Les 18 et 19 novembre 2024, le Conseil Affaires Étrangères de l’UE devrait débattre une fois de plus de « la situation au Moyen Orient ». C’est à dire, en clair, de la « catastrophe humanitaire » (selon les termes utilisés par les représentants des NU) toujours plus meurtrière qui se développe à Gaza, en Palestine et au Liban du fait des bombardements et de l’invasion des troupes israéliennes.
Le HP Josep Borrell aurait l’intention de proposer à cette occasion une « suspension du dialogue politique » entre l’UE et Israel (1) après avoir, en vain, demandé une convocation du Conseil d’association (2). Cette demande serait motivée - au moins sur le plan juridique - par la violation par Israel des dispositions de l’accord avec l’UE relatives au respect du droit humanitaire.
Cette violation - quotidienne depuis plus d’un an - est largement documentée en images et en nombre de victimes (plus de 43.000 palestiniens) et de destructions de territoires entiers. Depuis plusieurs mois, elle s’est étendue toujours plus profondément en territoire libanais et s’est accompagnée de l’envoi de missiles vers la Syrie et l’Iran.
Si plusieurs résolutions du Parlement ont demandé une cessation des hostilités et un cessez-le-feu, elles n’ont pas explicitement exigé une rupture du dialogue UE/Israel ni une convocation du Conseil d’association. La Commission Von der Leyen n'a pas non plus pris d’initiative dans ce sens mais au contraire observé une grande réserve vis à vis du conflit.
Parmi le États membres, seules l’Espagne et L’Irlande ont expressément soutenu la position isolée du Haut Représentant - certains d’entre eux (notamment l’Allemagne) s’opposant carrément à toute initiative européenne mettant en cause la responsabilité du gouvernement israélien.
En résumé, l’Union n’a rien fait pour éviter 1. une aggravation de la situation humanitaire 2. une mise en cause de la Charte et des organes des NU 3. une extension internationale du conflit.
Une telle tétanie conjuguée à une telle omerta étonnent. L’Union a en effet coutume de prendre position, parfois sévèrement, à l’occasion de conflits de ce type - souvent moins meurtriers - partout dans le monde. Sur la crise ukrainienne, l’Union et ses États membres ont en particulier réagi fortement et pris des mesures sans précédent vis à vis de la Russie : blocus, sanctions, appui militaire, …
Ceci étonne d’autant plus que ce conflit «moyen oriental » peut avoir des répercussions directes ou indirectes sur l’Union elle même. Ses approvisionnements - notamment énergétiques - en provenance du Golfe pourraient être interrompus. Une implication militaire active de l’Iran exigerait cette fois une réaction européenne. Au sein même de certains États membres, des manifestations de protestation contre l’offensive israélienne pourraient prendre de l’ampleur et créer un climat interne déstabilisateur d’anti-sionisme voire d’anti-sémitisme.
Ce non-interventionnisme européen se situe dans le cadre d’une absence totale de perspective sur l’issue du conflit. On ignore en effet tout du « plan » qui pourrait être celui du gouvernement israélien en poursuivant et élargissant ce conflit. La solution des « deux États » longtemps prônée par les NU et par l’UE apparait de plus en plus illusoire et le destin de la population palestinienne sans autre perspective que le cantonnement forcé sur une partie réduite de la Palestine ou l’émigration en masse vers des pays voisins et/ou … vers l'Europe.
Au total, un bien mauvais départ vers la création d’une Europe « géo-stratégique »- selon l’expression de la Présidente Von der Leyen - vouée tant à la protection de ses intérêts propres qu’à la défense d’un ordre international régulé et pacifique. Il faudra donc peut-être attendre la réaction - imprévisible - de la nouvelle administration américaine pour que l’Europe soit éventuellement amenée à sortir de son actuelle aphasie.
Quoiqu’il en soit, il reviendra au Haut Représentant sortant le mérite non seulement d’avoir pris les responsabilités correspondant à son poste et à sa mission mais aussi d’avoir tenté de sauver l’honneur de l’Union face à une catastrophe humanitaire particulièrement douloureuse et aux conséquences incertaines (3).
PS:Une analyse de Euractiv sur le même sujet découverte après l’envoi de la note ci-dessus
Jean-Guy Giraud
17 - 11 - 2024
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