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« L’élargissement de 2004 fut le mieux préparé de l’histoire de l’Union »Cette citation étonnante - attribuée … au Commissaire chargé à l’époque de cet élargissement, M. Gunter Verheugen (1)  - conclut une analyse non moins surprenante d’un article de la revue L’Esprit intitulée « L’élargissement, de la fatigue à l’élan » (2).

 

Cette analyse tend à décrire le prochain élargissement de l’UE à une dizaine de nouveaux États, anciens membres du bloc communiste, non seulement comme une évolution incontournable du point de vue géopolitique mais comme un devoir et une opportunité pour l’avenir de l’Union. 

 

On serait en fait tenté de développer la thèse inverse en constatant d’une part la situation politique et démocratique chaotique qui persiste - 20 après leur adhésion ! - dans la plupart des dix États admis en 2004/2006 et en relevant d’autre part les effets délétères de cet élargissement sur l’unité et la solidarité européennes. 

 

Au point que, aujourd’hui, l’UE 27++ recherche désespérément à redéfinir un  « avenir » qui s’écarte résolument du projet fondateur sans pour autant en substituer un nouveau qui soit construit, crédible et identifiable.

 

Dans ces conditions, on voit mal comment une nouvelle et lourde (numériquement et qualitativement) vague d’adhésions de pays plus instables encore que ceux de la précédente vague peut être envisagée aussi sereinement aussi bien par certains analystes que par les responsables politiques des Institutions et des États membres. 

 

L’opinion publique dans la plupart des pays membres ne s’y trompe d’ailleurs pas : instinctivement et pragmatiquement,  « les gens » demeurent très dubitatifs sur la solidité et l’efficacité d’une future UE36 dont personne n’est capable d’expliquer comment elle pourrait véritablement se stabiliser, s’organiser et fonctionner. D'autre part, dans les pays candidats, l’opinion ne manifeste pas non plus un enthousiasme débordant pour l’entrée dans « une famille européenne » aux contours vagues, complexes et incertains. 

 

Cependant, rares sont ceux qui osent se démarquer du mantra officiel - et seul politiquement correct - d’une Union toujours plus étendue à défaut d’être « toujours plus étroite » comme le stipulent les préambules des Traités en vigueur (3). Rares sont ceux qui s’interrogent sur la possibilité d’assurer, au sein d’un ensemble aussi hétéroclite, des objectifs tels que le maintien en son sein d’un ordre démocratique et libéral ou le développement d’une Europe-puissance à l’échelle internationale.

 

Pour tout dire, il semble que la feuille de route implicite du nouveau processus d’élargissement en cours puisse se résumer à ces quelques mots : « Ouvrons les négociations, on verra après … » !  Cette attitude est manifeste dans le chef de la plupart des responsables politiques qui refusent catégoriquement toute tentative de réflexion sur un renforcement préalable de l’UE27 - susceptible au moins d’amortir le choc d’une dizaine de nouvelles adhésions. S’il est exact que les perspectives géo-politiques actuelles semblent justifier la sécurisation rapide d’un périmètre européen élargi, encore faudrait-il s’assurer auparavant de la solidité des fondements de l’édifice ainsi menacé. En fait, la réalité est que les actuels co-propriétaires ne sont au clair ni sur l’organisation de la maison commune dans son état actuel ni, à plus forte raison, sur les modalités de son extension. 

 

Ici s’arrêtent en général - sur ces constats - les réflexions des responsables politiques et des analystes. Peu d’entre eux s’interrogent sérieusement sur la question essentielle « À partir de là, que faire ? » Doit-on, peut-on mettre clairement sur la table cette problématique qui détermine l’avenir du projet européen ? Et si la réponse est - comme il le faudrait - positive, comment s’y prend-on ?

 

Il existe au moins une piste expressément prévue par les Traités qui permettrait l’ouverture d’un débat de clarification associant les États (gouvernements et parlements) les Institutions et l’opinion. C’est celle de l’ouverture d’une « Convention » au sens de l’article 48§3 du TUE. Cet organe a fait ses preuves à deux reprises au début des années 2000  : il constitue une enceinte démocratique, légitime, inclusive, coopérative, transparente, médiatique et, surtout, à même d’élaborer des propositions concrètes. C’est d’ailleurs la demande officiellement présentée par le Parlement au Conseil européen - accompagnée de propositions en bonne et due forme. Ce dernier peut décider à la majorité simple de 14 Etats membres d’ouvrir une telle Convention. 

 

On se permettra de renvoyer ici (4) à une analyse plus détaillée des potentialités d’une Convention.

 

D’autres pistes peuvent certes être envisagées mais on voit mal lesquelles seraient susceptibles de parvenir réellement au résultat recherché. Dès lors la question se pose : existe-t-il encore au sein de l’UE27 une volonté majoritaire d’ouvrir clairement et publiquement ce débat ? Il se trouve qu’une occasion unique se présente d’aborder cette question : celle des élections du 9 Juin 2024 qui détermineront le renouvellement du Parlement et précèderont celui de la Commission. Une fois reconstituées, ces deux Institutions seraient pleinement légitimées pour inviter les parlements et les gouvernements à participer à l’exercice conventionnel. 

 

Il reste à espérer que nos analystes - après avoir fait répétitivement le constat des problèmes en suspens - se penchent à présent sur les solutions possibles : celle de la Convention mériterait un examen approfondi. 

 

 

Jean-Guy Giraud 

08 - 04 - 2024

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(2) https://esprit.presse.fr.  « L’élargissement, de la fatigue à l’élan » T. Chopin, L. Malek, S. Maillard

 

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