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L'UE POURRA-T-ELLE FINANCER SA DETTE ?



L’UE va-t-elle pouvoir faire face au remboursement de sa dette - essentiellement celle créée par le lancement en 2020 de l’emprunt NGEU (« Next Generation EU ») destiné à relancer l’activité économique après la crise due au COVID ? (1)


Une récente étude (effectuée à la demande de la Commission des Budgets du PE) confirme les doutes exprimés de façon de plus en plus insistante dans les milieux financiers internationaux (2).



Les faiblesses du système actuel

Ces doutes résultent de deux facteurs : conjoncturel et structurel.


Le facteur conjoncturel réside dans la forte hausse des taux d’intérêt survenue sur les marchés depuis 2022 - taux beaucoup plus élevés que ceux estimés lors du lancement de l’emprunt et occasionnant un financement plus coûteux que prévu.


Le facteur structurel provient de la nature même de l’emprunt NGUE considéré par les marchés comme moins attractif que les emprunts souverains (« sovereign bonds ») émis par des Etats tels que l’Allemagne ou la France.


Cette plus faible attractivité est due à plusieurs raisons cumulatives que l’on peut ainsi résumer :

  • la nouveauté de l’opération lancée pour la première fois par l’UE elle-même,

  • la faible liquidité de ces EU bonds du fait de leur volume relativement limité,

  • l’incertitude causée par le caractère « exceptionnel et temporaire » de l’opération,

  • la nature incertaine de la garantie fournie par l’emprunteur européen.


Les conditions d’un renforcement

Il en résulte que la capacité future d’emprunt de l’UE se trouve liée à au moins deux conditions d’ordre politique et institutionnel.


La première condition serait que l’UE officialise et légitime une politique durable de recours à l’emprunt pour financer à l’avenir certaines de ses actions ou politiques. Un doute subsiste en effet sur la capacité juridique de l’Union à poursuivre et développer une telle politique (3). Il pourrait être levé soit par l’ajout d’une clause spécifique dans les traités soit par la voie législative.


La deuxième condition implique que soit mieux assurée la garantie budgétaire adossée à l’emprunt européen. Cela signifie une adaptation de deux mécanismes : celui du cadre financier pluriannuel pour faire place à ce nouveau type de dépenses (financement des intérêts d’emprunt) et celui des ressources propres nécessaires pour assurer ce financement (4). D’autre part, la notion même de plafonnement a priori des dépenses comme des recettes du budget de l’UE pourrait être adaptée pour être conciliée avec le recours institutionnalisé à l’emprunt.



Les obstacles politiques

Il demeure que de forts obstacles politiques limitent l’évolution de la capacité d’emprunt/prêt de l’Union.


D’une part, certains Etats membres - potentiellement bénéficiaires préférentiels des prêts - ont une tendance naturelle à privilégier les dotations/subventions.


D’autre part, tous les Etats membres ne sont pas favorables à une extension mal maitrisée (par eux) de la capacité/autonomie de financement de l’UE. Ils ont également des doutes sur l’efficacité du contrôle que peut exercer la Commission sur l’utilisation des fonds. Les trésors nationaux peuvent également redouter la concurrence des emprunts européens sur les marchés internationaux.



Quoiqu’il en soit - comme le rappelle avec insistance l’étude pré-citée - la situation actuelle (dépassement notable des prévisions relatives aux coûts de l’emprunt NGEU) exige des décisions rapides et adaptées de la part des Institutions (5). Ce pourrait être l’occasion d’inclure plus largement la problématique de la politique d’emprunt de l’UE dans l’ensemble des réformes institutionnelles actuellement en débat.



Jean-Guy Giraud 21 - 05 - 2023


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(1) le montant de cette dette est évaluée fin 2022 à près de 400 milliards euros

(3) Ce doute concerne l’interprétation de l’article 310 §1 du TFUE : « Le budget doit être équilibré en recettes et en dépenses » » - voir : https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/l-ue-post-covid-limites-et-perspectives-du-moment-hamiltonien

(4) plus précisément, il s’agirait de doter l’UE d’un « direct taxing power » comme en disposent les Etats membres afin de garantir la sûreté des emprunts.

(5) voir le récent rapport du PE sur les ressources propres de l’UE : https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/A-9-2023-0155_FR.pdf


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