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NORDSTREAM 2 ET EAST MED : QUELLE SÉCURITÉ ÉNERGÉTIQUE DE L’UNION ?


"On March 20, the leaders of Greece, Israel, and Cyprus, as well as U.S. Secretary of State Mike Pompeo, met in Jerusalem to discuss a range of multilateral issues. Among these was a formal declaration of support for the EastMed pipeline, a project to transport natural gas from underwater sources in the Eastern Mediterranean to interconnectors in Europe. Although the pipeline proposal has been bandied about since 2012, the summit’s declaration of support, following on the heels of a similar tripartite meeting in December, appears to solidify the so-called “Energy Triangle” relationship between the three Eastern Mediterranean nations."


À l’heure actuelle, le gaz représente 22% de la consommation européenne d’énergie dont les 2/3 sont importés de pays tiers. Cette source d’énergie a vocation à s’accroitre, notamment pour des raisons environnementales. 

Or l'approvisionnement en gaz naturel de l’UE en provenance de pays tiers a fait récemment fait l’objet de nombreux commentaires de presse - concernant en particulier deux projets de grande ampleur de construction de gazoduc entre l’UE et différents fournisseurs étrangers de gaz naturel:

  • le projet NordStream 2 reliant directement la Russie et l’Allemagne,

  • le projet EastMed reliant entre eux Israel, Chypre et la Grèce - et potentiellement l’Italie (voir ci-dessus) - signé le 2 janvier 2020.


Dans les deux cas, la fourniture de gaz peut concerner potentiellement d’autres États membres de l’UE.


L’Europe directement concernée ...

Ces deux projets sont donc étroitement liés à la politique énergétique européenne telle que régie - en matière de gaz naturel - par une directive d’Avril 2019 (1).


Ainsi, l’UE est-elle directement concernée - sur les plans juridique, économique, et environnemental - par les négociations, accords et réalisations de projets liant un ou plusieurs États membres avec des États tiers visant à la fourniture de gaz naturel des seconds vers les premiers.


… par des interventions extérieures, notamment américaines

Or on sait que ces projets - de par leur nature même - peuvent donner lieu à des controverses internationales géostratégiques impliquant aussi bien des pays tiers limitrophes que d’autres pays non directement concernés.


On relève en particulier le rôle joué par les États Unis dans chacun des deux projets mentionnés ci-dessus :

  • le projet NordStream 2 (en voie de finition) a été bloqué de facto par une intervention américaine en décembre 2019 (2), 

  • le projet EastMed (signé le 2 janvier 2020) bénéficie au contraire d’un appui américain actif. 

Cette intervention directe des États Unis - dans un sens comme dans l’autre - pose un problème de grande ampleur à l’Union dont la politique énergétique risque de devenir ainsi l’otage non seulement des intérêts économiques américains - ou de ses alliés (3) - mais aussi des soubresauts imprévisibles de la politique étrangère de ce pays. Pays dont on connait les capacités et la volonté d’interventions extra-territoriales en dehors mêmes de toutes règles de droit international.(4)


Au surplus, ces interventions étrangères (5) ont pour effet de semer des ferments de division au sein même de l’UE. Le risque est grand en effet que les États membres directement concernés ne privilégient leurs intérêts nationaux - ou ne cèdent à divers types d’incitations ou de pressions extérieures - au détriment de l’intérêt général de l’Union.


La nécessité d’outils européens mieux adaptés 

Finalement, ces deux affaires illustrent bien la nécessité pour l’UE de se doter - en matière de sécurité énergétique comme dans d’autres domaines - de moyens suffisants pour garantir : 

  • non seulement "une cohérence du cadre juridique au sein de l’Union tout en évitant des distorsions de concurrence” … (6) 

  • mais aussi une politique commune plus contraignante tant au sein de l’UE que vis à vis de l’extérieur.

À cet égard, il n’est pas sûr que les règles actuelles du traité relatives à l’énergie (article 194 TFUE) fournissent une base suffisante dans la mesure où elles garantissent notamment “ le droit d’un État membre de déterminer (…) la structure générale de son approvisionnement énergétique”  - et où les considérations de politique étrangère et de sécurité, même liées à la question énergétique, sont d’un maniement lourd et peu efficace.


Il reste donc à voir si l’escalade récente des interventions étrangères - telles que celles des États Unis - auront pour effet de diviser plus profondément entre eux les États membres de l’Union - ou provoqueront au contraire une réaction collective d’unité et de solidarité. Dans ce dernier cas, de nouveaux outils juridiques (pouvant impliquer une révision du traité) devraient être mis à la disposition de la politique énergétique de l’UE.



Jean-Guy Giraud  03 - 01 - 2020  

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Cette directive a essentiellement pour but de "garantir que les règles applicables aux conduites de transport de gaz reliant deux États membres ou plus sont également applicables, au sein de l'Union, aux conduites de transport de gaz à destination et en provenance de pays tiers". 

(2) https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/l-escalade-de-l-extra-territorialité-nord-stream-2-suite-1 (3) par exemple d’Israel, principal fournisseur potentiel du gaz transitant par EastMed  (4) le fait que la Commission, au nom de l’UE, ait critiqué (sans s’y opposer) le projet NordStream 2 et qu’elle ait soutenu le projet EastMed (en finançant une partie des études préalables) ne change rien à l’affaire. (5) y compris celles de la Russie dans le cas de NordStream 2 et de la Turquie pour EastMed (6) extrait de la directive précitée

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