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LE "COUP" DU BREXIT



LE "COUP" DU BREXIT

(09/05/17)

Nous recommandons vivement la lecture du bref entretien du professeur britannique A.C. Grayling avec le site Euractiv au sujet du Brexit (voir ci-dessus).

En résumé, ACG. estime que le Brexit est "politiquement illégitime" et que, lorsque ses effets commenceront à se faire sentir, les partisans de "Remain" l'emporteront.

Dans un style simple et factuel, il reprend les arguments suivants :

  • le vote "POUR" n'a représenté en définitive que 37% de l'électorat et 26% de la populatio

  • plusieurs groupes d'électeurs potentiels ont été écartés, notamment les expatriés, les plus jeunes (16/18 ans) et les citoyens de l'UE installés (et contribuables) dans le RU,

  • le referendum a été présenté initialement comme "consultatif" - mais son résultat considéré ensuite comme contraignant,

  • le camp du "POUR" s'est prévalu d'arguments reconnus ultérieurement comme faux,

  • l'opinion se serait d'ores et déjà retournée majoritairement contre le Brexit,

  • la perspective d'un accord garantissant une "deep and special relationship" entre l'UE et le RU serait illusoire : l'issue la plus probable serait celle d'un "hard Brexit",

ACG résume ensuite quels seraient les véritables bénéficiaires du Brexit : la classe sociale qui n'est pas concernée par les services publics d'éducation ou de santé - ni par la protection de l'environnement (1).

Ces différents arguments amènent A.C.G. à estimer que toute l'affaire du Brexit commence à ressembler à un véritable "coup" (d'État) dont l'objectif serait de transformer le RU en une sorte de Singapour - attirant, aux portes de l'UE, les entreprises et les capitaux dans une "low tax economy".

ACG reprend donc la thèse de la révocabilité - juridique et politique - du Brexit et conseille soit de le stopper dès à présent - soit de ménager un retour possible du RU dans l'UE à la lumière de ses premiers effets négatifs.

Bien que ACG soit considéré plus comme un "philosophe" - de modeste notoriété - que comme un économiste ou un politologue, ses arguments sont clairs et pragmatiques. Il est pour le moins désolant qu'ils n'aient pas été repris en temps utile par l'opposition institutionnelle au parti conservateur - cad le parti travailliste.

Jean-Guy Giraud 09 - 05 - 2017

(1) "If we move to a low-tax, low-regulation economy, we won’t have the tax revenue to pay for the National Health Service, a first-rate state education service, a welfare safety net or environmental protection. And the people who don’t care about those four things are the ones who have private health insurance, send their kids to private schools, are too rich to worry about the welfare safety net and don’t care about clean city air or clean water because they can afford to spend their time somewhere else.”

LE “COUP" DU BREXIT - suite 1

(27/10/17)

Dans un récent entretien avec l’excellent The Guardian (voir ci-dessus), le Chancelier Philip Hammond considère qu’en cas de “hard Brexit”, "le Royaume Uni pourrait “adopter un modèle économique différent du modèle européen et ferait tout pour conserver sa compétitivité”.

Venant d’une des personnalités du Gouvernement les plus modérées dans cette affaire, cette déclaration pourrait renforcer une thèse ( jusqu’ici peu documentée) selon laquelle une partie de l’establishment britannique souhaiterait - à l’occasion du Brexit - transformer le modèle britannique en une sorte de “corporate tax heaven”.

Certains observateurs parlent même - sans le démontrer - d’un “complot” visant à transformer le RU en une sorte de "Singapour européen” tout entier orienté vers le commerce et la finance, libéré de toutes les contraintes réglementaires et sociales aujourd’hui imposées par son appartenance à l’UE et attirant aux portes de l’Europe les entreprises et les capitaux dans une “low tax economy”.

S’il est indéniable que - pour des raisons idéologiques et/ou la promotion d’intérêts particuliers - une partie des milieux conservateurs et des affaires seraient favorables à une telle transformation, il reste à mesurer leur influence réelle dans le déclenchement du Brexit ainsi que dans le processus en cours de négociation.

De même, leur rôle dans l’”europhobisation” de la presse populaire ainsi que dans le financement de la campagne référendaire mériterait d’être approfondi.

Vaste enquête en vérité qui ne permettrait sans doute pas de confirmer explicitement la thèse d'un complot méthodique et organisé.

Toutefois, elle aiderait à mesurer les rapports de force au sein de la classe dirigeante britannique et à éclairer une question centrale : “Who gains from what in case of hard Brexit ?” .

Si ces questions pouvaient être éclaircies en temps utile, l’opinion publique serait mieux armée pour se prononcer sur l’issue du processus - à l’occasion de nouvelles élections ou même de nouveau referendum.

Jean-Guy Giraud 27 - 10 - 17

LE “COUP" DU BREXIT - suite 2

(03/11/17)

"Tory donors tell May: no deal is better than a bad Brexit"

En Avril 2017, la "Commission électorale” britannique - chargée notamment de vérifier le respect des règles (plutôt souples ...) de financement des campagnes politiques - a ouvert une enquête officielle sur au moins une source de financement de la campagne référendaire, celle du sulfureux milliardaire Aaron Banks (1) qui aurait contribué pour environ 4 millions de livres à la campagne en faveur du "LEAVE”.

Des recherches - effectuées notamment par deux ONG (Open Democracy et Transparency Int’l UK) - ont révélé que près de 75% des contributions (“donations and loans”) au LEAVE provenaient d’un petit groupe d’une dizaine de milliardaires, majoritairement propriétaires de fonds d’investissement ou de sociétés financières (2).

L’enquête de l’Electoral Commission porte également (principalement ?) sur d’éventuels interventions d’”origine russe” dans la campagne menée par certains partisans du “LEAVE” - étant donné que la surprenante concentration du groupe de donateurs n’est pas, en elle-même, contraire aux règles (3).

Parallèlement, il apparaitrait aussi que ces mêmes “généreux donateurs" mèneraient - au sein du parti conservateur - une campagne active en faveur du “Hard Brexit/No Deal” . C’est à dire une situation qui libèrerait les milieux d’affaires britanniques de toutes contraintes et règlementations européennes - ouvrant ainsi la voie vers une "low tax economy” et un “corporate tax heaven” (4).

Il faut donc s’attendre à de nouveaux développements dans cette affaire qui se développe en marge des négociations entre l’UE et le Gouvernement conservateur de Mme May - par ailleurs aux prises avec de sérieuses difficultés internes et confrontée à la crise politique d’Irlande du Nord.

JGG 03/11/17

(1) la réaction de l’intéressé a été aussi brève que tranchante : “Complete bollocks - I am terrified !”. Pour le Ministre des Affaires étrangères Boris Johnson : “There is not a sausage (of evidence)”.

LE “COUP" DU BREXIT - suite 3

(10/11/17)

C’est au tour de Michel Barnier lui-même de poser la question (voir extrait ci-dessous) : certains partisans du Brexit ne visent-ils pas, en fait, à transformer radicalement le modèle économique et social du RU ? N’ont-ils pas pour objectif plus ou moins dissimulé - depuis la décision même de lancer le referendum sur le Brexit - de faire basculer le Royaume vers une sorte de “low regulation, low tax, low social and environmental rules economy” ? Une forme de zone franche/"free zone” entièrement dédiée au libre exercice du commerce et de la finance - et dirigée, de facto, par un establishment conservateur à l’image des “généreux donateurs” de la campagne pour le LEAVE ?

Certains adeptes de la thèse du “Brexit coup” (voir notes ci-dessous) soulignent également les pressions américaines exercées sur le Gouvernement de Mme May par l’administration de Donald Trump (relevées par Michel Barnier dans l’extrait ci-dessous) ainsi que l’influence de milieux financiers anglo-saxons. Un parallèle avec l’épisode de libéralisation de l’économie britannique dans les années 80 sous l’égide de Mme Thatcher - et selon le modèle reaganien - est parfois établi, épisode qui avait (déjà) donné lieu à de fortes tensions entre le RU et l’UE et abouti à la concession d’un statut spécial pour le Royaume (notamment en matière budgétaire et monétaire).

Dans l’état actuel de désarroi de la classe politique et de la société britanniques (accentué par les révélations des “Papers” successifs), il est encore difficile de déterminer les chances de succès des partisans d’une “libération” pure et dure du RU vis à vis du modèle européen - libération dont les conséquences politiques iraient bien au delà des seuls aspects commerciaux. Désarroi qui est d’ailleurs susceptible de provoquer - au sein même du Royaume - une crise gouvernementale et de nouvelles élections lesquelles pourraient changer assez radicalement le cours du processus de Brexit.

JGG 10/11/17

"EU chief Brexit negotiator asks the UK whether it will diverge from the EU’s regulatory model"

"Speaking in Rome yesterday, the EU’s chief Brexit negotiator, Michel Barnier, called on the UK to clarify whether it intends to diverge from the EU’s regulatory model post-Brexit. He said, “When I hear the US Commerce Secretary Wilbur Ross in London calling on the British to diverge from Europe in order to better converge with others – towards less regulation on the environment, health, food, and no doubt also finance and fiscal and social [regulation] – I ask myself: The UK has chosen to leave the EU. Does it also want to distance itself from the European model?” He added, “Behind this European regulatory framework, there are fundamental social choices that we hold – the social market economy, health protection, food security, fair and efficient financial regulation…We will not accept this regulatory framework being called into question…We hold to it and we will defend it.” He said, “Of course, the UK is staying in Europe. But it is for the British to tell us whether they will continue to adhere to the European model. Their answer is important because it will direct the discussion on our future partnership and on the conditions of its ratification.”

LE COUP DU BREXIT - suite 4

13/01/18

Les négociations UE/UK sur le Brexit piétinent dangereusement alors que les délais prescrits pour parvenir à un accord se réduisent rapidement .

Le blocage est très largement dû à l’incapacité du Gouvernement de Mme May à s’accorder sur aucune des solutions possibles à présent clairement identifiées.

Cette incapacité semble principalement provoquée par la volonté d’une partie de l’establishment - au sein du Gouvernement et du Parlement - d’aboutir finalement à un "No Deal”- cad à une absence d’accord libérant entièrement le RU de tout lien institutionnel, juridique et politique avec l’UE. Establishment politique étroitement lié avec certains milieux d’affaires et de propriétaires (urbains et terriens) ancestraux ainsi qu’une partie des milieux bancaires (1) - contrôlant une large partie de la presse populaire traditionnellement eurosceptique voire europhobe.

Un observateur particulièrement averti et actif (2) du débat s’exprime ainsi :

The ultra Brexiters don’t actually want a deal.

They think any deal will entail acceptance of European standards on consumer protection, workplace rights, environmental standards and fair competition – the very things the neoliberal right hate about the rules for the European market and why they wanted to leave the EU in the first place.

No matter that a no-deal Brexit would leave a legal limbo for everything from airplane landing rights to citizens’ rights, and mean a sudden-death end to participation in EU agencies and programmes. No matter that it would mean immediate WTO tariffs on trade with Europe and dropping out of trade agreements with countries across the world that we currently have via the EU.

They don’t care.

For them, it’s a price worth paying to secure their ideological dream of a deregulated, low tax, low public service corporate free-for-all.

Théorie du “complot" (3), simpliste et réductrice ? Peut-être .

Mais le fait que des acteurs de la négociation aussi modérés que M. Michel Barnier évoquent ouvertement cette théorie donne tout de même à réfléchir.

JGG 13/01/18

(1) la position de la “City” étant, à cet égard, très ambigüe

(3) voir notes ci-dessous


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