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L'UE DOIT RÉGLER LE PROBLÈME HONGROIS ... MAIS PAS TOUT DE SUITE



Les dérives des actuels dirigeants et du régime politique de la Hongrie s’aggravent et s’accélèrent.


Elles mettent en même temps en péril la survie du système démocratique du pays et la stabilité de l’Union européenne.


Le Parlement européen s’apprête à adopter ce 14 septembre un (nouveau) rapport explicite sur la violation grave et persistante par le gouvernement hongrois en place des valeurs fondamentales sur lesquelles repose l’Union. La procédure de sanction de l’article 7 TUE a déjà été initiée par le PE en 2018 : elle pourrait conduire jusqu’à exclure de facto la Hongrie du Conseil en y suspendant son droit de vote.


Cette suspension peut être décidée par le Conseil lui-même par un vote majoritaire à condition que le Conseil européen - sur proposition de la Commission - constate formellement et préalablement l’existence de la violation. Il est peu probable que le Conseil européen parvienne à un vote unanime sur ce point (not. du fait de l’opposition d'au moins un Etat membre - la Pologne). Mais le Parlement insiste pour que la Commission prenne ses responsabilités en soumettant officiellement l’affaire au Conseil européen.


De fait, le projet de rapport du PE est accablant. Il constitue un acte d’accusation minutieux et argumenté des violations de toutes sortes des valeurs de l’Union imputées au gouvernement hongrois (1). Il rappelle les multiples condamnations de la CJE et CEDH pour ces motifs et les refus répétés du gouvernement de respecter ces jugements.


A cette occasion, le Parlement renouvelle sa demande de révision de la lourde machinerie de l’art. 7 TUE afin de renforcer ses effets préventifs et correcteurs.



D’autre part, une procédure distincte est également en cours contre le gouvernement hongrois. Elle est relative à sa gestion des fonds qui lui sont attribués à travers le budget de l’UE. Elle est basé sur le nouveau règlement (entré en vigueur en Janvier 2021) qui conditionne le versement des crédits au respect de l’état de droit par les Etats. Dans ce cadre, la Commission a déjà décidé d’enclencher la procédure visant à un blocage total ou partiel de ces fonds.


Elle en effet établi d’une part que de nombreuses irrégularités ont été constatées et d’autre part que le système interne de contrôle budgétaire et financier de la Hongrie était inopérant. Le PE a, là aussi, exercé une forte pression pour que les mesures de protection des fonds européens soient effectivement mises en oeuvre par la Commission. Celle-ci a finalement averti le gouvernement qu’elle s’apprêtait à suspendre le versement d’environ 20% des crédits destinés à la Hongrie dans le cadre du budget de 2022 (2).


En même temps, la Commission a également retardé le versement des subventions et des prêts destinés à la Hongrie dans le cadre du Plan de relance post-Covid pour des raisons analogues


A ces accusations relatives aux valeurs de l’UE et à la gestion des fonds européens s’ajoute l’attitude politique non-coopérative voire déloyale du gouvernement hongrois sur des questions diplomatiques ou économiques majeures. Sans les détailler ici, on peut rappeler les vetos ou les refus unilatéraux relatifs à différentes questions telles que l’accueil des réfugiés, la taxation des multinationales (cf. accord de l’OCDE), les sanctions contre les oligarques russes, l’embargo sur le gaz russe, …



Au total, on voit bien la gravité systémique des différents entre le gouvernement hongrois et l’ordre communautaire dont les Institutions de l’UE sont chargées de la défense. Celles-ci hésitent encore entre l’ « appeasement » et le « containment ». Le Parlement insiste fortement en faveur de la seconde méthode. Le Conseil européen temporise et demeure en tout état de cause paralysé par la règle de l’unanimité. La Commission hésite à prendre ses responsabilités de gardienne des traités, sans doute par peur de déclencher une crise plus grave encore - et ce au lendemain d’élections qui ont reconduit à une forte majorité le gouvernement en place.


Il faut bien reconnaitre que la situation internationale de multi-crises (diplomatique, sécuritaire, énergétique, …) ne plaide pas pour l’ouverture d’un conflit interne à l’UE dont l’issue serait d’ailleurs incertaine. D’autant plus que le front des Etats favorables à des mesures énergiques tend à s’effriter au fil d’autres élections nationales (comme en Suède et probablement en Italie).


C’est sans doute pourquoi Commission et Conseil vont probablement accentuer leurs pressions sur le gouvernement hongrois mais reporter encore le déclenchement de sanctions effectives.



Jean-Guy Giraud 13 - 09 -2022

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(1) "Indépendance du système judiciaire - corruption et conflits d’intérêt - protection de la vie privée - atteintes à la liberté d’expression et au pluralisme des medias - liberté académique - liberté de religion - liberté d’association - droit à un traitement équitable - protection des minorités et des réfugiés - droits économiques et sociaux ». https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-9-2022-0217_EN.html#_section1

(2) le Commissaire au budget avait proposé une suspension de 70% des crédits et une étude juridique indépendante avait constaté qu’une suspension totale serait la plus appropriée. https://danielfreund.eu/wp-content/uploads/2022/07/100-suspension-Hungary.pdf

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