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LE PAQUET BUDGET/PLAN DE RELANCE ET LA RÉPUTATION FINANCIÈRE DE L'UE



Une des questions abordées - mais non réglées - lors de l’adoption duPaquet Budget/Plancede relance du 20 Juillet 2020 fut celle dite du “respect de l’état de droit”par les Etats membres.  



Le respect de l’état de droit en matière budgétaire

En dépit de la clarté de la proposition telle que formulée (dès 2018) par la Commission (1), une grande confusion a régné lors du débat - qui s’est propagée dans la presse et l’opinion. 


Il s’agit en effet très spécifiquement du respect de l’état droit dans “la protection du budget de l’Union” - et non pas pour l’ensemble des “valeurs” répertoriées dans l’article 2 TUE ( “dignité, liberté, démocratie, égalité, droits de l’homme", etc …). 


Confusion d’ailleurs entretenue par certains Etats pour qualifier la mesure d’atteinte générale à leurs ordres juridiques et leur indépendance. 


Les garanties légales d’une bonne gestion financière

Dans l’utilisation des fonds considérables mis à disposition des Etats par l’UE - notamment suite au Plan de relance - les Etats membres doivent "garantir une bonne gestion financière”. Pour cela ils doivent disposer à la fois :


  • d’une législation complète et appropriée en la matière,

  • d'autorités publiques qui agissent en conformité avec le droit,

  • de la capacité de mener des enquêtes et des poursuites conduites par les services répressifs,

  • d'un système de contrôle juridictionnel exercé par des tribunaux indépendants et en mesure de remplir correctement leurs fonctions (ressources et procédures adéquates),

  • de mécanismes de prévention, de sanctions effectives et dissuasives et de possibiltés de recouvrement de fonds indûment versés,


Un vrai problème … renvoyé à plus tard

En résumé, "il existe un lien manifeste entre le respect de l’état de droit (considéré sous cet angle) et une exécution efficace du budget de l’Union, conformément aux principes de bonne gestion financière".

Et c’est parce que - comme l’écrit pudiquement la Commission - “plusieurs évènements ont mis à jour des faiblesses généralisées dans l’équilibre des pouvoirs dans certains Etats membres” que la Commission a estimé nécessaire de proposer le règlement ad hoc du 2 Mai 2018. 

Et c’est cette proposition - fortement soutenue par une majorité d'Etats mais repoussée par certains autres - qui a provoqué un vif débat au sein du Conseil européen des 17/20 juillet 2020.


On sait que, dans ses conclusions sur ce point, le Conseil a renvoyé à plus tard l’adoption d’un règlement ad hoc en se limitant à la formule suivante:

  1. "The European Council underlines the importance of the protection of the Union's financial interests. The European Council underlines the importance of the respect of the rule of law.

  2. Based on this background, a regime of conditionality to protect the budget and Next Generation EU will be introduced. In this context, the Commission will propose measures in case of breaches for adoption by the Council by qualified majority. The European Council will revert rapidly to the matter."


Une question systémique qui met en jeu la réputation financière de l'UE

L’occasion se présentera donc ultérieurement de débattre du détail de ce règlement. Pour l’instant quelques remarques générales peuvent être faites:

  1. la fraude contre les fonds communautaires est devenue (dans certains Etats au moins) un phénomène systémique qui nuit non seulement aux "intérêts financiers" de l’UE (en fait ceux des contribuables) mais surtout à l’image de l’UE dans l’opinion (2),

  2. au moment où l’UE s’apprête à solliciter à grande échelle les marchés pour alimenter le grand emprunt du Plan de relance, il importe de restaurer sa réputation financière - cad celle des Etats responsables de l’utilisation des fonds - en matière de bonne gestion et de lutte contre la fraude ou la corruption,

  3. dans l’utilisation des fonds qui leur sont confiés, la responsabilité et l’”accountability” des Etats membres apparait avec encore plus d’évidence et d’immédiateté que dans le domaine des autres composantes de l’état de droit,

  4. le remède global et drastique proposé par la Commission (un constat de “carence généraliséee de l’état de droit" dans un Etat membre) représente une arme de dissuasion massive dont l’adoption et l'utilisation risquent de s’avérer problématiques (comme l’est, dans le même registre, celle du fameux article 7 TUE),

  5. plus modestement, des moyens devraient aussi être trouvés pour assurer - au niveau européen - un contrôle en continu de l’utilisation des fonds de chaque programme et ligne budgétaire : vaste chantier certes mais probablement incontournable au vu de la situation présente.


Jean-Guy Giraud  25 - 07 2020

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