Cette question peut-être légitimement posée à la lumière (?) des tractations - abondamment relayées par la presse - qui accompagnent l’exercice quinquennal de renouvellement de la Commission (Président puis collège).
Il apparait en effet que les partis politiques européens et les groupes politiques correspondants au sein du Parlement y jouent - ou tentent d’y jouer - dans une certaine confusion aggravée par de fortes rivalités un rôle croissant bien au delà des dispositions prévues par les traités.
Dans une précédente note (1), nous avions essayé de montrer comment les Gouvernements des États membres avaient eux mêmes quelque peu dénaturé la règle et l’esprit des traités lors des procédures de nomination du Président, des membres du collège et jusqu’à l’organisation interne de la nouvelle Commission. Dérive susceptible d’affecter en premier lieu l’indépendance de l’Institution mais aussi, le cas échéant, les qualités exigées de ses membres (compétences et engagement), l’autorité du Président, l’unité au sein de l’équipe et la répartition optimale des tâches (« portefeuilles »).
Mais il semble à présent que les partis politiques européens interviennent eux aussi de façon croissante dans l’ensemble de cet exercice en s’efforçant de favoriser « leurs » candidats respectifs. Se basant sur les scores réalisés lors de l’élection du Parlement, ils militent et font pression à tous niveaux (national et européen) pour influencer en amont des choix qui ne sont pas de leur compétence mais que les groupes politiques au sein du PE peuvent censurer in fine.
Et cette intervention s’avère inévitablement confuse à l’image de la configuration par nature complexe de partis multinationaux hétérogènes dont les composantes nationales sont elles-mêmes souvent instables. De facto, les partis européens - sous la forme de confédérations encore embryonnaires de partis nationaux - souffrent des mêmes maux que ces derniers dans la plupart des États membres : désaffection de l’opinion, faible audience, rivalités internes, financement incertain, extrémisation des positions, etc …
De sorte que, combinée à celui des gouvernements, l’ « entrisme » des partis dans la désignation de la Commission ajoute à la confusion, nuit à l’image des Institutions dans l’opinion et surtout ne crée pas les conditions optimales pour un fonctionnement efficace de la gouvernance européenne.
Il demeure certes possible que, conscients de leurs responsabilités respectives, les gouvernements en place et les principaux partis/groupes politiques européens parviennent tout de même à un compromis sans provoquer une bien inopportune crise institutionnelle. Et surtout que ce compromis se fasse sur la base d’une orientation pro-européenne combinée du Conseil européen, du nouveau Parlement et de la nouvelle Commission
Mais il sera peut-être ensuite utile de réfléchir à une meilleure adaptation pour l’avenir du rôle des partis politiques européens au cadre spécifique de la gouvernance européenne - distincte de celle des États.
En l’absence de dispositions ad hoc des traités, ce rôle reste à définir précisément en se basant sur le seul article qui y fait référence : « Les partis politiques au niveau européen contribuent à la formation de la conscience politique européenne et à l’expression de la volonté des citoyens » Art. 10 § 4 TUE … Article par ailleurs de valeur constitutionnelle puisqu’il établit le principe selon lequel « le fonctionnement de l’Union est fondé sur la démocratie représentative » - dont les partis politiques sont un indispensable maillon.
Jean-Guy Giraud
21 - 06 - 2024
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