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QUAND LE CONSEIL EUROPÉEN BOUSCULE LA "RULE OF LAW “ COMMUNAUTAIRE


La “conclusion/décision” du Conseil européen du 11/12/20 relative au mécanisme de conditionnalité lié à la protection des intérêts financiers de l’UE (le règlement “état de droit” - en anglais “Rule of Law Regulation" = "RoL”) fait l’objet de sévères critiques d’ordre juridique. Les plus récentes émanent du respecté “Verfassungsblog” (1). En résumé, les auteurs estiment que le Conseil européen a :

  • agi ultra vires - cad excédé la limite de ses compétences - en exigeant de la Commission d’adopter des modalités d’application (“guidelines”) du règlement RoL et en conditionnant la mise en vigueur du RoL à la rédaction préalable de ces modalités. Ce faisant, le Conseil a de facto amendé le RoL alors que le Traité stipule qu’il n’exerce aucun pouvoir législatif,

  • abusivement décidé de reporter la date d’application du RoL, ce qui est non seulement ultra vires mais constitue aussi une atteinte aux prérogatives de l’autorité législative (Conseil et Parlement),

  • illégalement subordonné la rédaction définitive et l’entrée en vigueur du RoL à un arrêt hypothétique de la CJE - autrement dit créé une condition suspensive inédite et contraire à la jurisprudence.

Et les auteurs de conclure que le Conseil européen a ainsi altéré l’équilibre inter-institutionnel des pouvoirs et son régime de "checks and balances”. Et les auteurs de suggérer que le Parlement européen - totalement ignoré dans cette affaire - décide de passer outre à la conclusion du Conseil et d’ignorer la clause relative aux “guidelines”. Une ré-action plus osée et plus offensive du Parlement consisterait à saisir directement la CJE d’un recours en annulation pour violation du traité (art. 263 TFUE) de la conclusion/décision du Conseil européen relative au RoL. Recours que les auteurs estiment possible au vu de la jurisprudence et dont les effets auraient, le cas échéant, une portée générale et considérable sur le plan institutionnel. Tout ceci illustre bien la situation actuelle d’ “un Conseil Européen, souverain auto-proclamé et à la dérive” (2) : en s’arrogeant des pouvoirs ultravires et en s’avérant de fait incapable - dans la confusion des “sommets” - de les utiliser sans artifices et contorsions douteux (notamment du fait de la règle auto-imposée de l’unanimité), le Conseil fragilise à la fois les équilibres inter-institutionnels et la "rule of law” … au sein même de l’Union. Le fait que la Commission von der Leyen se soit prêtée à ces artifices ne constitue pas non plus un signe d’indépendance de la part du nouveau collège. On attend avec intérêt les réactions des deux autres Institutions indépendantes de l’UE : Parlement et Cour de Justice. Jean-Guy Giraud 12 - 12 2020

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