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ACCORD FISCAL : QUAND L'OCDE DONNE L'EXEMPLE À L'UE


Les 130 pays de l’OCDE sont parvenus le 1 Juillet 2021 à Paris à un accord de principe sur la taxe “GAFA” c’est à dire sur la création d’une imposition globale (“Global Tax”) sur les plus grandes sociétés internationales (et pas seulement les sociétés “digitales”) dont l’activité leur permet d’échapper largement aux systèmes fiscaux nationaux (1) Cet accord a deux volets : une taxe sur les profits (au delà de 10%) des 100 plus grandes entreprises dont les revenus dépassent 20 milliards de dollars - et la fixation d’un taux minimal de 15% sur leurs bénéfices obtenus dans les pays où elles opèrent. Un succès pour l’OCDE grâce … aux américains Il s’agit à ce stade de la confirmation, à l’échelle de l’OCDE, d’un accord obtenu au sein du G7 le 7 Juin 2021. Cet accord devra être avalisé par le G20 en Juillet 2021. Il sera ensuite mis en forme technique et juridique et approuvé formellement courant 2022 pour une application effective en 2023. Il convient de souligner le rôle décisif joué par les USA dans cette affaire. L’ accord n'a été rendu possible que par le déblocage de l’opposition américaine par la nouvelle administration de Joe Biden et celle-ci a bien souligné qu’elle disposait de moyens de pression suffisants pour contraindre des pays récalcitrants à l’observer. Toutefois, le Président devra encore obtenir l’agrément du Congrès avant de signer formellement l’accord - ce qui pourrait être rendu difficile en cas de changement (même marginal) de majorité au sein des deux chambres (notamment du Sénat) à l’occasion des élections de mid-term en 2022. Selon le sytème décisionnel de l’OCDE, un tel accord doit être approuvé par “consensus” c’est à dire par la quasi-unanimité des Etats membres : en l’occurence 130 pays représentant 90% du PNB mondial. De fait, l’opposition ou l’abstention de 9 pays n’y a pas fait obstacle - pays qui ne pèsent d’ailleurs que d’un faible poids dans l’économie mondiale ou dans la zone d’activité des grandes sociétés concernées - à l’exception de l’Irlande qui a, en fait, demandé un délai de réflexion étant donné ses liens étroits avec les GAFA. Au total, 3 Etats membres de l’UE figurent parmi les 9 réfractaires (provisoires) : Irlande, Hongrie et Estonie (2). Il semble que les motifs de refus de la Hongrie soient de nature plutôt idéologique (souveraineté nationale sur la fiscalité) et ceux de l’Estonie de nature pratique (ce pays est très avancé sur le plan de l’informatisation de la société). In fine, l’accord prendra la forme d’une convention internationale signée dans le cadre de l’OCDE, devant être ratifiée par les pays signataires et revêtant pour eux - sauf dispositions contraires expresses - un caractère contraignant au sens du droit international des traités. Les carences européennes en évidence Il est clair que, sur le plan technique et diplomatique, l’UE (en fait la Commission) a joué un rôle de premier plan dans la négociation au sein de l’OCDE (3)- ainsi que certains de ses Etats membres dont la France. Il est clair aussi que - sans un accord global (avec notamment la participation des USA) - l’UE seule pouvait difficilement imposer ses propres règles dans un tel domaine. Toutefois, cet épisode met une fois de plus en relief les carences du sytème européen en matière d’harmonisation fiscale - plus particulièrement s’agissant de la fiscalité des sociétés. Ce domaine est considéré comme relevant principalement de la souveraineté des Etats membres et toute législation communautaire exige un vote unanime du Conseil et une ratification de chacun des parlements nationaux. Pour cette raison, le projet européen de taxation des GAFA - présenté par la Commission en mars 2018 - est resté jusqu’ici bloqué au sein du Conseil.(4). Ce que l’opinion européenne risque de retenir de cette affaire - même si cela n’est pas entièrement justifié sur le plan juridique et matériel - sera sans doute que le système de l’OCDE s’avère plus performant que celui de l’UE dans laquelle même un “petit” Etat membre peut s’opposer à la volonté de tous les autres. Et que cette faiblesse intrinsèque l’empêche non seulement d’harmoniser son propre système fiscal mais aussi d’influencer le système international selon son modèle et ses intérêts spécifiques (5). Alerte à l’évasion fiscale In fine, rappelons que derrière ce problème en apparence technique de “gouvernance” de l’UE, se “cache” une conséquence de toute autre ampleur : celle du caractère massif de l’évasion fiscale au sein même de l’Union estimée à quelques … 825 milliards d’euros par an - soit près de 3 fois plus que le montant annuel (2021/2023) du plan de relance post-COVID (6). De quoi susciter l’intérêt - voire l’indignation - de l’opinion au sein de la Conférence sur le futur de l’Europe. Jean-Guy Giraud 03 - 07 - 2021 __________________________ (1) voir le communiqué de l’OCDE : https://www.oecd.org/newsroom/130-countries-and-jurisdictions-join-bold-new-framework-for-international-tax-reform.htm ainsi que l’article du Monde : https://journal.lemonde.fr/data/1506/reader/reader.html?t=1625231898814#!preferred/0/package/1506/pub/2037/page/14/alb/102027 (2) les 6 autres pays sont : le Kenya, le Nigeria, le Pérou, le Sri Lanka, les Barbados, St Vincent-et-les-Grenadines (3) “L’accord doit beaucoup au « leadership de la nouvelle administration américaine » et à « la persévérance des institutions européennes” (El Pais) (4) en dépit d’une clause de passage au vote majoritaire prévue par le traité (art. 48§7 TUE). Le même blocage affecte d’autres projets en instance de première importance tels que la taxation sur les transactions financières, l’assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés (ACCIS) ou la réforme du système de TVA. Voir : https://www.touteleurope.eu/economie-et-social/impots-sur-les-societes-paradis-fiscaux-l-europe-peut-elle-abandonner-l-unanimite-en-matiere-fisca/ (5) par exemple, sous l’influence des USA et du RU, l’accord OCDE exclut les entreprises financières du nouveau régime fiscal. (6) “ 24. les estimations les plus récentes de l’évasion fiscale dans l’Union européenne donnent un chiffre d’environ 825 milliards d’euros par an


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