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CRISE ÉCONOMIQUE ET MÉTHODE COMMUNAUTAIRE



Réunis en téléconférence les 7/8 avril 2020,  les 19 Ministres des Finances des États membres de la zone Euro (EuroGroup) n’ont donc pas réussi à s’accorder sur un plan global de mesures destinées à lutter contre les conséquences économiques de la crise sanitaire. 


Ils devront donc se réunir à nouveau dans les meilleurs délais pour tenter de résoudre les deux points de blocage persistants - en l’occurrence :


  • le déclenchement et les modalités de recours au Mécanisme Européen de Stabilité (MES),

  • la création (à terme) d’un système d’obligations européennes (Euro Bonds) de caractère général ou spécifique (Corona Bonds),

  • éventuellement toute autre nouvelle mesure ad hoc proposée par l’un ou l’autre Ministre. 

Au vu du mandat urgent et ferme que leur a donné le Conseil Européen, ils devront sans doute trouver un compromis sur les deux premiers points. 


Cette situation appelle les remarques suivantes :

1. une forte majorité des membres de l’Eurogroupe s’accorde sur le déclenchement du MES. Un ou deux États (Italie, Espagne) ne l’acceptent que si les prêts du MES sont consentis sans conditions relatives à l’utilisation de ces prêts et à la politique budgétaire des États bénéficiaires. La nature précise de ces conditions est négociable et pourrait tenir compte de certaines objections des États concernés. En tout état de cause, la question pourrait être tranchée par un vote à la majorité qualifiée (85% des voix), conformément aux règles fixées par le Traité établissant le MES.


2.cla plupart des membres de l’Eurogroupe sont opposés à la création ex nihilo et dans l’urgence d’un système nouveau d’Eurobonds. Cependant, l’Eurogroupe pourrait s’engager à examiner, dans un délai fixé, la faisabilité et les modalités d’un tel système qui ne peuvent être improvisées. Cette décision - de principe - pourrait être prise par le Conseil EcoFin, là aussi à la majorité qualifiée prévue par le TFUE.


3. les deux États qui auraient principalement provoqué le blocage (provisoire) de l’Eurogroupe (Pays Bas et Italie) semblent surtout être préoccupés par des considérations de politique intérieure (pression des partis eurosceptiques au sein de la majorité ou dans l’opposition) ainsi que par un climat peu favorable à la solidarité européenne dans l’opinion et les medias nationaux. Leur opposition réciproque ayant été fortement médiatisée, toute solution envisagée devra leur permettre de ne pas “perdre la face” vis à vis de leurs électorats respectifs. 


4. les diverses mesures d’envergure d’ores et déjà prises ou envisagées par la BCE, la Commission et la BEI n’ont - elles - pas posé de problème. Elles pourront être facilement entérinées par le Conseil Européen - dont elles ne sont d’ailleurs pas de la compétence directe. Elles ont été - ou seront - formellement et rapidement mises en oeuvre selon les règles régissant ces institutions ou organes


5. a contrario, les délibérations du Conseil Européen - qui s’est auto-saisi de l’ensemble du "plan de sauvetage” et devra respecter la règle de l’unanimité - pourraient être freinées ou paralysées par l’opposition persistante de l’un ou l’autre des chefs de gouvernement concernés. Cette Institution - de par sa nature inter-gouvernementale - est en effet mal adaptée à la prise de décisions qui exigent à la fois une maîtrise technique et une analyse objective des dossiers ainsi qu’une procédure décisionnelle efficace. Enfin, la publicité médiatique qui caractérise - et caricature - les réunions du Conseil ne facilite pas les indispensables compromis (1).


6. accessoirement, le fait que l’Eurogroupe demeure une instance “informelle” et que le MES reste en dehors du cadre des Traités ne permet pas de recourir à la méthode communautaire qui encadre et facilite les décisions. Ce sera peut-être une des (nombreuses) leçons à tirer de la crise.


Où l’on constate une fois de plus que la dérive inter-gouvernementale du processus décisionnel européen constitue un facteur spontané de lenteur - voire de blocage - particulièrement grave en situation de crise. C’était précisément pour éviter ce genre de situation que les auteurs des Traités avaient, dès les années 50 du siècle précédent, mis sur pied des Institutions et des procédures permettant de concilier et coaliser les intérêts nationaux. 


Jean-Guy Giraud  09 - 04 - 2020   

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