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En application de l’article 48§2 TUE, le Parlement européen a adopté le 22 Novembre 2023 un « projet tendant à la révision des traités ».


Conformément à ce même article, le PE a transmis ce projet au Conseil et la présidence (espagnole) du Conseil s’est engagée à le mettre à l’ordre du jour de la prochaine réunion.


Le Conseil devra alors - sans débat et sans délai - transmettre le projet au Conseil européen.


La prochaine réunion du Conseil européen est fixée aux 14/15 décembre 2023.


Pour l’instant, le projet ne figure pas à son ordre du jour - bien que la question de l’élargissement (étroitement liée à celle de la révision des traités) y soit inscrite.


Il est probable que le PE interviendra auprès du Président du Conseil européen afin que - conformément à l’article 48 TUE - celui-ci soit saisi du projet dans les meilleurs délais.



Un projet global de révision

Rappelons que le projet proposé par le PE a un caractère global - cad qu’il recense systématiquement la quasi-totalité des modifications nécessaires pour permettre un meilleur fonctionnement de l’UE.


Il entend tenir compte des insuffisances constatées du Traité de Lisbonne signé en 2007 - conçu pour une Europe de 17 membres et dans un contexte interne et externe largement modifié lors des quinze dernières années.


Il s’efforce également de prévoir les nouvelles modifications de la gouvernance européenne nécessitées par la perspective du nouvel élargissement programmé à 8 ou 10 nouveaux États membres.


En quelque sorte, le PE propose une adaptation des traités permettant à une UE 35/37 de poursuivre la construction européenne dans un monde largement nouveau.


Ce projet se distingue ainsi d’autres propositions (gouvernementales ou académiques) qui se limitent à discerner les seules réformes sectorielles jugées possibles dans le contexte politique du moment.


Tout l’intérêt de la proposition du PE est donc de présenter clairement et de façon exhaustive l’ensemble des réformes jugées objectivement nécessaires - mettant ainsi l’ensemble des États membres devant leur responsabilité.



Quelles chances d’aboutissement ?

L’article 48 TUE prévoit que le Conseil européen « consulte » le Parlement et la Commission sur les modifications proposées. À ce stade, la position de la Commission est attendue avec beaucoup d’intérêt …


Sur ces bases, le Conseil européen devra ensuite décider d’enclencher - ou non - la première étape de la procédure propre de révision : la convocation d’une Convention composée de représentants des trois Institutions ainsi que des gouvernements et parlements nationaux.


Cette décision est prise à la majorité simple des États membres - cad par au moins 14 votes favorables sur 27.


Un vote positif du Conseil européen est donc possible - au moins sur le principe d’une révision dont l’ampleur dépendra des travaux au sein de la Convention.


Ce n’est qu’ensuite que le projet (établi par la Convention) est susceptible de se heurter à la règle redoutable de l’unanimité : pour l’adoption du projet par la Conférence des représentants des gouvernements et pour la ratification par chacun des États membres.


On sait que le Traité de Lisbonne a pu franchir tous ces obstacles - après que projet original de "Constitution européenne" ait échoué (notamment suite au referendum négatif en France). On sait aussi que le Traité a finalement repris très largement les principales dispositions du projet de Constitution.



Quelques handicaps à surmonter

Le contenu même du projet tel que rédigé par la commission compétente (AFCO) est fidèle à l’objectif fixé : énumérer toutes les modifications jugées nécessaires.


Toutefois, le vote en pleinière s’est avéré décevant : la majorité obtenue n’est que de 291 voix pour / 274 voix contre / 44 abstentions.


Ceci est principalement dû à une insuffisante préparation du vote par les groupes politiques - notamment par le PPE dont la majorité des membres ont voté contre ou se sont abstenus (1).


D’autre part, la pleinière n’a pas repris certains des amendements importants proposés par AFCO (2).


Enfin, tant les travaux de l’AFCO que le vote du PE se sont déroulés dans une quasi clandestinité : aucun effort n’a été entrepris par les groupes ou par l’Institution elle-même pour en assurer la publicité auprès de la presse et de l’opinion. Situation paradoxale - et à vrai dire incompréhensible - pour un projet d’une telle envergure !


Ces handicaps ne faciliteront pas la prise en considération sérieuse du projet par le Conseil européen.



La Réforme s’imposera dans la campagne électorale européenne

Toutefois, il est encore possible de faire du thème de la révision des traités un des sujets majeurs du débat électoral européen à partir de Janvier 2024. C’est un choix politique que devront faire les groupes politiques européens, les partis nationaux et les gouvernements.


Au delà de sa technicité, ce projet pourrait devenir l’emblème de la Réforme nécessaire de l’Union et coaguler les débats autour de ce thème. En clair : les citoyens veulent-ils ou non renforcer l’Union en lui donnant de nouveaux moyens d’action ? Veulent-ils aussi que leurs élus au Parlement européen disposent de plus de pouvoirs de contrôle sur la Commission et le Conseil ? Etc …


Vouloir dissimuler ou marginaliser ce sujet auprès des citoyens serait une grave erreur politique - ou même tactique, la campagne risquant alors de se polariser sur des questions de politique intérieure.




Quoiqu’il en soit, l’affaire est lancée : le Parlement a pris sa responsabilité vis à vis des autres Institutions, des Gouvernements, des citoyens et, à vrai dire, de l’ensemble de l’Union.


Les conclusions de la « Conférence sur l’avenir de l’Europe » ont montré que la Réforme était pour l’opinion un préalable à la poursuite du projet européen.


Le PE a rempli son devoir en proposant sa conception de la Réforme.


La parole est à présent à la Commission puis au Conseil européen.


Jean-Guy Giraud

29 - 11 - 2023





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(1) Vote PPE : 46 voix pour / 80 voix contre / 26 abstentions (à noter le vote négatif de tous les membres français du groupe, affiliés au parti LR)

(2) notamment la suppression du vote à l’unanimité dans certains secteurs clés (fiscalité, politique de défense, …), la création d’un referendum européen, etc … Ces amendements pourraient toutefois être repris à un stade ultérieur de la procédure





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