L’année 2020 verra se produire ou se développer deux transformations importantes dans la configuration de l’Union:
la sortie d’un État membre - le Royaume Uni - dès le 31 Janvier,
la relance du processus d’élargissement à de nouveaux Etats (en premier lieu l’Albanie et la Macédoine du Nord), probablement en Mai.
Les effets du retrait du RU
Du fait du retrait du RU, l’UE verra sa population totale et son PIB global diminuer d’environ 13%.
Les “grands" pays (1) restant dans l’UE ne représenteront plus que 50% de sa population totale (contre 63% avec le RU) - et 61% de son PIB (contre 66% avec le RU).
La grande majorité des États membres sera composée de “petits” pays (2) dont le nombre sera accru par les futurs élargissements.
Parallèlement, le poids des “anciens" États membres diminuera par rapport à celui des “nouveaux" États (issus des élargissements post-2006) auxquels pourraient s’ajouter plusieurs autres (3).
Bien entendu, la perte du RU aura bien d’autres conséquences globales sur la puissance conjuguée de l’Union dans le monde - en termes de diplomatie et de défense (4), de puissance commerciale et financière, d’investissements étrangers, de capacités de recherche et d'innovation, d’influence culturelle, etc ...
Autant de puissance perdue que ne compenseront pas les futurs élargissements qui seront au contraire un facteur d’affaiblissement relatif sur le plan international et interne (5).
Les votes au sein du Conseil de l’UE 27
Si l’on s’arrête un instant sur la question du vote au sein du Conseil, il est intéressant de reprendre - avec l’aide du “Calculator” mis en ligne par l’Institution (6) - les rapports de force entre diverses catégories d’États membres dans l’UE 27 :
entre les “anciens" (quatorze) et “nouveaux" (treize) : le vote groupé des anciens permet de franchir le seuil de population (65% des 27) mais pas celui du nombre des États (55% des 27),
entre les “grands” (quatre) et les “petits” (vingt trois) : le vote des grands est très inférieur au seuil du nombre d’États mais aussi à celui de la population,
entre les membres (dix neuf) et non membres (huit) de la zone Euro : les deux seuils sont largement atteints par les membres de la zone (7).
Les effets institutionnels de la poursuite de l'élargissement
Dans la perspective à terme d’une poursuite de l’élargissement de l’UE à l’ensemble des Balkans - soit d’une UE 33 - les équilibres actuels propres aux Institutions pourraient être globalement modifiés selon les tendances suivantes:
pour la Commission, le nombre des membres augmentera en même temps que celui des États si la règle d’un commissaire par État perdure, contrairement au Traité) (8),
pour le Parlement, l’accroissement du nombre des membres pourra être limité par la règle du plafonnement - mais la diversité et la pluralité des courants et des groupes politiques risquent de s’amplifier,
au sein du Conseil, les règles de prises de décisions (basées à la fois sur le nombre des États et sur leur population) seront affectées par une plus grande difficulté pour l’obtention de majorités - et par le maintien du droit de veto d’un plus grand nombre d'États (même les plus minoritaires en terme de population) en cas de vote requérant l’unanimité. D’autre part, le nombre des “petits” États passera de 23 à 29 sur le total de 33 - et les “nouveaux” États deviendront majoritaires passant de 13 à 19 sur 33.
L’effet d’”accordéon” provoqué par le choc politico-économique du retrait du RU d’une part et les perspectives d’élargissement de l’UE d’autre part (renforcées par les engagement réitérés des trois Institutions) devrait faire l’objet d’analyses prospectives détaillées des responsables de l’Union. Ce pourrait être l’un des objectifs de la “Conférence sur le futur de l’Union” qui s’ouvrira en Janvier 2020.
Plus de 15 ans après les travaux de la Convention et l’adoption du projet de Constitution européenne en 2003 (largement repris par le Traité de Lisbonne en 2007), un aggiornamiento des structures de l’Union comme de ses grandes politiques communes - en une ou plusieurs étapes - apparait donc nécessaire.
Et à cette occasion se posera à nouveau la question du choix de l’orientation plus ou moins fédérale d’une "Union toujours plus étroite des peuples européens” - objectif que le seul RU, à présent sorti de l’UE, avait ouvertement contesté.
Jean-Guy Giraud 18 - 12 - 2019
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(1) cad les 4 pays dont chacun a une population de l’ordre de 10% à 15% du total : Allemagne (16%), France (13%), Italie (12%), Espagne (9%)
(2) cad les 21 pays dont chacun a une population de l’ordre de 2% du total.
(3) au 31/01/2020, les anciens seront au nombre de 14 et les nouveaux de 13 (puis progressivement 19 en cas d'élargissement aux 6 États des Balkans).
(4) l’UE n’aura plus qu’un membre permanent (France) au sein du Conseil de sécurité des NU - et une seule puissance nucléaire (France).
(5) l’UE perdra notamment un important contributeur net de son budget et devra faire face aux coûts d’aide au développement de nouveaux États relativement moins avancés que la moyenne communautaire.
(7) remarque : en pratique, ces calculs de majorité sont effectués avant les mises aux votes effectives. La Commission ne soumet formellement des projets au Conseil que lorsqu’elle estime que les seuils de majorité peuvent être atteints - ce que le COREPER vérifie encore au passage… Ce qui permet parfois d’écrire que - officiellement du moins - les règles de vote n’empêchent pas le Conseil de prendre des décisions (CQFD)
(8) il en sera de même pour d’autres Institutions (Cour de Justice) ou organes de l’UE
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