Comme prévu, le groupe de chefs du gouvernements réunis par le Président du Conseil européen a rédigé un projet de “Nouveau Programme Stratégique 2019-2024” (1) (2).
Une déception annoncée
Et, comme prévu, ce document censé définir les nouvelles actions prioritaires de l’Union s’avère décevant.
Sous quatre têtes de chapitre, il égrène en fait quasiment toutes les principales politiques communes, sans distinguer vraiment l’essentiel de l’accessoire ni faire ressortir les plus grandes et les plus urgentes priorités. Une sorte de catalogue dont, depuis bien des années, le Secrétariat du Conseil fournit inlassablement les éléments de langage - aussi consensuels que possible de manière à ne bousculer ni ne heurter aucun État membre.
L’urgence climatique est bien une des trois priorités retenues (la troisième …) mais les engagements proposés (en termes généraux et quasiment identiques aux précédents “programmes stratégiques") ne reflètent pas le sentiment d’urgence qui s’imposerait. Dans le même paragraphe figurent bizarrement des considérations relatives aux jeunes, à l’égalité des genres et … à l’héritage culturel.
La question centrale du respect de l’ordre démocratique au sein même de l’Union n'est mentionnée qu'au passage, en fin du paragraphe consacré à la protection des citoyens. Elle est là aussi exprimée de façon neutre par un simple rappel aux principes relatifs aux droits de l’homme.
Sur le plan international, le texte énumère tous les “défis” bien connus : des migrations aux accords commerciaux en passant par les politiques étrangères et de défense et la politique de voisinage. Les problèmes concrets et pressants posés par les nouvelles politiques agressives des grandes puissances (USA, Russie, Chine) ne sont pas mentionnés.
La première priorité reconnue est, très classiquement, celle du “développement économique” par l’achèvement du "marché unique” grâce à une série d’actions maintes fois répétées, relatives à la révolution digitale, la politique industrielle, l’éducation et la recherche, les PME, … Assez étonnamment, le texte “expédie” la question de l’Euro en une phrase en fin de paragraphe : “We must ensure that the Euro works for our citizens and remains sustainable”. Difficile d’être plus vague à la veille de probables crises financières internationales.
Au tour du Parlement et de la Commission
Si un tel texte devait être avalisé par l’ensemble du collège, cela confirmerait l’incapacité du Conseil européen à discerner de véritables et urgentes priorités pour guider l’action de l’Union. Il ne faut pas s’en étonner au vu des divisions qui opposent les États membres et de leurs propres situations politiques internes. Un consensus ne pourra se dégager que sur un texte de caractère si général et si “déjà vu” qu’il en perdra toute signification et toute valeur.
Il est souhaitable que le Parlement - qui va semble-t-il se livrer au même exercice - se montrera plus novateur, plus ciblé et plus volontariste.
Mais, en fin de compte, ce devrait surtout être le rôle de la nouvelle Commission de définir - avec précision et en regard du seul intérêt général de l’Union - quelles devraient être les véritables priorités de son mandat. Il est à présent acquis que la Commission est un organe politique au sens plein du terme. Elle sera donc avant tout jugée sur sa capacité à définir, dès le départ et de façon autonome, sinon une "stratégie” du moins les trois ou quatre grandes questions qu’elle entend traiter en priorité.
(2) https://www.lesamisdutraitedelisbonne.com/post/de-vraies-priorités-pour-la-nouvelle-commission
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