de l’Europe - sous réserve de la place et du rôle à préserver pour trois États majeurs : le Canada, la Turquie et … le Royaume Uni. Le problème est que - dans l’état actuel de son potentiel militaire - ce bras serait en réalité … désarmé étant donné que le bouclier otanien dépend très largement du potentiel militaire américain. Certains analystes envisagent donc la possibilité d’un retrait progressif et organisé des États Unis de l’OTAN jusqu’à ce que l’Europe soit en mesure d’assurer sa propre défense. Ce retrait serait éventuellement accompagné d’un accord sécuritaire d’assistance  américaine en cas de conflit majeur. L’affaire est complexe et nécessitera, le cas échéant, un examen approfondi et des négociations difficiles étroitement dépendantes de la position - pour l’instant imprévisible - de l’allié américain. 


Quoiqu’il en soit de ces prévisions et de ces hypothèses spéculatives, la perspective d’un déplacement et d’une installation durable de la défense européenne hors du cadre de l’UE mérite réflexion. La co-existence et la coordination entre ces deux structures très différentes semblent à première vue problématiques. Le projet européen dans son ensemble et son considérable acquis ne devraient-ils pas rester dans la matrice de l‘Union elle même? Union dont la vocation défensive est par ailleurs - sous certains aspects au moins - en voie en voie de confirmation et de réalisation ?   



La création d’une « Union de la Défense » 

Une quatrième piste - possiblement complémentaire avec les trois précédentes - fait également l’objet d’analyses et d’un embryon de débat, jusqu’ici peu conclusifs. 


Fondamentalement, il s’agirait d’établir - au sens et en application de l’article 42§2 TUE - une « défense européenne » dans le prolongement de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC art. 23 à 41 TUE) et, plus précisément, de la politique de sécurité et de défense commune (PSDC art. 42 à 46 TUE). Ceci impliquerait une construction institutionnelle propre à l’UE et spécifique, principalement dédiée aux questions de défense proprement dites. 


Au niveau politique, elle serait basée sur un accord de défense mutuelle, contraignant, explicite, détaillé - plus élaboré et moins restrictif que la clause de défense de l’article 42§7 TUE (voir ci-dessus). Sur le plan fonctionnel, elle serait dotée des organes de direction et d’exécution propres à une alliance défensive avec un commandement et un appareil militaire uniques de type otanien.


En somme d’une « Union Européenne de Défense » (UED) dans l’esprit et selon le modèle de l’UE à laquelle elle serait organiquement liée.


S’agissant d’un domaine aussi névralgique, cette nouvelle UED devrait prendre la forme institutionnelle la plus élevée : celle d’un pacte d’alliance matérialisé par un Traité de même niveau que les Traités européens - dont il serait complémentaire mais distinct : soit un « Traité sur l'Union Européenne de Défense » (TUED).


Pour illustrer cette hypothèse sur le plan institutionnel, on peut par exemple imaginer que l'organe directeur du TUED serait un Conseil de Sécurité (4) réunissant les Chefs d’Etat et de Gouvernement des pays membres - son organe exécutif serait un Conseil de défense composé des Ministres nationaux compétents assistés par les Chefs d’État majors, etc … tous organes inspirés des embryons de structures comparables créés au sein de l’UE elle même. 


Bien qu’établie sur la base politique de l’art. 42§2 TUE, la décision de création de cette nouvelle « Union de Défense Européenne » ne devrait pas être tributaire de l’accord du « Conseil européen statuant à l’unanimité ».  Il est en effet peu probable que l’ensemble des 27 États membres puissent y souscrire dans un avenir prévisible. On peut par contre imaginer qu’un groupe précurseur - rassemblant des Etats membres « volontaires et capables » - s’y engagent en priorité, en application d’un concept bien connu, maintes fois débattu au cours de l’histoire de l’UE - en particulier depuis la vague d’élargissements des années 2000/2010. 


Mutatis mutandis, les « précédents » des accords relatifs à l’Euro, à la libre circulation des personnes (Schengen), au Mécanisme Européen de stabilité (MES) , … pourraient être invoqués. Les clauses de ces accords relatives aux interconnexions avec le TUE et le TFUE pourraient également servir à préciser les liens fonctionnels avec le TUED.


En clair, l’Union Européenne de Défense - pour être lancée et crédible - nécessiterait une conjonction préalable des volontés des 5 grandes puissances militaires de l’UE : Allemagne - France - Italie - Espagne - Pologne. Mais il n’est pas exclu que d’autres États membres souhaitent s’y joindre dès le début.


Il est peu probable que l’élan et l’initiative nécessaires au lancement d’un tel projet puissent émaner du Conseil européen ou de la Commission - même s'ils trouveraient certainement l’appui du Parlement. Dès lors, il appartiendrait plutôt à un ou plusieurs des dirigeants des pays concernés de s’y accorder et d’en proposer ensemble le lancement. 


Pour tenter d’illustrer plus concrètement ce projet, on peut essayer de tracer ici les grandes lignes d’un hypothétique « Traité de Défense de l’Union Européenne » (TDUE).



L’adoption d’un Traité de Défense de l’Union Européenne (TDUE)

S’inspirant du modèle du diptyque TUE/TFUE, ce traité pourrait être divisé en deux parties (ou étapes). 


La première - une sorte de Pacte - établirait sous une forme brève mais solennelle, les principes mêmes qui soutiennent le TDUE : volonté de franchir un pas décisif vers une défense commune, déclaration d’engagement des signataires dans cette voie, nécessité de faire évoluer le cadre fixé par les traités actuels, ouverture à l’ensemble des États membres de l’UE, liens avec les systèmes UE et OTAN. Pour fixer les esprits, nous joignons ci-dessous une esquisse de texte.  


La deuxième partie - basée sur la première mais de caractère fonctionnel - devrait probablement être adoptée à un stade ultérieur et tenir compte du débat précédent. Elle renfermerait tous les éléments propres à la conduite d’une alliance de caractère défensif - y compris militaire. Elle pourrait s’inspirer d’accords internationaux du même type comme l’OTAN.


En parallèle - ou à l’issue de la rédaction de la première partie du projet de Traité - serait convoquée une instance représentative des parlements nationaux, des gouvernements et des Institutions sur le modèle d’une Convention telle que prévue à l’article 48§3 TUE pour la révision des traités. Cette instance a déjà fait ses preuves - sur le fond comme sur la forme - lors des débats sur la Charte des Droits fondamentaux et sur le projet de Constitution Européenne. L’exercice pourrait être répété à un stade ultérieur pour la deuxième partie du projet.


Un tel exercice - et un tel enjeu - nécessiteraient inévitablement un certain temps de maturation et de procédures. On peut toutefois penser que la première partie du TDUE qui fonde véritablement l’alliance pourrait être adoptée dans des délais relativement brefs - à la mesure de la « volonté politique » des pays pionniers c’est à dire de la sincérité de leur engagement et de leur détermination.


La seule annonce du lancement d’une entreprise de cette envergure produirait déjà des effets politiques sensibles . Ce serait la démonstration publique - ou au moins le signe concret - d’une prise de conscience par les États concernés de la gravité de la situation sécuritaire européenne. Cela fournirait aux responsables comme aux citoyens la perspective tangible - tant attendue - d’un pas décisif vers une défense européenne commune et donc crédible.


Les pessimistes ou les réalistes estimeront sans doute que les chances d’aboutissement d’un projet de ce type sont minces. Déstabilisés par la violence militaire de la Russie de Poutine et par la volatilité diplomatique de l’Administration Trump - et, plus encore, par l’éventuelle conjugaison de deux - les dirigeants de l’UE27 peinent à s’entendre sur une réaction commune organisée. À plus forte raison sont-ils encore loin d’envisager la création d’un sytème structuré et pérenne de défense commune en dépit du bouleversement de leur environnement sécuritaire. Au surplus, les plus « capables » d’entre eux sont accaparés par des problèmes domestiques ou des échéances électorales. De sorte que leur réaction au choc russo-américain risque de se limiter tant bien que mal aux deux premières modalités évoquées ci-dessus : des mesures sectorielles de soutien prises dans le cadre de l’UE27 et des initiatives intergouvernementales plus opérationnelles selon des formats variables.


L’avenir - très proche - nous dira si ces modalités s’avèrent suffisantes ou si - comme l’exprime le Premier Ministre d’Espagne M. Sanchez - « l’Europe doit définir, une fois pour toutes, sa sécurité et sa défense comme un bien public ». 



Jean-Guy Giraud

21 - 02 - 2025




PROJET DE TRAITÉ DE DÉFENSE DE LUNION EUROPÉENNE (PREMIÈRE PARTIE)


« DÉSIREUX DE S’ENGAGER PLUS AVANT DANS LA VOIE D’UNE DÉFENSE EUROPÉENNE COMMUNE ET DISPOSANT COLLECTIVEMENT DE CAPACITÉS MILITAIRES ADAPTÉES, LES ÉTATS SIGNATAIRES ONT ADOPTÉ LE PRÉSENT TRAITÉ : 



CONSIDÉRANT QUE :

 

  •  LA CRÉATION PROGRESSIVE D’UNE DÉFENSE EUROPÉENNE COMMUNE FAIT PARTIE DU PROJET EUROPÉEN DANS SON ENSEMBLE ET DU PROCESSUS D’INTÉGRATION PRÉVU PAR LES TRAITÉS - EN PARTICULIER PAR L’ARTICLE 42§2 TUE,

 

  • DE NOMBREUSES AVANCÉES ONT ÉTÉ RÉALISÉES DANS CE DOMAINE MAIS LE FRANCHISSEMENT D’UNE NOUVELLE ÉTAPE - SOUS LA FORME D’UN NOUVEAU TRAITÉ DE DÉFENSE DE L’UNION EUROPÉENNE - EST RENDU NÉCESSAIRE PAR L’ÉVOLUTION DU CONTEXTE GÉO-POLITIQUE EUROPÉEN ET MONDIAL,

 

  • UNE DÉFENSE EUROPÉENNE INTÉGRÉE IMPLIQUE UN NIVEAU ÉLÉVÉ D'ENGAGEMENT POLITIQUE ET MILITAIRE COLLECTIF AINSI QUE DES CAPACITÉS MILITAIRES ADÉQUATES,

 

  • CERTAINS ÉTATS MEMBRES DE L’UE SONT PRÊTS À S’ENGAGER DÈS À PRÉSENT DANS CETTE VOIE ET POURRONT ÊTRE REJOINTS ULTÉRIEUREMENT PAR LES AUTRES,

 

  • LE MOMENT VENU, CETTE NOUVELLE ÉTAPE VERS UNE DÉFENSE EUROPÉENNE POURRA ÊTRE TRANSPOSÉE DANS LE CADRE DES TRAITÉS EUROPÉENS,

 

  • LES DISPOSITIONS DE CE TRAITÉ ET LES ACTIONS ENTREPRISES SUR CETTE BASE DOIVENT RESTER COMPATIBLES AVEC LES RÈGLES ET DISPOSITIFS PRÉVUS PAR LES TRAITÉS EUROPÉENS ET PAR LE TRAITÉ DE L’ATLANTIQUE NORD - AINSI QU’AVEC LA CHARTE DES NATIONS UNIES.

 

 

LES ÉTATS SIGNATAIRES ADOPTENT LES CLAUSES SUIVANTES : … » 

 



Jean-Guy Giraud 28 - 05 - 2025


____________________




(1) Il convient de rappeler que les dispositions nouvelles du Traité de Lisbonne relatives à la PSDC ont été intégralement reprises du projet de Constitution européenne élaboré par la Convention sous l’égide notamment de Michel Barnier, Dominique de Villepin et Joschka Fischer.

(2) Art. 42§7 TUE : « 7. Au cas où un État membre serait l'objet d'une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l'article 51 de la charte des Nations unies. Cela n'affecte pas le caractère spécifique de la politique de sécurité et de défense de certains États membres. »

(3) pour la longue liste de ces instances et opérations qui ne sont pas reprises ici, voir le résumé tel qu’établi par le Conseil : https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/csdp-missions-operations/

 
 
 

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