La CPE a-t-elle (durablement) redessiné la carte de l’Europe géopolitique - traçant une nouvelle ligne de front depuis Vadsö (Norvège) jusqu’à Astara (Azerbaïdjan) ? (1)
C’est en tout cas ce qui ressort assez clairement de l’illustration cartographique ci-dessus qui, comme souvent, met mieux en évidence des situations géopolitiques que ne peuvent le faire de savantes analyses écrites.
La carte - proposée sur l’excellent site « Diploweb » - donne en tout cas l’impression d’une foule de pays (44 …) réunis en un bloc géographique occidental, semblant faire barrage à un autre bloc oriental de dimension comparable et constitué d’un seul Etat, la Russie. Carte qui pourrait être complétée par un tableau comparatif schématique des territoires, populations, PIB, … de ces deux ensembles (2).
De fait, c’est l’initiative même de la CPE qui a permis de prendre conscience de cette fracture et, surtout, de concrétiser la notion de continent ouest-européen - au delà des limites actuelles de l’Union européenne mais dont celle-ci constitue le socle ou la colonne vertébrale.
Certes, la « Communauté Politique Européenne » a quelque chose de virtuel voire d'artificiel et de conjoncturel. Elle est née du conflit ukrainien et demeure liée à son aboutissement, provisoire ou final. Sa cohérence et, plus encore, son unité demeurent incertaines. Les liens politiques ou économiques qui attachent certains des membres de la CPE à la Russie restent forts. La position de l’un des principaux membres de la CPE - la Turquie - est particulièrement ambigüe. Celle de deux Etats membres ou candidats à l’UE (la Hongrie et la Serbie) est floue et réticente.
Le ciment (encore frais) qui lie les 44 Etats de la CPE est, en fait, fourni par la Russie de Poutine elle-même. Au delà du combat ukrainien, le dirigeant russe entend mener une guerre ouverte (selon lui, une résistance) contre l’ « Occident collectif » accusé de vouloir « coloniser » la Russie et lui imposer un ordre libéral qu’il qualifie de « satanique ». Ainsi, la guerre en Ukraine est qualifiée de « mouvement de libération » auquel il appelle d’autres puissances mondiales à se joindre. Ce n’est pas d’ailleurs l’Europe qui est directement visée mais plutôt les Etats-Unis et le monde anglo-saxon qui dominent cet ordre, cette hégémonie occidentaux.
La grande fresque historique dressée par Poutine dans son discours du 30 septembre 2022 mérite d’être lue in extenso (3) pour bien apprécier la nature et l’ampleur du défi ainsi posé à l’ensemble de l’Occident mais, très directement, aux Etats du continent européen.
Quelle que soit l’appréciation que l’on peut avoir de l’analyse historique faite dans ce discours « fondateur », un fait demeure : celui de l’agression injustifiée, meurtrière et sauvage d’un peuple en violation de toutes les règles internationales du droit et de la guerre - ainsi que l’annonce d’une extension de ce conflit dans les marches russes de l’Europe.
Ainsi, la création de la CPE peut-elle être en premier lieu interprétée comme une réaction d’auto-défense, plus instinctive que mûrement réfléchie et construite. Dès lors, son sort semble pour l’instant lié à l’évolution du conflit ukrainien et à celui du dirigeant russe lui-même. Si, comme l’estiment la plupart des observateurs, ce conflit devait soit s’étendre soit se geler durablement - la CPE serait amenée à se consolider et à se structurer. Cette nouvelle conception du continent européen pourrait ainsi se solidifier, ouvrant de nouvelles perspectives à l’évolution de l’UE elle-même. D’ici la prochaine - et bien lointaine …- réunion programmée des dirigeants de la CPE (au printemps 2023), il est probable que ceux-ci poursuivront leurs contacts dans ce format afin d’être en mesure de prendre les décisions imposées par les évènements.
Jean-Guy Giraud. 16 -10 - 2022
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NB Vadsö : https://fr.wikipedia.org/wiki/Vadsø. Astara: https://fr.wikipedia.org/wiki/Astara_(Azerbaïdjan)
(1) ligne toutefois interrompue par l’implant biélorusse dont le basculement vers l’Ouest ou l’Est est aujourd’hui en balance.
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