- giraudjeanbaptiste0
- 15 sept.
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La situation dramatique de la population palestienne à Gaza n’est trop souvent exposée qu’à travers des statistiques globales qui ne permettent pas de réaliser l’intensité concrète des souffrances individuelles ou familiales.
Cet article de La Croix du 13 septembre 2025 fournit le témoignage saisissant d’une famille palestinienne bloquée à Gaza dans les décombres et sous les bombardements :
À Gaza-ville, cette famille palestinienne, épuisée par la guerre, combat aussi la maladie. Les deux parents souffrent d’un cancer et essaient d’obtenir une évacuation médicale. La Croix a recueilli leur témoignage.
« Nous ne savons pas où aller. Si on pouvait, on partirait dans le sud, commence Arafat Al Rayyes, père de cinq enfants. Mais c’est impossible. Nous n’avons plus d’argent, plus de moyens de transport. Nous ne pouvons pas marcher en portant sur notre dos des dizaines de kilos – vêtements, matelas, ustensiles de cuisine… »
L’armée israélienne, qui a annoncé une opération terrestre d’ampleur dans Gaza-Ville, a ordonné aux habitants d’aller vers le sud : « Nous agirons avec force, comme nous l’avons fait dans d’autres parties de l’enclave. Pour votre sécurité, partez immédiatement. Rester dans la ville est très dangereux », peut-on lire sur un tract tombé du ciel.
« De toutes les façons, il n’y a plus de place dans le sud, lance Arafat Al Rayyes, résigné. Nos voisins sont partis il y a quelques jours, puis ils sont revenus. Ils n’avaient pas trouvé le moindre bout de terrain pour installer leur tente. On y est d’ailleurs aussi bombardés. » Il affirme : « Les gens restent, certes par épuisement, par manque d’argent, par lassitude des déplacements, mais surtout car ils n’ont plus le choix. »
Comme de nombreuses autres familles, les Rayyes ont quitté Gaza-Ville quelques jours après le 7 octobre 2023, vers le sud de l’enclave. Khan Younès, Rafah… Ils se sont déplacés à neuf reprises avant de rentrer chez eux dans l’ancien quartier d’affaires Al Rimal, lors de la trêve de janvier 2025. De leur chez-eux, il ne reste qu’un appartement noirci ouvert aux quatre vents, qui donne sur des tas de décombres.
Aux affres de la guerre, s’ajoutent les malheurs de la maladie. Le père est atteint d’un cancer pulmonaire agressif. En deux ans, il a perdu 40 kg. Et sa dentition : lors d’un bombardement à Khan Younès, une personne, qui était juste devant lui et projetée par le souffle de l’explosion, lui est tombée dessus et lui a cassé la plupart de ses dents. Incarcéré par Israël pour son appartenance à l’OLP-Fatah puis libéré lors des accords d’Oslo, il reconnaît avoir tenu des propos empreints de haine sur les réseaux sociaux qu’il a regrettés par la suite.
Sa femme, Sanaa, souffre, elle, d’un cancer thyroïdien avec métastases pulmonaires. « Il n’y a plus d’hôpitaux pour y recevoir un traitement, déplore-t-elle. Je ne trouve désormais plus de médicaments pour apaiser ma gorge. L’eau polluée – la seule dont nous disposons pour boire – me brûle l’œsophage. Quand je fais la cuisine, je n’ai plus la force de porter les plats, plus l’énergie de supporter la chaleur du feu. » Le teint pâle, le visage émacié. Elle a perdu 24 kg depuis le début de la guerre. « On n’arrive même plus à penser à cause de l’intensité de la fatigue. On dort par tranche d’une heure, une heure trente, réveillés à chaque fois par les bombardements. On ne peut plus se tenir debout », dit-elle en montrant comment elle s’appuie sur la fenêtre.
« Bonjour, comment tu t’appelles ? » Mohammed, 12 ans, tout sourire, surgit devant la caméra. « Moi, quand il y a Internet, je suis les cours en ligne ; sinon, j’attends qu’Internet revienne. J’adore étudier. » Yara et Youmna – qui prépare son baccalauréat – étudient aussi à distance. Mohammed, qui souffre d’anémie, continue : « Je veux te dire quelque chose. On aime la France. » Son frère Yaser y a été accueilli par la famille Tinard, à Concarneau, que La Croix avait rencontrée. Ceux-ci aident les Rayyes à obtenir une évacuation médicale d’urgence. Les hôpitaux que sont le King Hussein Cancer Center à Amman, en Jordanie, et le Memoria Sisli Healthare à Istanbul ont déjà donné leur accord pour prendre en charge les parents Al Rayyes et Mohammed. Le défi est désormais de sortir de la bande de Gaza, sous blocus israélien. Les évacuations médicales, quoique rares, sont possibles, en coordination avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Croix-Rouge (CICR).
Le temps presse… Chaque jour, la menace de la destruction se rapproche. « Des drones quadricopters téléguidés font exploser les bâtiments les uns après les autres. Ils sont à deux kilomètres de chez nous », raconte Sanaa Al Rayyes. « On espère que nos voix vont être entendues par le président Emmanuel Macron, conclut la mère de famille. Nous sommes des êtres humains. Nous aimons la vie. »
JG GIRAUD 13/09/25
