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LIBÉRER LE FINANCEMENT DE L’UNION



Depuis ses origines, le système décisionnel de l’UE en matière budgétaire est demeuré en marge de la méthode et de la règle communautaires basées aujourd’hui sur la co-décision Parlement/Conseil et sur le vote à la majorité qualifiée dans chacune de ces deux instances. En effet, tant l’adoption du cadre financier pluriannuel (CFP) que la décision de création ou de modification des ressources propres (DRP) exigent d’une part un vote unanime du Conseil et d’autre part limitent le rôle du Parlement. Plus précisément, ces deux décisions sont prises selon une « procédure législative spéciale » :

  • le CFP est fixé par le Conseil statuant à l’unanimité après approbation du Parlement qui se prononce (par un vote bloqué) à la majorité de ses membres (et non des votants) art. 312 TFUE,

  • la DRP est adoptée par le Conseil statuant à l’unanimité après simple consultation du Parlement et cette décision doit encore être approuvée par tous les Etats membres selon leurs règles constitutionnelles propres (le plus souvent un vote du Parlement national) art. 311 TFUE.

On ajoutera que la DRP fixe non seulement la nature des ressources autorisées mais aussi le « plafonds » de ces ressources cad le montant maximum des dépenses (longtemps bloqué à 1% du PIB del’UE et aujourd’hui à 1,4%). Les Etats membres, maitres des Traités, ont ainsi entendu demeurer également les maitres du budget de l’Union. Ils ont considéré que les dépenses et les recettes communautaires devaient rester sous le contrôle étroit de tous et de chacun d’entre eux. Et ils ont, pour cela, strictement encadré le rôle du Parlement dans ces deux domaines. Ce faisant, ils se sont d’une part exposés à prendre ces décisions sur la base du plus petit dénominateur commun (cad du moins-disant des Etats membres) et ils ont d’autre part porté atteinte au principe du consentement démocratique à l’impôt et à la dépense publique. Enfin, ils ont rendu particulièrement ardue la prise de décision en l’exposant à un risque élevé de blocage. Plus récemment, le Conseil européen s’est lui-même emparé de ses deux questions en politisant à l’excès le débat, excluant les autres Institutions et s’attribuant un rôle quasi-législatif en contradiction avec la lettre et l’esprit des traités. Le résultat de cette approche plus intergouvernementale que communautaire a été d’une part la stagnation relative du budget de l’UE et d’autre part sa dépendance (à 80%) de subventions (« contributions » ) provenant des budgets nationaux et autorisées dans ce cadre. Cette régression (1) de l’autonomie budgétaire de l’UE - alors que ses compétences n’ont cessé de s’étendre - est en contradiction avec le principe même de la construction politique de l’Europe et constitue un frein au développement progressif de ses activités. À l’occasion du plan de relance post-COVID, un mode innovant et prometteur de financement a certes été mis en oeuvre par recours à l’emprunt - mais cette opération a été qualifiée de « limitée, temporaire et exceptionnelle ». On voit ainsi que la réforme des procédures budgétaires de l’UE devrait être une des priorités de la réforme d’ensemble actuellement en débat entre les Institutions et les Etats membres. L’objectif devrait être de normaliser ces procédures en leur appliquant - tant pour le CFP que pour la DRP - la méthode générale de co-décison majoritaire Parlement/Conseil, éventuellement en prévoyant des majorités renforcées au sein de ces deux Institutions (2). Ainsi serait libéré, facilité et démocratisé le mode de financement de l’Union. Une réforme d’ailleurs incontournable dans la perspective d’un nouvel élargissement à une dizaine de nouveaux Etats membres. Jean-Guy Giraud. 14 - 05 - 2023

_________________________________ (1) Jusqu’en 1988, le budget était négocié chaque année dans le cadre d’une co-décision entre le Conseil et le Parlement et était principalement financé par des ressources propres à l’Union (notamment par un taux de TVA fixé annuellement en fonction des besoins de dépense). (2) La commission des budgets du PE a proposé une telle réforme dans le cadre d’une prochaine révision des Traités (https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/BUDG-AL-742659_FR.pdf)

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