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À LA RECHERCHE DES VOTES PERDUS



On sait que - contrairement aux dispositions prévues par le Traité de Maastricht et en dépit des propositions faites par le PE, le Conseil n’a jamais été en mesure d’adopter (à l’unanimité) une "procédure uniforme” pour réglementer les élections européennes dans l’ensemble des États membres.


Deux règles de base communes ont seulement pu être fixées : celle de la représentation proportionnelle et celle de l’incompatibilité entre les mandats nationaux (ou du moins certains d’entre eux) et le mandat européen.


Dans ce cadre assez large, chaque État a pu adopter les modalités particulières de son choix (1).


Dans certains États, un seuil minimum de voix a été établi pour pouvoir accéder au partage des sièges (2).


En France, ce seuil a été fixé à 5% des voix : toute liste se situant en dessous de ce seuil se trouve ipso facto écartée du comptage final des voix (3)(4).


Les voix se portant sur les “petites listes” - même si elles sont comptabilisées et enregistrées - se trouvent donc en quelque sorte stérilisées au titre du partage des sièges, à l’instar des votes blancs ou nuls.


Les sondages indiquent que, selon toute vraisemblance, près de … 28 listes sur un total de 34 se trouveront dans cette situation. 


Seules 6 “grandes listes" seraient susceptibles de franchir le cap des 5% des suffrages et donc de se partager les 74 sièges de députés français.


Dans ces conditions, une partie des votes des français risque de se révéler sans objet ou du moins sans effet électoral.


Si l’on totalise le nombre des intentions de vote au bénéfice des “petites listes”, cette stérilisation pourrait atteindre 15% du total des suffrages.


On peut certes admettre que certaines de ces listes expriment des positions précises, liées aux enjeux européens et irréconciliables avec aucune de celles soutenues par les “grandes listes”. Toutefois, beaucoup d’entre elles sont soit sans rapport direct avec un scrutin européen, soit carrément opportunistes voire fantaisistes.


D’autres listes sont au contraire assez proches des positions affichées par l’une ou l’autre des “grandes listes”. Leurs voix - qui auraient pu renforcer celles de la "grande liste” concernée - seront ainsi perdues au détriment de objectifs qui leur sont plus ou moins communs (5).


Il n’est pas certain qu’une partie au moins de l’électorat ait vraiment pris conscience de cet effet de stérilisation éventuelle de son vote.


Si ceci avait fait l’objet d’une meilleure information ou mise en garde, peut-être cet électorat en aurait-il tenu compte.


Le taux estimé d’abstention frôle à ce jour les 60%. Si l’on y ajoute le pourcentage des suffrages se portant inutilement sur les petites listes, il faudrait y ajouter quelque 5% de suffrages “perdus". Ainsi, la future délégation française au Parlement européen risque de ne représenter que … 35% de l’électorat total.


Situation fort regrettable qui est largement à mettre au débit d’une information - et plus largement d’une éducation civique - insuffisantes.


S'il faut tout de même reconnaitre que, pour les élections de 2019, de nombreux organes de presse et mouvements associatifs ont accomplis des efforts sans précédent depuis les premières élections de 1979 - il semble qu’une partie conséquente de l’électorat risque cependant d’y demeurer insensible.


Il faudra bien, un jour, tirer les leçons de tous ces votes perdus. 


Jean-Guy Giraud  16 - 05 - 2019    

____________

(1) notamment le choix entre des listes nationales ou régionales. La France a utilisé le scrutin régional en 2004, 2009 et 2014. . Seuls 5 États dont le RU pratiqueront le mode régional en 2019. 

(2) 14 des 28 États membres prévoient un tel seuil variant de 3 à 5% des suffrages. En Allemagne, le principe lui-même de seuil pour les élections européennes a été jugé inconstitutionnel par la Cour de Karlsruhe - alors qu’il est applicable pour les élections nationales. 

(3) toutefois, les listes recueillant plus de 3% des voix auront droit au remboursement de certains frais électoraux.

(4) à noter que, contrairement à d’autres États, le mode de scrutin français ne permet ni vote préférentiel au sein d’une même liste ni un panachage entre plusieurs listes.

(5) on peut notamment citer les cas de la liste UDI proche de celle de LREM - de la liste Génération S proche de celle du PS - ou encore de la liste Urgence écologie proche de celle des Verts ...

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