Dans une précédente note du 5 Août 2020 nous décrivions la contribution originale que certains Etats membres apportaient à la négociation/conclusion d’accords commerciaux de l’UE avec de grandes puissances économiques telles que le Canada. Etats qui, du fait de certaines erreurs juridiques de la Commission censurées par la CJE, ont finalement obtenu un droit de veto individuel sur ces accords.
Pour illustrer ce propos, nous recommandons la lecture de certaines des … 38 déclarations qui ont été annexées au texte de l’accord CETA.
L’autonomie décisonnelle revendiquée par les Etats
On remarquera que la plupart d’entre elles ont pour objet de préserver et garantir l “autonomie décisionnelle” des Etats dans la ratification et même la mise en oeuvre de l’accord :
le principe de l’unanimité s’appliquera également aux décisions prises par l’UE au sein du Comité mixte UE/Canada (n°19)
l’application provisoire de l’accord sera dénoncée en cas d’objection émise par une instance constitutionnelle nationale (n°20)
la conclusion de l’accord “n’a pas d’incidence sur l’autonomie décisionnelle” de la Pologne sur les questions de compétence nationale” (n°25)
aucune disposition de l’accord n’obligera la Belgique à modifier le systèmes d’assurance obligatoire belge (mutuelles) (n°28)
le Canada devra s’engager à une levée complète des obligations de visa concernant les citoyens roumains et bulgares (n°33/34/35)
sur 3 pages de texte, la Belgique explique que le refus de ratification de l’une quelconque de ses assemblées parlementaires des Régions ou des Communautés entrainerait l’échec du processus national … et donc européen (n°37)
sur 2 pages (seulement) la Grèce regrette que l’appellation du fromage “Feta” ne bénéficie pas d’une protection suffisante et prévient qu’ elle “assurera le suivi des engagements pris par la Commission à et égard qu’elle considère “comment autant d’éléments permettant une mise en oeuvre de bonne foi de l’accord”. (n°14)
etc ...
Étonnante énumération et litanie qui exprime la difficulté des gouvernements à percevoir la portée générale d’un accord de cette importance pour l’économie européenne - mais sans doute aussi une certaine frustration à n’avoir pu (pour des raisons évidentes) participer directement à la négociation menée par la Commission.
L’étrange préoccupation de protection … des fromages nationaux
Etonnante aussi est la polarisation de certains Etats - dans ces négociations - sur la protection de … leurs fromages nationaux : Stilton, Halloumi, Parmesan, Manchego, Feta, sans doute aussi Roquefort ou Brie, ont ainsi occupé une place importante dans leurs préoccupations et déclarations comme en témoigne cet article de Politico.
En dépit de ces considérations, on est heureux de constater que la première puissance commerciale du monde réussit tout de même à construire un réseau mondial inégalé d’accords couvrant pratiquement l’ensemble de ses partenaires. Accords dont le seul objectif est de défendre et promouvoir les intérêts globaux de sa propre économie - cad de ses propres Etats membres. Hâtons nous d’ajouter que ces accords prennent en compte - peut-être tardivement et encore insuffisamment - de nouveaux paramètres tels que la protection de l’environnement et les normes sociales.
Il s’agit ici de l’un des acquis principaux de la construction européenne qu’il serait regrettable de mettre en péril pour des raisons de souveraineté, d'idéologie ou de protections très sectorielles.
Jean-Guy Giraud 13 - 08 2020
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