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ÉLARGISSEMENT DE L'UE : "QUI VEUT VOYAGER LOIN …"



Suite au refus (au report ?) par le Conseil européen de la décision d’ouverture de négociations d’adhésion avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, le gouvernement français vient de rendre public un “non paper”  portant sur “la réforme de la procédure d’adhésion à l’UE”.


Une procédure en étapes successives


Sur à peine trois pages, ce texte propose en fait une profonde modification de cette procédure que nous laissons les lecteurs découvrir dans le détail (1)(2). Nous reprenons ici les principaux points de cette proposition :

  • la “vocation européenne” des 6 pays des Balkans (cad leur vocation à adhérer à l’Union) est explicitement confirmée mais ces adhésions sont conditionnées à une préalable “réforme” de l’UE

  • la Commission devrait présenter ses propositions de révision de la procédure d’adhésion dès Janvier 2020, soit avant le prochain sommet sur les Balkans (Mai 2020),

  • la nouvelle procédure devrait procéder par étapes successives et par “blocs" de politiques (7 au total repris en annexe du document), 

  • le franchissement de chaque étape permettrait à l’État candidat de participer aux programmes européens relatifs au bloc concerné et serait accompagné d’un soutien financier accru - provenant notamment des fonds structurels,

  • le passage d’une étape à l’autre serait conditionné non seulement par le respect de critères précis mais aussi par la possibilité de mise en oeuvre effective de ces critères par l’État candidat,

  • cette évaluation serait basée des indicateurs précis, facilement et objectivement mesurables,

  • le processus serait réversible cad pouvant être suspendu partiellement ou totalement en cas de non respect des critères ou des engagements pris par les États candidats,

  • la Commission serait chargée d’évaluer en continu les progrès accomplis par les États candidats et cette évaluation serait examinée par le Conseil,

  • une réunion annuelle du Conseil européen serait consacrée à l’examen de questions d’intérêt commun à l’UE et à l’ensemble des 6 États des Balkans.

Quelques points principaux


Au delà de l’aspect procédural de la proposition française, on peut souligner les points suivants :

  • le souhait d’introduire un “pilotage politique” (assuré par le Conseil) dans une négociation jusqu’ici largement gérée par les services techniques de la Commission, 

  • l’introduction des deux notions de vérification systématique des progrès effectifs (et pas seulement juridiques) réalisés par les États candidats - et de réversibilité (voire d’annulation) du processus,

  • la priorité donnée à la question du respect de l’ “état de droit” qui ouvre la première étape de la procédure, conditionne le passage aux suivantes et fait l’objet d’une vérification constante tout au long des négociations,

  • la volonté d’assister les États candidats tout au long du processus et de les intégrer progressivement au fur et à mesure du franchissement réussi des étapes,

  • le préalable de la réforme de l’Union : aucune nouvelle adhésion ne pourrait intervenir avant que cette réforme (dont la nature n’est pas précisée) ne soit effectuée,

  • les négociations d’adhésion avec les deux premiers pays candidats (Albanie, Macédoine) ne seraient ouvertes que si/lorsque la révision de la procédure serait entérinée (cette révision ne nécessitant pas en elle-même de modification des traités).

Une tentative bienvenue mais incertaine 


Nous avons régulièrement questionné ici tant le bien fondé de la soi-disant "stratégie d’élargissement" de l’UE que les modalités bureaucratiques des négociations d’adhésion. De même, nous avons souvent regretté que la question de la "capacité d’intégration" par l’UE de nouveaux États membres ne soit jamais explicitement abordée.


De sorte que la proposition française, bien que tardive et isolée, nous semble la bienvenue.


De même, la perspective clairement affirmée d’une réforme/renforcement de l’UE préalable à toute future adhésion (sinon à toute ouverture de négociations d’adhésion) mérite aussi d’être notée.


La France sera-t-elle en mesure de convaincre les autres États membres - ainsi que la nouvelle Commission et le Parlement - d’effectuer un tel virage ? Il est peu probable que ses propositions soient rapidement et intégralement reprises.


En effet, la  justification “géo-stratégique" de l’élargissement - aussi imprécise et discutable soit-elle - tend à balayer toute prudence et toute réflexion. Même l’expérience pour le moins mitigée des précédents élargissements ne parvient pas à freiner cette course.

Une course dont on voit déjà les effets sur la nature même du projet européen, dilué, affaibli et même inversé sous certains aspects.


La France réussira-t-elle au moins à ouvrir le débat ? En toute hypothèse, il faudra reconnaitre que sa tentative n’est motivée par aucun intérêt national propre mais par une certaine conception de l’intérêt général de l’Union. C’est assez rare pour être souligné.



Jean-Guy Giraud  21 - 11 - 2019

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