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L’OPNI « COMMUNAUTÉ POLITIQUE EUROPÉENNE » POURSUIT SA ROUTE



La 2ème rencontre de la Communauté politique européenne aura donc lieu le 1 Juin 2023 à Chisinau (Moldavie), comme prévu à l’issue de la première réunion tenue à Prague le 6 Octobre 2022. (1).


Du fait du caractère délibérément informel de ces rencontres, aucun préparatif officiel ne les précède, hormis de discrets échanges de vues multilatéraux entre les « sherpas » des Chefs de gouvernement. Si le Secrétariat du Conseil de l’UE et les services diplomatiques du pays hôte assurent la logistique, aucune administration permanente n’organise les travaux, aucun ordre du jour formel n’est imposé et aucune conclusion n’est adoptée à l’issue des réunions.


Ainsi, à moins de 3 jours avant la réunion du 1 Juin, celle-ci demeure largement ignorée par la presse (européenne comme internationale) et n’a fait l’objet que de rares commentaires de la part des analystes spécialisés (2).


Pourtant , il n’est pas anodin de rassembler dans une même enceinte les dirigeants suprêmes d’une quarantaine de pays (soit la quasi totalité des Etats européens à l’exception de la Russie et de son satellite la Biélorussie) même si l’objectif affiché se limite à organiser une sorte de « réunion de famille » dont la manifestation la plus marquante est la photo de groupe largement mise en scène et diffusée à cette occasion.


Au delà, les rares commentaires voient dans la CPE un réflexe Westphalien classique, directement causé par la tentative d’invasion et d’annexion d’un pays européen par une des grandes puissances du continent. Et donc une rupture de l’équilibre continental rétabli après la dislocation du bloc soviétique - rupture d’autant plus pré-occupante qu’elle est causée par un autocrate imprévisible, maître absolu de l’arme nucléaire de son pays.


D’autres analystes s’aventurent sur un plus vaste terrain : la CPE incarnerait une tentative de défense d’un certain ordre européen de caractère démocratique et libéral, ordre menacé par de grandes puissances impérialistes et illibérales menées par la Russie et, de plus en plus, par la Chine qui tentent d’imposer leur propre modèle, de caractère autoritaire. Il s’agirait en quelque sorte de ré-affirmer le rôle civilisationnel historique du « vieux » continent européen, au delà de ses intérêts proprement sécuritaires et économiques. Sur cet aspect du débat, il n’est pas sûr qu’un consensus même implicite puisse être actuellement obtenu au sein de la CPE - notamment du fait de l’ambivalence actuelle d’un des grand états membres du groupe, la Turquie d’Erdogan.


Enfin, certaines interrogations demeurent :

  • la personnalisation affichée des débats-rencontres multilatéraux et bilatéraux entre dirigeants en place rend le groupe très dépendant de la volatilité de sa composition et de la qualité des relations entre ses membres. L’absence d’implication des appareils diplomatiques nationaux ainsi que de toute structure permanente d’appui risque de restreindre l’efficacité et la continuité du rôle de la CPE. On notera par exemple que l’initiative de la CPE doit beaucoup à l’action personnelle menée par le Président français du moment qui pourrait ne pas être poursuivie par son successeur,

  • les manifestations d’unité au sein de la CPE sont certainement facilitées par le fait que les intérêts immédiats des pays membres - notamment sur le plan économique - ne sont pas mis en jeu par dans cette enceinte,

  • les membres non-européens du « camp » occidental - en particulier les USA - ne sont pas associés aux travaux de la CPE, ni leurs organisations communes telles l’OTAN. Ceci est susceptible de limiter l’influence de la CPE dans le domaine sécuritaire en particulier vis à vis de la Russie,

  • dans l’hypothèse d’un succès et d’une pérennisation du cénacle CPE, il faudra s’interroger sur l’influence qu’elle serait susceptible d'avoir sur les positions propres de l’UE en matière de politique étrangère. Par exemple, le Conseil européen devrait-il tenir compte des débats au sein de la CPE avant de se déterminer sur le conflit ukrainien ? Pourrait-il être influencé par la CPE dans la poursuite, le rythme et l’ampleur de sa politique d’élargissement ? On voit bien les similitudes dans la composition et la conception de ces deux organes mais on perçoit moins bien leur articulation future.


Au total, la majorité des observateurs tend à s’accorder sur l’opportunité de l'initiative CPE - même si celle-ci en est encore au stade d’ OPNI (« Objet Politique Non Identifié ») comme le Président Delors qualifiait l’UE il y a près de quarante ans. La deuxième réunion du 1 Juin prochain, son taux de participation, son climat et la nature de ses débats pourraient s’avérer décisifs pour la poursuite de cette entreprise inédite. Pour l’instant, force est de constater que la CPE a bien « passé l’hiver » (3) et pourrait refleurir au printemps moldave ...


Jean-Guy Giraud. 29 - 05 - 2023




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(1) Il a été décidé dès le départ que les réunions semestrielles auraient lieu successivement dans un Etat membre de l’UE (en principe celui exerçant la présidence du Conseil) puis dans un Etat non membre. Les deux prochaines se tiendront ainsi en Espagne (automne 2023) puis au RU (printemps 2024) .

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