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L'ESCALADE DE L’EXTRA-TERRITORIALITÉ : NORD STREAM 2 - suite 1



Dans des délais exceptionnellement brefs (moins de 15 jours), la Chambre des Représentants puis le Sénat des États Unis ont voté la loi dite de “protection de la sécurité énergétique européenne” que le Président a aussitôt signée et qui est donc entrée en vigueur le 20 Décembre 2019.


On sait (1) que cette loi vise expressément et uniquement à bloquer l’achèvement des travaux du gazoduc reliant la Russie à l’Allemagne par voie sous marine à travers la mer baltique - appelé Nord Stream 2.


Le communiqué du Department of State 

Ainsi que le précise le communiqué du Department of State (2) : "The United States’ intention is to stop construction of Nord Stream 2

Les États Unis considèrent en effet que :

  • "Nord Stream 2 is a tool Russia is using to support its continued aggression against Ukraine"

  • "Russia seeks to prevent it from integrating more closely with Europe and the United States"

  •  "Nord Stream 2 would also help maintain Europe’s significant reliance on imports of Russian natural gas, which creates economic and political vulnerabilities for our European partners and allies".

Plus généralement, le gouvernement américain :

  • "strongly supports diversification of energy supplies because options help diminish the role of geopolitics in energy markets, reduce consumer prices, and enhance a country’s energy security".

  • "promotes energy security through diversification of energy supplies by country of origin, path of delivery, and fuel types, including renewables"

  • "anyone engaged in the energy trading business ought to do it under fair terms, which are transparent, and operate according to market principles.

et il cite l’exemple … de la fourniture du gaz naturel américain susceptible de réduire les coûts pour les consommateurs européens :

  • "For instance, it has been estimated that the availability of U.S. LNG saved European consumers $8 billion by enabling them to negotiate lower prices with existing suppliers".


L’efficacité de l’intervention américaine 

Fort de cette argumentation politico-stratégique et commerciale, le Département d’Etat somme toutes les entreprises impliquées dans l’achèvement de North Stream 2 de cesser immédiatement les travaux - sous peine de se voir infliger une série de sanctions pouvant concerner aussi bien les sociétés que leurs dirigeants personnellement.


De fait, une des sociétés concernées (la compagnie suisse “ Allseas”) a, dans les 24 h suivant l’adoption de la loi, annoncé son retrait total, définitif et immédiat des opérations (presque terminées) de pose du gazoduc.


Ainsi, en moins de 15 jours, l’administration américaine est-elle parvenue à remettre en cause - voire à bloquer définitivement - un projet d’une ampleur exceptionnelle, étudié et prévu de longue date par les différents pays européens riverains du trajet du gazoduc, avec toutes les conséquences imaginables en matière de politique d’approvisionnement énergétique pour l’ensemble de l’UE. Auxquelles s’ajoutent les conséquences financières pour les entreprises qui y ont investi des ressources considérables - ainsi que le sort qui pourra être réservé aux importantes installations terrestres et sous-marines (immergées sur une distance de 2.900 km) pratiquement achevées et désormais inutilisables.


Dans ce cas précis s’y ajoutent deux éléments particulièrement troublants :

  • la loi en question prétend avoir pour but de "protéger la sécurité énergétique européenne” (c’est même son intitulé) - en quelque sorte malgré les responsables nationaux et européens eux-mêmes, 

  • et elle conseille presque ingénument à ces États de se tourner de préférence vers les fournisseurs … américains de gaz naturel (3).    

Un cas emblématique  Cette affaire - quel que soit le bien fondé (contesté) stratégique ou industriel du projet - constitue un cas d’école de la brutalité et de l’efficacité de l’interventionnisme extra-territorial américain. Elle représente un fâcheux précédent pour l’indépendance de la politique énergétique européenne (et des États concernés) au moment même où celle-ci se met difficilement en place.  Et elle s’ajoute à une liste croissante d’interventions dans d’autres domaines, susceptibles d’affecter quasiment toutes les politiques ou actions de l’UE et de ses États membres - lesquels restent passablement divisés sur l’opportunité et la nature de mesures (ou contre mesures) protectrices.  L’absence - à ce jour - de réaction officielle européenne à l’intervention américaine est sans doute le reflet de cette division - laquelle ne peut qu’encourager l’administration en place à poursuivre et amplifier son interventionnisme en fonction de ses propres intérêts.  Jean-Guy Giraud  31 - 12 - 2019 ___________________________________________________ (1) https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/usa-l-escalade-de-l-extra-territorialité-nord-stream-2 (2) https://www.state.gov/fact-sheet-on-u-s-opposition-to-nord-stream-2/ (3) à noter que les sénateurs à l’origine de la loi sont des élus d’Etats producteurs de gaz de schiste (notamment Ted Cruz, sénateur texan)    

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