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LE CONTRÔLE INSUFFISANT DES INVESTISSEMENTS ETRANGERS DANS L’UNION



Le Parlement et le Conseil viennent d’adopter un règlement relatif au “filtrage des investissements directs étrangers dans l’Union” (1).

Un mécanisme de protection bienvenu ...

Ce règlement est une première réaction de l’UE à la croissance récente et spectaculaire d’investissements directs étrangers (IDE) dans certains États membres, notamment en provenance de grands “pays émergents” dont la Chine.

Investissements - souvent massifs - qui concernent des secteurs économiques considérés comme stratégiques tels que les communications, le transport, l’énergie, les matières premières, les industries de défense, etc ...

À ce jour, certains des États membres ne disposent d’aucun mécanisme de contrôle des effets potentiels de ces investissements ni d’aucun moyen réglementaire de filtrage. Au niveau de l’UE, “aucun cadre global pour le filtrage n’existe alors que ses principaux partenaires commerciaux ont déjà mis au point de tels cadres”.

… mais très insuffisant

La marge d’action de l’UE est en fait réduite par plusieurs facteurs :

  • la réglementation internationale (OMC/OCDE) limite l’utilisation de mesures “restrictives” aux IDE aux cas de "risques d’atteinte à la sécurité ou à l’ordre public” des États,

  • les Traités ne donnent pas de compétence explicite à l’Union pour exercer un contrôle direct des IDE dans les États membres, ceux-ci restant souverains en la matière : "le filtrage reste de la seule responsabilité de l’État dans lequel l’IDE est réalisé".

  • l’action de l’Union doit ainsi se limiter à faciliter "la coopération et la coordination au niveau de l’UE en matière de filtrage des IDE susceptibles de porter atteinte à la sécurité et à l’ordre public” .

C'est donc dans cette espace restreint que se situe ce règlement qui vise seulement à établir un cadre général permettant d’identifier et d’analyser la nature des IDE dans chacun des États membres.

Dans ce cadre, la Commission peut demander des informations aux États, les assister dans la mise sur pied de mécanismes nationaux de filtrage, donner des avis sur des opérations spécifiques et rédiger un rapport annuel sur l’évolution des IDE au niveau de l’UE.

L’ensemble de ce mécanisme est en fait basé sur la compétence (exclusive) de l’Union en matière de politique commerciale commune et plus précisément sur l’article 207§2 TFUE (“mesures définissant le cadre dans lequel est mise en oeuvre cette politique”) .

Les IDE, chasses gardées nationales

Ce nouveau règlement, adopté dans des délais relativement brefs, doit être accueilli favorablement au vu de l’importance et des risques

économico-politiques que certains IDE - plus ou moins pilotés/financés par les pouvoirs publics de certaines grandes puissances telles que la Chine - font peser sur des secteurs industriels entiers d'États membres de l’Union.

IDE qui peuvent également aller à l’encontre de grands programmes d’investissement et de développement économiques de l’Union tels que Galileo, Copernicus, Horizon 2020, Réseaux européens de transport et de télécommunications, Industrie de défense,etc …

Il faudra cependant beaucoup d’insistance de la part de la Commission et du Parlement pour convaincre les Gouvernements des États membres d’appliquer “loyalement” ces premières dispositions et plus encore pour leur faire ultérieurement accepter des mesures plus contraignantes.

Les IDE ont jusqu’ici été considérés comme une "chasse gardée” des Gouvernements et soigneusement tenus à l’écart de l’intervention directe de l’UE - sauf dans le cadre de la conclusion d’accords commerciaux entre l’Union et des pays tiers où les IDE sont cependant traités et conclus séparément.

Pour un renforcement des compétences de l'UE

On peut s’étonner que les Traités n’aient pas anticipé le risque que comportent les IDE pour la cohésion économique et politique de l’Union. Le problème est à présent posé avec une grande acuité et urgence - au vu des stratégies développées activement par certains pays “investisseurs" dont la Chine.

Quelques États de l’UE - dont la France - ont mis sur pied des mécanismes nationaux de contrôle plutôt efficaces mais ils demeurent indirectement impactés par les IDE pénétrant plus facilement d’autres États membres.

Le problème de la maîtrise effective des IDE reste donc posé à l’Union.

À défaut de base juridique de caractère général, des mesures plus contraignantes pourraient être envisagées par la voie de coopérations renforcées entre certains États membres même si l’expérience montre que, là aussi, les dispositions des Traités ne facilitent guère la tâche.

D’autre part, l’UE pourrait - par l’intermédiaire de sa politique de concurrence - lutter plus systématiquement contre des IDE qui ne respecteraient pas les règles relatives aux aides d’état ou aux abus de positions dominantes.

Mais il est à craindre que ces stratégies latérales ne soient pas à la hauteur du défi.

Il resterait donc à envisager si des moyens d’action spécifiques ne pourraient pas être accordés à l’Union par la voie de l’article 352 TFUE qui permet l’adoption de tels moyens “pour atteindre un des objectifs fixés par le Traité” lorsque celui-ci ne les a pas explicitement prévus.

Décision qui, il est vrai, suppose un accord unanime des États membres…

Jean-Guy Giraud 15 - 04 - 2019


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