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BREXIT : LA RÉSOLUTION JURIDIQUE DES LITIGES (PÊCHE / IRLANDE DU NORD)



L’actualité a mis en lumière deux conflits relatifs à l’application de l’Accord sur le Brexit en matière de pêche et d’intervention de la CJE. Il peut donc être utile de rappeler certaines dispositions de cet accord relatifs au règlement juridique des litiges. .



Un Comité et un Groupe d’arbitrage ...

L’Accord UE/UK sur le Brexit - “Accord sur le retrait du RU de l’UE”(1) - fixe notamment de façon très détaillée les procédures applicables pour :

  • superviser et faciliter l’application de l’accord au sein d’un "Comité mixte paritaire" assorti de "Comités spécialisés" pour certains secteurs (2),

  • régler les éventuels différents nés de cette application au sein d’un "Groupe spécial d’arbitrage” habilité à trancher le litige (3).

Ces procédures (de type classique) se retrouvent dans la plupart des accords internationaux souscrits par l’UE. Elles ont pour but de permettre aux parties d’examiner plus en détail les problèmes d’interprétation de l’une ou l’autre disposition de l'Accord (Comité mixte) et, si nécessaire, de les soumettre à une instance décisionnelle (Groupe d’arbitrage).



… régis par des procédures précises et contraignantes …

Ces procédures s’appliquent à l’ensemble des dispositions contenues dans l’Accord - y compris celles relatives à la pêche et à l’Irlande du Nord (4).


D’autre part, une procédure particulière est prévue lorsqu’un différent “soulève des questions sur le droit de l’Union” (5). Elle prévoit notamment que le Groupe spécial d’arbitrage "demande à la Cour de Justice de l’UE de statuer sur toute question concernant l’interprétation d’un concept ou d’une disposition du droit de l’Union”. L’Accord précise que toute décision de la CJE est dans ce cas contraignante pour le Groupe spécial d’ arbitrage.


On voit donc que tout a été expressément prévu pour que tout litige puisse être réglé sur une base juridique et impartiale afin d’éviter qu’il ne dégénère en un conflit d'ordre politique par nature plus difficile à maitriser.


On voit aussi que ces procédures mettent en présence deux parties - le Royaume Uni et l’UE - celle-ci étant officiellement chargée de “négocier “ au nom de tous les Etats membres. De sorte qu’aucun de ces Etats de l’UE ne devrait être amené à intervenir isolément à l’occasion d’un différent.


… négligées par les parties ...

Il est donc étonnant, à première vue, de constater que - dans les deux différents actuels relatifs à l’Irlande ou à la pêche - certains Etats membres aient pris publiquement position et tenté d’intervenir directement dans ces affaires.


En matière de pêche, on a assisté à une confrontation diplomatique bi-latérale assez violente entre le RU et la France qui complique sérieusement la négociation.


De même, dans l’affaire de l’Irlande, le RU a remis en cause certaines dispositions de l’accord lui-même pour des raisons essentiellement politiques. Il conteste notamment toute intervention éventuelle de la CJE dans l’interprétation de certaines des dispositions de l’Accord - intervention pourtant expressément prévue dans l’Accord signé par les deux parties (5).


On remarquera que ces deux litiges portent soit sur des enjeux de très faible importance matérielle (pêche) - soit sur une question pour l’instant hypothétique (Irlande).



pour des raisons de politique intérieure ?

Selon certains observateurs, des motivations de politique intérieure ne seraient pas étrangères aux positions prises par les deux Etats concernés. Ceci serait particulièrement vrai dans le cas du RU, prompt à réagir contre toute “ingérence” de la CJE dans son domaine d’action, fut-ce au prix d’une violation des ses engagements internationaux. Dans le cas de la France, le choix semble avoir été fait d’un affrontement direct avec le RU plutôt que de laisser à l’UE le soin de défendre sa position selon les modalités prévues par l’Accord.


Même si ces deux cas sont assez différents quant au fond, ils peuvent illustrer les problèmes que pose l’empiètement de la politique sur le droit. En l’occurence, les rédacteurs et signataires de l’Accord ont pris grand soin de bien “borner” la résolution de tout litige éventuel - précisément pour qu’il ne dégénère pas en conflit politique. Il faut donc espérer que les parties concernées acceptent finalement de respecter cet Accord et de s’en remettre aux mécanismes prévus pour résoudre juridiquement tout différent.




Jean-Guy Giraud 31 - 10 2021


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(2) articles 164 à 166 et Annexe VIII

(3) articles 167 à 181

(4) un "Comité spécialisé" sur l’Irlande du Nord est créé par l’Accord : article 14 du Protocole

(5) article 174

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