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BCE : “ LOBBYING INTERNALISÉ” ?


On sait que - comme les Gouvernements - les Institutions et Agences européennes s’appuient largement sur l’expérience et les avis des entreprises du secteur privé pour remplir leurs missions.

On a vu tout récemment le rôle joué par l’industrie chimique dans l’affaire du Glyphosate où le groupe Monsanto a fortement influencé les analyses et les conclusions contestées de l’Agence européenne de la sécurité alimentaire - via l’Agence allemande responsable de l’étude.  Dans le même ordre d’idées, une enquête de l’ONG “Corporate Europe Observatory” (CEO) a pu mettre en relief l’étroitesse des liens entre la BCE et les principaux établissements financiers privés.

Dans son indispensable recours à l'expertise externe pour informer ses positions, décisions, réglementations ou enquêtes - la BCE a mis sur pied quelques 22 “advisory groups” (regroupant plus de 500 entités ...) qu’elle consulte en permanence pour l’ensemble de ses activités.

Ces groupes de “conseillers” sont essentiellement constitués de représentants de la “finance industry” et en particulier des grandes banques européennes (Deutsche Bank, BNP, Société générale, Crédit agricole, Santander, Unicredit, …) - voire américaines (US Citybank, BNY Mellon).

Le rapport du CEO souligne les questions que soulève cette étroite collaboration quasi-institutionnelle :

  • ces banques sont, de par leur caractère systémique, soumises à la supervision de la BCE qui doit (notamment  par la voie des stress tests) s’assurer en continu de leur résilience financière,

  • leurs activités sont directement concernées par les réglementations que doit proposer ou prendre la BCE dans de nombreux domaines, 

  • elles peuvent être parties prenantes sur des dossiers controversés (tels que celui de la Financial Transaction Tax) - voire sur des affaires litigieuses telles que les “scandales” du Libor/Euribor ou du Forex,

  • même dans son rôle d’autorité indépendante responsable de la politique monétaire, la BCE peut-être amenée à consulter ces advisory groups sur les conséquences éventuelles de certaines de ses décisions ou politiques (par exemple en matière de "Quantitative Easing”).

En réalité, cette proximité entre l’Institution BCE et l’”industrie” financière est bien connue des responsables et des milieux concernés et largement considérée comme indispensable à l’information du régulateur/contrôleur public (1).

L’enquête du CEO a surtout le mérite de révéler (2) l’ampleur et l’organisation détaillées d’un phénomène qui a pu être caractérisé de “lobbying internalisé” - phénomène qui peut aussi permettre une certaine rationalisation et maitrise de l’influence des “conseillers”...

L’essentiel demeure que la BCE - autorité publique statutairement indépendante - conserve intacte, in fine, son autonomie de jugement et de décision (le fameux “firewall”) - tant vis à vis des gouvernements que de l’”industrie”.

En dernière analyse, il appartient à ses responsables - dirigeants et cadres (3) - d’assumer cette indépendance avec d’autant plus de rigueur que, par nature, l’Institution est largement soustraite à tout contrôle politique ou démocratique.

Jean-Guy Giraud  28 - 11 - 2017

____________________________________   (1) proximité que l’on retrouve, aux niveaux européen comme national, dans de nombreux autres secteurs d’activité. Dans le domaine financier toutefois, elle pose un problème particulièrement délicat.   (2) le CEO affirme avoir eu beaucoup de difficultés à obtenir de la BCE les informations qu’il a divulguées.  (3) le CEO a également souligné la pratique de “revolving doors” de hauts responsables entre l’industrie et la BCE. 

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