COVID19 : LA RESPONSABILITÉ COLLECTIVE DU CONSEIL EUROPÉEN FACE À LA CRISE ÉCONOMIQUE
- giraudjeanbaptiste0
- 4 avr. 2020
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Les outils anti-crise disponibles
Les Institutions ou organes européens ont fait connaitre tousles outils et moyens dont ils disposent d’ores et déjàpour réagir à court et moyen terme aux conséquences économiques prévisibles provoquées par la crise sanitaire. Il s’agit principalement de mécanismes visant à fournir directement aux États et indirectement aux opérateurs privés (banques, entreprises) les moyens financiers permettant d’atténuer les conséquences du ralentissement voire de la régression de l’activité économique générale.
Ces outils disponibles reposent d’abord sur des mécanismes existants tels que le budget de l’UE, les interventions classiques de la BCE, les prêts de la BEI. Toutefois, les modalités et limites statutaires qui régissent ces mécanismes devront être considérablement simplifiées et, surtout, élargies pour atteindre le seuil d’efficacité requis. Ceci implique une adaptation rapide des montants concernés et des règles applicables par voie législative ou réglementaire.
D’autres mesures de caractère extra-ordinaire, prolongeant les premières, seront sans doute nécessaires tels que le recours au MES, l’octroi direct de "découverts ou de tout autre type de crédits” par la BCE, l’accroissement des plafonds d’emprunt/prêt (voire du capital) de la BEI, des aides budgétaires directes européennes pour soutenir l’emploi, etc … Toutes mesures "non conventionnelles" nécessitant un accord politique préalable des Institutions et/ou des Etats.
De nouveaux outils non conventionnels
Mais l’ampleur de la dépression économique attendue exigera peut-être aussi la création ex nihilo de capacités nouvelles d’intervention - comme par exemple l’émission de nouveaux titres obligataires européens (Eurobonds ou Coronabonds) destinés expressément et temporairement à soutenir les efforts budgétaires des Etats pour limiter la dépression économique provoquée par la crise sanitaire. Ce mécanisme additionnel - dont l’ampleur et les modalités restent à définir - pourrait en effet constituer un puissant instrument de financement de la reprise sans limitation a priori de sa "puissance de feu”.
Mais sa création, envisagée bien avant la crise, se heurte à de fortes objections et réticences car il symbolise (à tort ou à raison) le concept de “mutualisation du déficit et de la dette”. Concept que refusent plusieurs États membres tant pour des raisons de fond que du fait d’obstacles constitutionnels internes. D’autre part, sa mise au point sur le plan technique nécessitera des délais incompressibles.
Quoiqu’il en soit, au vu de la gravité et de l’urgence de la situation, il faudra bien que les Institutions s’accordent rapidement sur un “mix” adapté et crédible des mesures schématiquement énumérées ci-dessus.
Un contexte exceptionnel
Quelques brèves remarques peuvent être faites sur le contexte dont les Institutions et les États devront tenir compte :
en tout premier lieu, le caractère sans précédent de la crise qui doit être abordée sur la base de la théorie dite “des circonstances exceptionnelles” : tout système constitutionnel ou législatif prévoit plus ou moins explicitement le cas où les règles existantes deviennent insuffisantes ou inapplicables du fait d’un bouleversement majeur de l’ordre normal des choses. Et où des mesures exceptionnelles et non prévues doivent être prises pour sauvegarder la survie même de ce système,
par nature, un crise grave n’affecte pas également les protagonistes : au sein de l’UE, certains États seront plus gravement atteints que d’autres par la crise sanitaire et ce seront notamment les États dont la situation économique et financière était déjà plus faible que celle de la moyenne communautaire. Seule une certaine mutualisation des moyens de lutte peut leur permettre de résister,
le principe même d’unité et de solidarité qui sous-tend le système et le projet européens doit ici impérativement s’appliquer : dans les circonstances actuelles, sa concrétisation est nécessaire pour maintenir et même renforcer les liens historiques précieux qui unissent les États membres.
Si la solidarité des 27 s'avérait défaillante, tardive ou insuffisante c’est la crédibilité politique de tout l’édifice qui serait ébranlée. Il en résulterait une perte de confiance des marchés et une aggravation des risques financiers pour tous les États membres (un “ domino" pouvant entrainer une réaction en chaîne). Du fait de la profonde interpénétration des marchés (y compris financiers) au sein de l’UE, même les économies des États les plus solides se trouveraient mises en danger. De même, il faudrait craindre un affaiblissement du poids et de l’influence de l’UE sur l'ordre international - au bénéfice des grandes puissances dominantes, y compris les moins collaboratives.
Seul le Conseil européen ...
Certaines actions ont déjà été engagées - ou vont l’être - au niveau législatif et règlementaire par les Institutions et organes de l’Union. Mais la gravité de la situation fait que seul le Conseil européen peut déclencher et avaliser la réaction politique d’envergure nécessaire.
La nature même de cette “ super-Institution” ne facilite pas les choses (1) - bien que, dans ces circonstances, les États réticents puissent accepter de s’abstenir pour ne pas perdre la face vis à vis leur opinion publique.
Il faudra bien le Conseil et les États assument leur responsabilité collective envers les citoyens européens, que cessent de part et d’autre les invectives et même les déclarations publiques nuisibles ou inutiles, que les faits l’emportent sur les postures. Tous et chacun ont à beaucoup à gagner en s’unissant et beaucoup à perdre en se divisant. Plus que jamais, l’UE doit faire bloc non seulement pour se sauver ensemble mais aussi pour résister en tant qu’acteur uni et solidaire à la grande déstabilisation internationale et au chacun-pour-soi mondial que risque de provoquer la crise.
Jean-Guy Giraud 04 - 04 - 2020
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