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L'AGRESSION RUSSE : LE CONSEIL EUROPÉEN FACE À UNE RESPONSABILITÉ HISTORIQUE



Au vu de l’ampleur croissante de l’ “invasion barbare” de l’Ukraine par la Russie - précédée par l’annexion de la Crimée, l’occupation de territoires dans le Donbass, la Géorgie et la Moldavie, l’emprise sur la Biélorussie, … - l’hypothèse d’une agression russe envers un Etat de l’UE limitrophe ne peut plus être écartée. Dans cette hypothèse, ce sont la frontière est de la Pologne (par où est acheminé du matériel militaire destiné aux forces ukrainiennes) ainsi que les très vulnérables trois Etats des Balkans qui semblent les plus exposés.


Dès lors, la question de la réaction de l’Union devant une telle éventualité ne peut plus être éludée.


Ces quatre Etats étant à la fois membres de l’OTAN et de l’UE, cette extension du conflit serait susceptible de déclencher les mécanismes de défense propres à ces deux organisations.


Bien que l’UE ne soit pas - à titre principal au moins - une organisation militaire, elle aurait une obligation politique, stratégique et même constitutionnelle d’intervenir - probablement en liaison avec les structures et capacités de l’OTAN. Cette obligation découle expressément du Traité de Lisbonne en vertu de l’article 42§7 TUE. (1)


Les modalités de cette intervention devraient être rapidement fixées par les gouvernements et Etats majors des Etats membres “disposant des capacités nécessaires” - et en fonction de la localisation, de la nature et de l’ampleur de l’agression. Cette concertation pourrait intervenir au sein des structures de défense déjà existantes au sein de l’UE qui se sont sans doute déjà préparées à cette éventualité. On peut imaginer qu’elle porterait en priorité sur l’intervention combinée de forces aériennes des Etats membres ayant conjointement décidé d’intervenir.


Lors du Conseil européen de Versailles, les 27 dirigeants avaient adopté une déclaration sans ambiguïté affirmant notamment que “la guerre d’agression menée par la Russie constitue un bouleversement tectonique dans l’histoire européenne”. La déclaration ajoutait que “la solidarité entre les Etats membres est exprimée à l’article 42 paragraphe 7 du TUE” (2)


Si cette agression devait s’étendre au territoire de l’Union, cette solidarité devrait inévitablement se concrétiser par une réaction militaire sur le terrain.


À ce stade, les dirigeants européens se sont abstenus d’envisager clairement cette hypothèse, se limitant à une simple référence - sans précisions - au texte des Traités dans leur déclaration de Versailles. Il en est de même pour le volet défense de la “boussole stratégique” de l’Union (pourtant actualisée suite au conflit) adoptée par le Conseil à l’unanimité.


Pour ce qui concerne l’OTAN, il se trouve fort heureusement que le Président américain en fonction, Jo Biden - contrairement à son prédécesseur Donald Trump - affiche une forte solidarité tant avec l’Ukraine qu’avec l'UE. Sa détermination est sans doute sincère - mais, du fait de l’imprévisibilité actuelle de la situation politique intérieure des Etats-Unis, l’intervention de troupes et d’armes américaines contre l’armée russe n’est pas véritablement garantie. De ce fait, toute intervention de l’OTAN dans le conflit demeure à ce stade incertaine. Parallèlement, l’intervention du RU n’est pas non plus garantie.


Dès lors, la détermination des Etats membres de l’UE de se porter eux mêmes et de leur propre chef au secours de l’un des leurs qui serait directement agressé, revêt une importance stratégique déterminante. Si elle était, pour la première fois, clairement affichée par les dirigeants européens, elle serait un élément fort de dissuasion vis à vis du pouvoir russe. Elle pourrait aussi avoir un effet d’entrainement vis à vis de l’OTAN dont 21 des 30 membres font partie de l’UE.


Le Conseil européen se réunit à nouveau, à Bruxelles, les 24 et 25 Mars. En même temps - et de façon tout à fait exceptionnelle - se réuniront le G7 et un sommet de l’OTAN pour débattre des réactions à l’agression russe.


À cette (ultime ?) occasion, les dirigeants de l’UE estimeront-ils opportun - et seront-ils en mesure - de déclarer solennellement leur détermination “à porter aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir à un Etat membre en cas d’agression armée sur son territoire “ ? Ou se limiteront-ils à nouveau à un simple renvoi au texte du Traité ?


Leurs diplomates et stratèges devront apprécier l’opportunité d’une telle déclaration, son effet utile et ses risques vis à vis du pouvoir russe à ce stade du conflit. Les dirigeants, eux, porteront la lourde responsabilité de la décision finale qui, le cas échéant, constituerait un marqueur de l’unité et de la solidarité de l’Union face à la pire des hypothèses imaginable.



Jean-Guy Giraud 23 - 03 2022

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