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CADRE FINANCIER PLURIANNUEL 2028-2034 DE L’UE : DES RESSOURCES MAL ASSURÉES

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  • 7 août
  • 7 min de lecture
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Le 16 Juillet 2025, la Commission a présenté sa proposition de Cadre Financier Pluriannuel (CFP) pour la période 2028-2034(1). Le montant total s’élève à environ 2.000 milliards d’euros (soit environ 285 milliards par an). Il correspond en moyenne à 1,26% du revenu national brut de l’UE.


La partie dépenses du CFP a été « intégralement » repensée (modernisée ?) ce qui suscite déjà, sans surprise, une large controverse tant au sein du Conseil que du Parlement. Il faut donc s’attendre à des débats particulièrement difficiles et, sans doute, à une remise en cause de plusieurs éléments du projet initial. 


La partie recette du CFP - qui est l’objet principal de la présente note - s’avère moins novatrice mais la création proposée de 5 nouvelles ressources propres s’ajoutant aux ressources « traditionnelles » est, comme à l’accoutumée, susceptible de provoquer de longues controverses entre les États. 


En résumé, l’ensemble des ressources propres (existantes et nouvelles) se monterait à 285 milliards par an - dont 60 milliards générées par de nouvelles ressources. 

La répartition serait la suivante (montants estimatifs et arrondis) :                                                                                                     


1. Ressources existantes    (240 milliards)                                                                   

  1.1 Droits de douane 

  1.2 TVA

  1.3 Déchets plastiques

  1.4 Contributions RNB

  1.5 Ajustement des ressources propres existantes (14,5)                                               

2. Nouvelles ressources proposées  (45 milliards)                                                      

  2.1 Quotas d’émission (9,6)

  2.2 Ajustement carbone (1,4)

  2.3 Déchets électroniques (15)

  2.4 Accise sur tabac (11,2)

  2.5 Contribution des grandes entreprises (6,8)

 

 

Ce volet « ressources » du prochain CFP suscite plusieurs remarques spécifiques : 


  • sur les ressources existantes : le produit effectif de certaines de ces ressources est incertain car tributaire soit de l’évolution de négociations internationales en cours (droits de douane) soit de la conjoncture économique au sein de l’Union (TVA). De même, les « ajustements » de certaines ressources existantes (droits de douane et TVA) estimés à 14,5 milliards pourraient ne pas être acceptés par le Conseil (vote à la majorité qualifiée). La contribution RNB  pourrait donc être appelée à compenser la baisse des autres ressources. De fait, la longue durée du CFP 2028-2034 rend toutes prévisions assez aléatoires.            

  • sur les nouvelles ressources proposées : au stade actuel, aucune de ces 5 nouvelles ressources n’a été approuvée par le Conseil (vote à l’unanimité). Pour certaines, le débat  est à peine amorcé. Les premières négociations entre les États s’avèrent d’ores et déjà ardues et ont fait apparaitre une forte diversité des positions s’ajoutant à la complexité du calcul de certaines ressources (taxes carbone, déchets électroniques, …) et à des désaccords d’ordre politico-économique sur d’autres (taxe sur les grandes entreprises). Si bien que le produit estimé de 45 milliards pourrait s’avérer très inférieur aux estimations initiales. 

  • sur de nouvelles ressources potentielles signalées par la Commission mais non formellement proposées : taxes sur les revenus financiers et sur les services digitaux (Piliers I et II OCDE) - taxe sur les hauts revenus - taxe sur le secteur aérien - taxe sur les transactions financières … Un examen préalable au niveau du Conseil (COREPER) a montré l’extrême difficulté de parvenir à des accords - même de principe - sur l’adoption de ces nouvelles ressources (2)

  • au total, ainsi que le montre le bilan dressé par la présidence polonaise du Conseil le 13 Juin 2025 (1), le financement du CFP 2028-2034 est (très) loin d’être fixé et assuré. Le travail sera poursuivi par les présidences suivantes (Danemark, Chypre, Irlande) afin que soit présenté en temps utile (au plus tard fin 2026) le « paquet » final au Conseil - sous réserve, bien sûr, du feu vert indispensable du … Conseil européen.


Plus largement, l’examen de ce dossier pourrait être l’occasion d’un débat plus général sur l’état actuel du régime des ressources propres de l’UE27 qui n’a guère évolué depuis … les élargissements de 2004/2007. Au point que la ressource de « rattrapage » - cad les contributions budgétaires directes des États membres basées sur leur quote-part du RNB total de l’UE - finance à présent plus de 70% du budget européenne en parfaite contradiction avec la lettre et l’esprit des traités.


À cet égard plusieurs remarques pourraient guider la réflexion : 


  • sur le « patchwork «  des différentes ressources en vigueur ou envisagées : la multiplication hétérogène de différentes taxes interpelle. Elles sont souvent conçues dans un double objectif : procurer des recettes mais en même temps accompagner diverses politiques (environnement, santé, réformes digitales et financières, …) Le calcul de leurs différentes assiettes s’avère complexe et conflictuel. Elles ont parfois un caractère régressif du fait de la diminution programmée de certaines de ces assiettes. Plusieurs d’entre elles sont déjà en vigueur sous des formes diverses dans quelques États membres qui hésitent à en partager le produit. L’aspect correctif - voire « punitif » - de plusieurs taxes est susceptible de nuire à l’image de l’UE.

  • sur la perspective d’une simplification du sytème : la difficulté de poursuivre au niveau de l’UE27++ cette multiplication et diversification de différentes ressources est à présent évidente. On en vient presque à regretter le temps (lointain, il est vrai) où une seule ressource basée sur la TVA finançait l’essentiel du budget. Les raisons pour lesquelles cette taxe a été progressivement marginalisée (notamment sous la pression … britannique) gagneraient à être revisitées. On regrettera au passage que l’approche de la Commission sur les ressources propres ait été - historiquement - très mesurée, voire timorée ce qui n’a pas contribué au renforcement du système.  

  • sur le recours à l’emprunt européen : à l’instar de tous les budgets nationaux et de ceux des grandes organisations internationales, l’UE a entrepris de financer certains types de dépenses en recourant à l’emprunt. Pour le CFP 2028-2034, la Commission propose des développements (très) limités de cette pratique. Sans aborder ici cette question complexe et controversée, il est clair que l’UE27 remplit les conditions nécessaires du recours à l’emprunt : potentiel économique, stabilité financière, marché des capitaux en voie d’intégration, épargne abondante, monnaie unique et forte, … De fait, les obstacles à ce développement sont surtout d’ordre politique et rejoignent les réticences relatives au principe d’autonomie financière de l’Union. Il dépend de la Commission d’exercer - ou non  - la pression nécessaire pour faire avancer cette question. 

  • sur la sauvegarde du principe de l’autonomie financière de l’Union : dans l’esprit des auteurs des traités, ce principe cardinal était destiné à conférer à l’Union le pouvoir budgétaire nécessaire pour financer et conduire librement ses politiques propres en s’affranchissant de la tutelle financière directe des États. Il semble que l’évolution en cours d’une Union de plus en plus large et diverse devrait conduire à remettre ce principe au coeur même du débat. À cet égard, la place à présent prépondérante - par défaut - des « contributions » budgétaires nationales constitue une involution regrettable du système qui l’expose au double risque de blocages éventuels et de prise en compte arbitraire de la notion de « justes retours » . 

  • sur les modalités de décision en matière budgétaire : il convient de répéter sans se lasser que l’évolution de toutes ces questions budgétaires (et notamment des ressources propres) est liée à l’obstacle majeur de la permanence du principe d’unanimité. On le sait, toute modification ou création de ressources propres exige l’accord de chacun et de tous les 27 États membres - ainsi d’ailleurs que le CFP lui- même. Les arbitrages finaux sont en fait réservés au Conseil Européen qui en délibère jusque dans le détail - contrairement aux dispositions expresses des traités. De plus, toute création de nouvelles ressources propres doit être approuvée séparément par tous les États membres et, le cas échéant, par leurs parlements (3). Ce mécanisme de doublé clé d’un autre âge est une recette parfaite de blocage qui s’aggrave au fur et à mesure des élargissements. Il est difficile de justifier que le financement de l’Union - qui mobilise un volume budgétaire guère supérieur à 1% du RNB total de l’Union - demeure soumis à des procédures aussi drastiques et restrictives.  

  • sur la mise à l’écart du Parlement européen : son rôle est limité à une simple « consultation » préalable à la décision du Conseil. Ainsi, le contribuable européen - dans son ensemble - se trouve « taxé sans être représenté ». La légitimité démocratique de l’impôt européen est exercée séparément et sans coordination par 27 parlements nationaux (soit en pratique près de … 40 assemblées distinctes). Le fait incontestable que « le Parlement européen ne vote pas l’impôt » ne renforce guère sa légitimité et son autorité politique auprès des électeurs. Il s’est toutefois jusqu’ici efforcé de « jouer le jeu » en se prononçant sur les réformes envisagées. Mais sa conviction demeure que « le financement actuel du budget de l’Union est contraire aux intentions des pères fondateurs et à l’esprit des traités » (4)


Le débat sur le CFP 2028 - 2034 va s’étendre sur au moins 18 mois - soit largement le temps d’aborder les questions relevées ci-dessus. Le « pouvoir budgétaire » s’avère de plus en plus - avec le pouvoir normatif - comme un des principaux leviers d’action de l’Union à l’appui de ses politiques communes ainsi que - surtout dans un contexte international très incertain - de sa politique extérieure. Pour exercer ce pouvoir, elle doit disposer de ressources financières autonomes, adéquates, claires, sûres et stables. Il est du devoir et de l’intérêt bien compris des États membres et des Institutions de les lui garantir. 



Jean-Guy Giraud

07 - 08 - 2025   

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(3) article 311 TFUE : 

Article 311

(ex-article 269 TCE)

L'Union se dote des moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs et pour mener à bien ses politiques.

Le budget est, sans préjudice des autres recettes, intégralement financé par des ressources propres.

Le Conseil, statuant conformément à une procédure législative spéciale, à l'unanimité et après consultation du Parlement européen, adopte une décision fixant les dispositions applicables au système des ressources propres de l'Union. Il est possible, dans ce cadre, d'établir de nouvelles catégories de ressources propres ou d'abroger une catégorie existante. Cette décision n'entre en vigueur qu'après son approbation par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives.


 
 
 

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