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FUSION ALSTOM/SIEMENS : UN CAS D’ÉCOLE ?



Le projet de fusion des activités ferroviaires des sociétés Alstom (FR) et Siemens (AL) a créé - au moins en France - une polémique publique susceptible de déstabiliser la politique européenne de concurrence. Politique qui - depuis le referendum de 2005 sur le projet de Constitution de l’Union - a été prise en otage par les courants eurosceptiques et polémique qui pourrait renaître à l’occasion des élections européennes de 2019.

Les inhabituelles déclarations particulièrement robustes du Ministre français concerné (M. Bruno Lemaire) - mettant publiquement et ouvertement en cause les objections de la Commission à cette fusion - ont quelque peu dramatisé l’affaire.

Après une longue instruction, la Commission devrait décider en Février 2019 si elle confirme ou non ses objections au vu des aménagements au projet proposées par les industriels concernés.

Sans entrer dans le “détail” complexe de cette opération de fusion, on peut souligner quelques points pertinents :

  • tenue par les règles de confidentialité propres à ce type d’enquête, la Commission n’est pas en mesure de faire connaitre ses propres arguments,

  • l’autorité allemande de la concurrence a elle même soulevé des objections sur le projet,

  • cette fusion est principalement destinée à renforcer le poids des deux sociétés sur le marché international concerné (dominé par la Chine) mais pourrait aussi avoir des effets anti-concurrentiels en Europe,

  • par certains aspects, cette fusion pourrait s’apparenter à un montage financier (voire boursier) tout autant qu’industriel,

  • la réputation de ces deux sociétés a déjà été mise en cause dans plusieurs affaires récentes qui ont jeté le doute sur la nature et les procédés de réalisation de leurs projets de développement.

Plus largement, ce cas illustre le problème classique de la difficile combinaison entre :

  • d’une part, une politique industrielle volontariste encouragée par les pouvoirs publics (nationaux et européens) afin de lutter contre la désindustrialisation et de faire face à une compétition internationale accrue, notamment par la création de “champions européens",

  • d’autre part, une politique de concurrence protectrice (de la responsabilité des organismes indépendants de contrôle, nationaux et européens) visant à éviter la domination du marché par certaines grandes entreprises au détriment des autres et, finalement, des consommateurs.

Le sujet est d’actualité dans le cadre de la mise à jour de nombreuses politiques communes européennes pour la période 2021/2027 - parmi lesquelles figure la politique industrielle.

La Commission a fait connaitre ses orientations où elle préconise notamment une défense de l’industrie européenne par une plus grande ouverture du marché intérieur européen et une meilleure coordination/collaboration tant des autorités publiques que des entreprises elles-mêmes. Elle reste toutefois déterminée à exercer un contrôle rigoureux sur le maintien d’un pied d’égalité entre celles-ci (“level playing field”) en vue de préserver l’intérêt général tant de l’ensemble des opérateurs que du public.

Il est vrai que les pratiques commerciales de certains grandes puissances étatiques (comme la Chine) ou privées (comme les GAFA) ne s’encombrent guère de règles ou de considérations d’équité ou de loyauté. Et que l’Europe ne peut se permettre aucune naïveté ou angélisme dans cette véritable “guerre” commerciale planétaire. Mais, dans ce domaine comme dans d’autres, il est essentiel que l’Union - tout en préservant ses intérêts propres - protège aussi une certaine conception d’un ordre mondial basé sur le respect d’un minimum de règles et des valeurs.

En réalité, cette opposition revêt aussi un caractère un peu théorique au vu de la diversité de chaque segment de marché considéré et de la complexité des accords inter-entreprises sur les plans industriels, commerciaux et financiers. Chaque opération envisagée (par définition de grande ampleur) doit donc être considérée pour son mérite propre - sans que l’objectif de création de “champions” (plus ou moins viables) puisse l’emporter sur toute autre considération.

Exercice d’équilibre par nature délicat surtout lorsque des interventions gouvernementales au secours d’entreprises nationales viennent le bousculer.

C’est à la Commission- selon l’esprit et la lettre des Traités - qu’il appartient de l’effectuer en toute indépendance et rigueur.

Sur un plan plus personnel, c’est à l’actuelle Commissaire chargée de la concurrence - Mme Margareht Vestager - que revient cette tâche redoutable. Elle y joue à la fois sa réputation et son avenir politique européen (1). Le bilan de son action depuis le début de son mandat (2014) plaide plutôt en sa faveur.

Jean-Guy Giraud 19 - 01 - 2019

(1) https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post-unique/2018/09/03/MARGRETHE-VESTAGER-UNE-INTRUSE-DE-RÊVE-


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