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BUDGET DE L’UNION : UN BIEN MAUVAIS DÉPART


Un des plus difficiles dossiers à négocier au sein de l’UE en 2018 sera celui  du budget - cad du cadre financier pluri-annuel (CFP), applicable à partir de 2021 pour une période de 5 ou 7 ans. La décision devra être prise en Mai 2019 au plus tard.

On sait l’importance de cette décision qui devra être prise - à l’unanimité (1) - par le Conseil après approbation par le Parlement européen (art. 312 TFUE). On sait aussi que, de facto, c’est au sein du Conseil européen que sera négocié le CFP (2)  Le commissaire en charge du budget - M. Oettinger - vient de donner quelques indications sommaires sur les premières orientations de la Commission (3).

Même émanant d’un responsable européen peu réputé pour son approche fédéraliste des questions européennes, ces orientations sont particulièrement décevantes. Constatant que l’accord unanime de 27 gouvernements sera difficile à obtenir, il appelle chacun à faire preuve de “flexibilité”.

Cette approche “flexible” se retrouve dans les différents volets des propositions de M. Oettinger que l’on peut ainsi résumer :  Sur le volume global du budget

Le budget global de l’UE pour la période serait inférieur d’environ 10% à celui du CFP précédent : 1,1% du RNB contre 1,22%.

Il resterait également largement en dessous du plafonds des ressources budgétaires de l'UE fixé en 2014 : 1,29%.

Ces réductions - en apparence mineures - provoqueraient en fait un important affaiblissement des moyens financiers globaux de l’UE pendant les 7 années concernées (4)   Sur les recettes

Le système actuel - dans lequel le budget est financé à 75% par des contributions nationales - est conservé (5).

La seule innovation est presque caricaturale : la création d’une taxe sur “la production de plastic” destiné aux emballages ...

Il est aussi proposé de reverser au budget de l’UE le produit de la taxe carbone actuellement affectée au budgets nationaux (6).

Les très documentées propositions du rapport Monti (créé par le PE)  - qui permettraient une refonte trop longtemps différée du système actuel de financement de l’UE - sont totalement ignorées (7).

Sur les dépenses

Tant les effets du Brexit (- 12 milliards E) que les nouvelles missions de l’UE devront être financés dans les limites prescrites.

Ce financement exigera, en priorité, des coupures budgétaires dans certains chapitres - notamment sur les deux principales politiques communes : la PAC et les Fonds de cohésion (régional et social). Seraient sanctuarisés les seuls programmes de bourses Erasmus et de recherche "Horizon post-2020”.

Le solde serait fourni par de “l’argent frais” cad par une augmentation des recettes (en l’occurrence des contributions nationales) dans les limites rappelées ci-dessus.

La partie du budget consacrée aux “dépenses administratives” devrait être maintenue dans l'immédiat - mais une nouvelle réduction des effectifs pourrait être envisagée ultérieurement suite au Brexit (8).

Sur la période concernée

Elle resterait fixée à 7 années (2021/2027) - donc toujours décalée par rapport aux mandats de la Commission et du Parlement (renouvelés pour 5 ans en 2019).  Toutefois, la synchronisation entre la durée du CFP et celle du cycle démocratique pourrait être envisagée … la prochaine fois. Au total donc, un bien mauvais départ pour des négociations dont le résultat sera pourtant déterminant pour “l’avenir de l’Union” (9).

CFP après CFP, ces négociations s’avèrent de plus en plus laborieuses - faisant presque regretter la période où le budget était adopté adopté sur base annuelle, en co-décision avec le PE et à la majorité des États (jusqu’en 1988). Il est vrai que l’UE ne comportait alors que … 12 États membres.

Certes, la copie de M.Oettinger pourra être revue par la Commission, notamment sous la pression du PE. Mais le commissaire n’ a pas rendu service à l’Union en plaçant la barre aussi bas.


Jean-Guy Giraud 16 - 01 - 2018

________________________________ (1) le traité prévoit que la décision puisse être prise à la majorité qualifiée - si le Conseil en décide ainsi (à l’unanimité …) (2) en pratique, le Conseil européen arrêtera le CFP jusque dans les moindres détails - contrairement à l’article 15 TUE qui lui interdit “d’exercer une fonction législative" … (3) https://ec.europa.eu/commission/commissioners/2014-2019/oettinger/blog/budget-matching-our-ambitions-speech-given-conference-shaping-our-future-812018_en (4) à noter toutefois le caractère imprévisible de l’évolution du RNB (5) rappelons que ce système constitue une violation flagrante du Traité qui prévoit que "le budget est, sans préjudice des autres recettes, intégralement financé par des ressources propres” (article 311 TFUE) (6) il n’existe pas, à cette heure, de taxe carbone européenne (7) notamment la proposition phare consistant à financer l’essentiel du budget sur un système modernisé de recette TVA . (8) pendant la période 2013/2017, les effectifs des Institutions ont déjà été réduits de 5% sur décision du Conseil européen (9) “Avenir” qui a pourtant fait l’objet de propositions ambitieuses de la part du Président de l’actuelle Commission - lequel, il est vrai, ne sera plus en charge des affaires à partir de fin 2019.  

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