Ce 10 Décembre 2018, la Cour de Justice européenne vient de statuer que "le RU est libre de révoquer unilatéralement la notification de son intention de se retirer de l’Union européenne”. (1)
Elle précise que “une telle révocation, décidée dans le respect de ses propres règles institutionnelles, aurait pour effet que le RU resterait dans l’Union dans des termes inchangés quant à son statut d’État membre”.
Elle confirme implicitement que le Parlement britannique - lorsqu’il sera amené à se prononcer sur l’accord de retrait - disposera de trois options, à savoir 1. le retrait sans accord 2. le retrait avec un accord 3. la révocation de la notification de l’intention de retrait et le maintien du RU dans l’Union.
Cette décision confirme les conclusions de l’Avocat général ainsi que l’opinion d’une large majorité d’observateurs.
Intervenue selon la procédure d’urgence, elle a pour mérite de clarifier le débat qui s’engagera aux Communes dès le 11 Décembre.
Et elle a pour effet indirect de conforter la position du fort courant d’opinion qui milite au RU pour un “second choice” sur le Brexit - éventuellement par la voie d’un nouveau referendum.
Par ailleurs, cet arrêt suscite quelques remarques complémentaires :
l’arrêt a été pris par la Cour pleinière cad par l’ensemble des juges qui la composent, ce qui ajoute à l’autorité (morale) de la décision,
le droit de retrait est un droit souverain d’un État membre : cette même souveraineté s’applique au droit de révocation qui ne peut donc être conditionné à une approbation du Conseil européen,
la Cour a donc ainsi écarté d’un revers de main l’argument contraire de la Commission. Il est d’ailleurs étonnant que le service juridique de cette Institution ait soutenu une telle thèse dont les bases juridiques - sinon politiques - s’avéraient très incertaines.
le droit de révocation doit être considéré en liaison avec certains objectifs majeurs du Traité tel que celui fixé à l’article 1 TUE : “la création d’une union sans cesse plus étroite entre les peuples d’Europe”. Cette précision apportée par la Cour - à la limite de l’obiter dictum … - est significative : on se souvient en effet que la portée de ces termes avait été quelque peu édulcorée par le Conseil européen, précisément à l’occasion de l’accord du 19/02/2016 visant à apporter des concessions au RU avant le referendum sur le Brexit (2),
la Cour précise que la révocation ne peut être qu’inconditionnelle cad confirmer l’appartenance de l’État concerné à l’UE dans des conditions inchangées. Ce qui semble exclure toute négociation préalable de conditions posées par le RU pour confirmer éventuellement la révocation du retrait,
la Cour s’est expressément référée aux travaux préparatoires de la Convention qui avait “imaginé" l’article 50 - même si le texte lui-même du projet de Constitution européenne n’a pas été adopté.
C’est donc de façon assez théâtrale que la Cour ouvre - à la veille même du débat aux Communes - cette porte de sortie (ou plutôt de retour) à la question du Brexit. Ce faisant, elle se limite à accomplir son rôle institutionnel d’interprétation des traités sur une question au demeurant assez claire.
Jean-Guy Giraud 10 - 12 - 2018