"European Integration at the time of the New Cold War"
L’Institut Universitaire Européen a pris l’initiative de demander à 32 (!) des plus "hautes personnalités européennes" de rédiger un Manifeste sur l’Avenir de l’Union Européenne intitulé « European Integration at the time of the New Cold War".
Un de plus ? Hélas oui ! Car ce document est tout aussi décevant que les multiples textes adoptés (souvent « solennellement ») sur le même thème depuis plusieurs années. Il ressemble d’ailleurs très fort à une sorte de « copié-collé » de ces textes.
Le Manifeste commence - comme il se doit - par une description et un diagnostic aussi alarmistes que convenus sur l’État de l’Union - dont on fera grâce aux lecteurs.
La partie potentiellement pro-active et innovatrice réside - ou plutôt aurait dû résider - dans les sept propositions destinées à promouvoir "un fédéralisme graduel et pragmatique’ ». Mais cette liste - d’une grande généralité et imprécision - ne fait que reprendre les concepts maintes fois répétés dans les conclusions du Conseil Européen ou les rapports de la Commission.
Quelques exemples :
« An EU budget (…) backed by credible own ressources … »
« Fiscal rules to meet the necessary conditions for long-term economic growth and sustainable public finances »
« Construction of integrated and deep financial markets »
« An industrial policy fostering the shift to a new business model »
« A revamped state aid policy aimed at strengthening – and not undermining – the Single Market »
« A common education and training strategy as well as concrete programmes for including migrants »
« An EU security and defence policy within NATO, but having sufficient autonomy and visibility, »
Il semble, une fois de plus, que la reprise de mots-valises empruntés au jargon journalistique américain tienne lieu de réflexion novatrice et non conformiste.
Mais l’aspect le plus dérangeant - le plus irresponsable diront certains - de ce document se trouve dans sa conclusion très démotivante, elle aussi hélas trop classique :
toute réforme significative ne peut s’accomplir que dans le long terme,
la (longue) marche vers un fédéralisme pragmatique et graduel sera l’oeuvre des … Erasmus generations.
Et la dernière phrase illustre parfaitement la tonalité du manifeste :
"When clarity on the policy, institutional, and political agenda is reached, national and EU leaders should explain to European citizens why setting up more effective and efficient EU institutions is not an obscure ‘Brussels’ prerogative, but a decisive development to safeguard the future of our communities, and most notably that of young generations.»
Ouf !
Ce n’est même plus un renvoi aux calendes grecques - mais une véritable fin de non-recevoir de tout approfondissement (sorry, « deepening ») des Institutions, de la gouvernance et des politique de l’Union dans un avenir prévisible et proche - en tout cas préalable à de prochains élargissements.
Donc un manifeste de trop - ou pour rien. Mais est-ce vraiment important ? Oui, pour deux raisons :
ce manifeste est parrainé par l’Institut Universitaire Européen,
les signataires sont effectivement de très hautes personnalités politiques européennes.
À ces deux titres, ce texte risque donc d’influencer (négativement, de notre point de vue) le débat électoral européen en s’opposant à des positions plus immédiates, déterminées et opératoires.
Il faut donc espérer que d’autres éminentes personnalités se prononcent à leur tour pour assumer courageusement des propositions fortes et précises, mieux adaptées à l’ampleur et l’urgence des réformes que doit accomplir l’Union. Réformes indispensables non seulement pour éviter le blocage interne (en cours) de l'UE - mais surtout pour résister à l’aggravation dramatique et quasi-quotidienne de son environnement international.
(Et il est aussi possible que les auteurs du manifeste souhaitent revoir leur copie… À la lumière des plus récents développements climatiques ou sanitaires et - surtout - des guerres qui s’intensifient ou s’annoncent à l’Est de l’Europe comme au Moyen Orient.)
Jean-Guy Giraud
09 - 10 - 2023
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Il ne semble pas exister de version française du document
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