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NAPOLEON : POUR OU CONTRE L’EUROPE ?"



Le 5 Mai 2021, la France “célèbre” le 200ème anniversaire de la mort de Napoléon Bonaparte.


Le 9 mai 2021, fête de l’Europe, sera officiellement lancée la “Conférence sur l’avenir de l’Europe”.

Cette coïncidence calendaire a inspiré de nombreux commentaires - souvent anachroniques, superficiels ou polémiques - sur la vision européenne de l’Empereur.


Mais de nombreux ouvrages savants peuvent éclairer objectivement cette vision.


Et, parmi ceux-ci, une une longue note (écrite en 1995) de l’historien Roger Dufraisse (1) qui avait tenté de répondre à la question “Napoléon : pour ou contre l’Europe ?” (2)


Sa réponse - très documentée - est pour le moins nuancée mais l’auteur la résume dans l’introduction de son essai en répondant par oui/non aux quatre questions ci-dessous :

"À propos de Napoléon et de l’Europe, l’on est conduit à se poser plusieurs questions auxquelles l’on va répondre de façon brutale avant de développer les arguments permettant d’apporter ces réponses.

Première question : connaissons-nous bien les idées napoléoniennes en matière d’organisation de l’Europe ? La réponse est non.

Deuxième question : devons-nous conclure de cette constatation que Napoléon n’a eu aucune idée sur l’Europe ? La réponse est évidemment non.

Troisième question : Napoléon a-t-il sacrifié les intérêts français à ceux de l’Europe ? La réponse est encore non.

Quatrième question : Metternich a-t-il eu raison de dire en 1809 que Napoléon « était le souverain de l’Europe » ? Réponse oui, car il y a bien eu une Europe modelée, certes de façon éphémère, mais modelée tout de même par Napoléon.

Dernière question : faut-il d’un point de vue européen condamner tous les aspects de la politique napoléonienne ? La réponse est non.


Si nous invitons les lecteurs intéressés à lire l’ensemble de l’étude, nous attirons leur attention sur l’extrait ci-dessous.


Il y est expliqué que Napoléon - a posteriori - a tenté de présenter son oeuvre diplomatique et … militaire comme une tentative d’"organiser un grand système fédératif européen (…) conforme à l’esprit du siècle et favorable aux progrès de la civilisation” . Système dans lequel étaient repris certains des grands acquis de la révolution française et du génie organisationnel et administratif napoléonien.


Autre référence historique frappante au lendemain du Brexit : l’irréductible opposition de l’”Angleterre” à toute tentative de modification de l’équilibre continental d’ancien régime, basé sur la domination de - et la rivalité entre - quelques grands royaumes-puissances européens.


Bonne lecture !

NAPOLÉON : POUR OU CONTRE L’EUROPE ? Auteur(s) : DUFRAISSE Roger


(extrait) "Les intentions de Napoléon en matière d’organisation européenne sont mal connues. En effet les historiens se sont laissés abuser par les propos tenus par l’Empereur sur l’Europe, sans apparemment s’apercevoir qu’ils avaient tous la particularité de l’avoir été après l’échec de Russie. Dans le traîneau qui le conduisait sur la route de Varsovie alors qu’il avait dû abandonner Moscou en flammes, il déclare à Caulaincourt que toutes les mesures qu’il avait dû prendre, pour lutter contre l’Angleterre, en apparence dommageables à l’économie des États du continent, n’avaient eu qu’un seul but, créer sur celui-ci « une industrie qui l’affranchît de celle de l’Angleterre et qui fût, par conséquent, sa rivale ». Et l’Empereur, d’ajouter que c’était une entreprise que lui seul pouvait exécuter.

Au retour de l’île d’Elbe, dans le préambule à l’Acte additionnel aux constitutions de l’Empire, il fera, le 22 avril 1815, profession de foi européenne, en évoquant ce qu’il avait voulu faire sous le Consulat et l’Empire « Nous avions alors pour but d’organiser un grand système fédératif européen que nous avions adopté comme conforme à l’esprit du siècle et favorable aux progrès de la civilisation ».

À Sainte-Hélène il a, après coup, exposé le plan qui aurait été le sien à l’époque de ses succès. Le 24 août 1816, déplorant son rêve effondré d’une paix, dictée dans Moscou, qui eût « terminé ses opérations de guerre », il ajoutait : « le système européen se trouvait fondé, il n’était plus question que de l’organiser… je devenais l’arche de l’ancienne et de la nouvelle alliance, le médiateur naturel entre l’ancien et le nouvel ordre de choses ».

Selon Las Cases, il passa ensuite en revue « ce qu’il eût proposé pour la prospérité, les intérêts et le bien-être de l’association européenne ». Il eût voulu « les mêmes principes, le même système partout… une même monnaie sous des cours différents, les mêmes poids et mesures, les mêmes lois, etc. ». « L’Europe, disait-il, n’eût bientôt fait de la sorte, véritablement, qu’un même peuple et chacun, en voyageant partout se fût toujours trouvé dans la patrie commune ».

Le 11 novembre 1816, il ajoute qu’il aurait voulu réaliser l’unité des Allemands, celle des Italiens et, ensuite, unifier la grande famille européenne, réaliser les États-Unis d’Europe ». « C’est dans cet état de choses qu’on eût trouvé plus de chance d’amener partout l’unité des codes, celle des principes, des opinions, des sentiments, des vues et des intérêts. Alors peut-être à la faveur des lumières universellement répandues, devenait-il permis de rêver, pour la grande famille européenne, l’application du congrès américain, ou celle des Amphictyons de la Grèce ; et quelle perspective alors de force, de grandeur, de jouissance, de prospérité ! Quel grand et magnifique spectacle ! ». On remarquera l’importance que Napoléon accorde aux problèmes économiques. Il donne pour mobile à la politique qui l’a conduit au désastre le but, en apparence désintéressé, du développement industriel du continent, permettant à celui-ci de tenir tête à l’impérialisme économique britannique. À Sainte-Hélène, sans cacher qu’il avait voulu faire jouer à la France un rôle hégémonique, il répètera qu’il a cherché à associer les Européens pour assurer leur prospérité et le succès de leurs intérêts.

On remarquera que les seules institutions économiques communes à toute l’Europe auxquelles, selon lui, il aurait pensé, se bornent à un système unique des poids et mesures, à une parité fixe entre les différentes monnaies et aux mêmes lois pour réglementer le commerce et l’industrie. Il n’est absolument pas question d’une union douanière. C’est dire que, dans ces intentions, exposées après coup il faut le répéter, l’intégration économique demeurait quelque chose de vague ne devant pas être poussée très loin. Il en était de même de l’intégration politique et de l’intégration militaire car il ne vint jamais à l’idée de Napoléon, dans quelque domaine que ce soit, d’installer des institutions supranationales.”



Jean-Guy Giraud 05 - 05 - 2021

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