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LA « COMMUNAUTE POLITIQUE EUROPÉENNE » : RENDEZ-VOUS À LA RENTRÉE ?



Dans son discours du 9 Mai 2022, le Président Macron a lancé - sans l’expliciter - le projet de création d’une « Communauté Politique Européenne »(CPE)(1). Il l’a ensuite présenté - en termes très généraux - lors du Conseil européen du 24 Juin. Celui-ci en a pris acte et renvoyé son examen éventuel à une prochaine réunion. Depuis cette date, le Président Macron n’a plus évoqué publiquement ce projet dont la teneur exacte demeure donc encore assez mystérieuse … Quelques rares commentaires et tentatives d’identification d’une hypothétique CPE ont été avancés sans vraiment éclaircir le sujet (2).


Or l’affaire revêt à présent une certaine gravité et urgence. Depuis le 24 Juin 2022, l’évolution rapide et incertaine de la situation politique - tant européenne qu’internationale - a confirmé l’opportunité d’une initiative du type de la CPE. Un renforcement de l’unité et de la solidarité entre les pays de la « Communauté européenne » semble plus que jamais nécessaire. La défense organisée et structurée d’un ordre démocratique et libéral face à l’offensive des autocraties impérialistes et autoritaires de grandes puissances telles que la Russie (3) et la Chine est devenue un impératif géostratégique. D’autre part, le « continent européen » ne peut plus continuer à lier si étroitement son avenir à celui des Etats-Unis dont le modèle politique, social et même économique traverse une crise systémique aux conséquences imprévisibles.


Dès lors, est-il possible de prévoir les avancées de ce dossier dans les prochains mois ?


Il appartient tout d’abord au Président Macron de préciser dans les meilleurs délais l’objet et la nature de son projet. Sans attendre, il devrait avancer quelques propositions sur la composition de la CPE, sur ses objectifs et ses structures, sur son insertion dans le réseau des accords ou organisations existants (OTAN, OSCE, CSCE, Conseil de l’Europe, …), sur le lien avec les procédures d’adhésion à l’UE, etc …


Il devrait ensuite soumettre ces propositions au Conseil européen en vue d’obtenir le soutien d’une majorité de ses membres et - en particulier - celui des principaux Etats les plus influents sur le plan international. Sur une question de cette nature et de cette magnitude, l’engagement de l’UE ne saurait être entravé par la règle du consensus. Si nécessaire, l’affaire pourrait être traitée sur le mode intergouvernemental.


Cette deuxième étape franchie, on peut imaginer que la France et l’UE entament des discussions - au niveau diplomatique - avec les « autres » Etats du « continent européen »(4). Le but de ces discussions serait d’obtenir l’accord du plus grand nombre d’entre eux sur l’opportunité d’une CPE regroupant l’ensemble de ces Etats au sein d’une sorte de « G40 européen » .


À ce stade, l’appui (extérieur) des USA - ou au moins leur non-opposition au projet - sera déterminant (5). La question du positionnement de la CPE par rapport à l’OTAN devra en particulier être clarifiée.


Après quoi - si ces travaux préparatoires s’avèrent satisfaisants - la France et l’UE pourraient envisager l’organisation d’un premier sommet de ce G40. Au vu de la dégradation rapide des relations avec la Russie poutinienne et de l’escalade incontrôlée du conflit ukrainien, cette tentative de formation d’un front démocratique européen devrait aboutir dans les meilleurs délais, par exemple au cours du printemps 2023.



Au total, l’agression russe en Ukraine a mis brutalement en évidence la menace plus générale qui pèse sur l’ordre démocratico-libéral européen. Cette prise de conscience est favorable à la recherche de nouveaux moyens de défense au-delà et en marge des accords et organes jusqu’ici en vigueur. Une nouvelle approche d’ampleur « continentale » apparait nécessaire dont les contours doivent être définis avec soin. Un tel exercice diplomatique va s’avérer particulièrement délicat du fait de la diversité des situations et positions parmi les Etats concernés. L’Union Européenne a une vocation naturelle à constituer le coeur et le socle de la future « Communauté Politique ». C’est sans doute en étroite liaison avec Bruxelles que Paris s’apprête à préciser les contours de son initiative. De fait, la réaction européenne (au sens large) à l’offensive impérialiste russe pourrait avoir des répercussions sur d’autre régions du monde où des offensives similaires sont en cours ou en préparation - notamment sur le front extrême oriental.



Jean-Guy Giraud 22- 08 2022

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(2) voir notamment les deux études :

(3) offensive dont les bases oligarchiques et - subsidiairement - doctrinales ont été clairement identifiées par les analystes depuis plusieurs années : https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/de-la-fin-de-l-empire-soviétique-au-retour-de-l-empire-russe

(4) selon les propos du Président Macron, environ 40 Etats européens seraient concernés incluant les 27 Etats de l’UE, les 8 Etats (pré) candidats à l’adhésion, 3 Etats de l’AELE ainsi que le RU et la Turquie : voir https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/cpe-de-quel-continent-européen-parle-t-on

(5) à ce stade, le Président Biden est lui-même favorable à la défense d’un « world libéral order » voir : https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/vers-un-reset-du-world-liberal-order-suite-1

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