L’UE va t-telle pouvoir adopter une position commune sur le boycott des JO d’hiver en Chine ?
On sait que, pour protester contre la répression de certaines minorités sur le territoire chinois, plusieurs Etats ont d’ores et déjà décidé un “boycott diplomatique” des Jeux - cad d’une représentation limitée aux seuls athlètes et excluant donc tout représentant officiel, politique ou diplomatique. Il s’agit notamment, à ce stade, des pays suivants : USA - Canada - Australie - Nouvelle Zélande - Royaume Uni -...
Plusieurs Etats membres de l’UE ont déclaré vouloir ce joindre à ce boycott dont l’Allemagne , les Pays Bas, la Lituanie, ....
Trois Etats membres ont au contraire refusé ce boycott dont la Hongrie et la Pologne - la Grèce et l’Italie paraissant aussi plutôt opposées.
La France n’y semble pas non plus favorable mais elle a appelé à une position commune de l’UE.
À une très forte majorité, le Parlement européen a incité tous les Etats membres à adopter une position favorable au boycott (1).
Cette affaire - au delà de son caractère politique très “lourd" du fait des menaces de rétorsion exprimées par la Chine - pose aux Institutions de l’UE un problème pratique et emblématique de “gouvernance” .
Les questions suivantes se posent :
cette question entre-t-elle dans les compétences de l’UE ? Sans doute oui s’agissant d’une action de type diplomatique pouvant relever de la "politique extérieure” l’UE.
quelle Institution peut prendre une décision en la matière ? En principe, le Conseil Affaires étrangères sur proposition du Haut Représentant.
quelle majorité est-elle nécessaire pour statuer ? Unanimité ou majorité qualifiée ? Selon l’article 31 TUE, les deux possibilités existent selon la qualification de la décision de boycott (décision de principe ou d’application).
En pratique, l’ affaire sera sans doute portée au niveau du Conseil européen et toute décision éventuelle devrait donc recueillir l’unanimité des 27.
Dans le contexte politique international actuel, il est peu probable que cette unanimité soit atteinte. Dès lors, il appartiendrait à chaque Etat membre de se déterminer et d’agir isolément. Dans une affaire aussi médiatisée, cette incapacité de l’Union à adopter une position commune serait évidemment fâcheuse pour son image tant en Europe que dans le monde.
Pour éviter une situation de blocage, une solution “pragmatique” pourrait être envisagée dans l’hypothèse (plausible) où une majorité significative d’Etats membres serait favorable à un boycott:
un tour de table (ou un vote) au sein du Conseil (européen) ferait apparaitre qu’une majorité qualifiée (55% du nombre des Etats représentant 65% de la population de l’UE) est en faveur d'une modalité précise de boycott,
les Etats (minoritaires) hostiles au boycott pourraient ne pas participer à la décision et s’abstenir lors du vote.
Dès lors, la décision favorable au boycott (et engageant les Etats l’ayant votée) pourrait être présentée comme une décision engageant l’Union au sens de l’article 31§1TUE.
Les Etats opposés au boycott resteraient libres de leur décision de ne pas participer au boycott - ou de revoir ultérieurement leur position.
Sur le plan strictement juridique, la conformité d’une telle procédure avec les règles du traité (not. l’article 31TUE) pourrait être soutenue.
Du point de vue politique, elle serait facilitée si les “grands" Etats membres (Allemagne, France, Italie, Espagne) adoptaient la même position - dans la mesure où, au delà de leur poids diplomatique propre, ils représentent à eux quatre 58% de la population de l’Union (sur les 65% nécessaires).
Il existe d’ailleurs des précédents en la matière : à plusieurs reprises sur d’autres sujets de politique étrangère, une position d’un groupe majoritaire d’Etats membres a déjà pu être présentée par le Haut Représentant comme une position “de l’UE”. Si cette procédure devait être suivie dans le cas emblématique du “boycott chinois”, elle s’en trouverait renforcée voire légitimée.
Jean-Guy Giraud 10 - 12 - 2021
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